samedi 31 janvier 2009

Ennéagramme (suite) : charlatans et gourous s'abstenir

Très belle session Ennéagramme au Centre Saint Paul aujourd'hui. Un animateur au mieux de sa forme. Des participants très divers. Des explications simples et convaincantes. Des échanges passionnés.

A l'attention de tous ceux qui voient dans l'Ennéagramme un nième truc comportementaliste, un classement à l'américaine, un ouvre boîte pour gestion rapide du personnel, je voudrais dire que ce que j'ai compris, moi qui hésitais à mon propre sujet, entre deux profils, c'est que le fond de l'analyse ennéagramme, qui ne peut être du coup qu'une auto-analyse (et ça c'est rassurant : charlatans et gourou s'abstenir), c'est d'aider chaque personne à identifier ses propres motivations. Comprendre ses motivations, c'est évidemment descendre en soi même. Dans le langage ignacien on dirait : c'est se préparer à faire élection de manière efficace. Rien de mieux pour faire des progrès que de savoir ce sur quoi travailler.

Rien à voir en tout cas avec une analyse des comportements, même si il existe des descriptions de profils. Nous sommes tous capables de tout : la question est de savoir popurquoi nous agissons d'avantage de telle ou telle manière.

Attention, ce que nous a fait découvrir notre Mentor, c'est la souplesse de l'ennéagramme, qui, à travers l'interaction des types les uns sur les autres décrit une personnalité chaque fois unique.

Notre animateur nous a promis... une suite !

vendredi 30 janvier 2009

"Recoudre les fils déchirés du filet du Christ"

C'est ainsi que le cardinal Bertone secrétaire d'Etat, caractérise l'objectif du pape Benoît XVI, dans une déclaration faite aujourd'hui même. Et il précise que pour comprendre le dessein du pontificat, "il faut partir du concile Vatican II" et de la double herméneutique qu'il a suscité.

Vatican II "ne peut pas avoir été une assemblée constituante", visant à "changer la constitution de l'Eglise pour en mettre une nouvelle", parce que "la constitution de l'Eglise vient du Christ" et que nous ne saurions la remplacer par un projet d'Eglise, humain trop humain. L'Eglise n'est pas le mouton du Petit Prince, qui se laisserait dessiner, au gré de l'idée du moment. Hiérarchique et monarchique, ce Royaume de Dieu demeure semblable à lui-même et les contre-façons humaines n'ont pas de prise sur lui.

Si l'herméneutique de rupture ne peut avoir aucun succès, il importe pour le bien pastoral de l'Eglise de s'en tenir à l'herméneutique de continuité. Cette continuité se représente d'abord dans le temps, comme une cohérence foncière entre les différents états de l'Eglise. Elle se représente ensuite dans l'espace, et dans un espace toujours plus large, car c'est la Tradition qui seule est capable de regrouper tous les chrétiens. La Tradition est le meilleur moteur de l'oecuménisme raisonnable et efficace. L'élection du Patriarche Cyrille sur le siège de Moscou pourrait bien réserver des surprises à ceux qui croient que Benoît XVI est un conservateur. Il est indéniable que ce pontificat est animé d'un souffle et d'une espérance que l'on n'avait pas senti depuis plusieurs siècles.

Nécessairement court, hélas, étant donné l'âge du Pontife, après le long pontificat de transition que Jean Paul II nous a fait vivre (de Redemptor hominis, première encyclique à Ecclesia de eucharistia, quoi de commun, 25 ans ont passé), le pontificat de Benoît XVI, avec son herméneutique de continuité, pourrait bien changer considérablement le paysage, en surmontant définitivement, au nom de l'Eglise ce que j'appellerais volontiers la tentation socinienne.

Fausto Socin est un Italien qui vit à la fin du XVIème siècle. il est hélas trop peu connu. On peu considérer que, plutôt que Luther et Calvin, c'est lui le véritable père de la modernité chrétienne, c'est lui l'ancêtre des protestants libéraux. Renonçant délibérément à tout ce que la foi peut comporter de mystérieux (à commencer par le Mystère de la Sainte Trinité : un seul Dieu en trois personnes), il réduit le christianisme à une morale de l'amour du prochain et à une foi minimale dans le principe divin, au nom duquel le Christ s'est exprimé. Parmi les plus célèbres adeptes de Socin, le juif christianisant Spinoza n'hésitait pas à écrire que le Christ est la bouche de Dieu (Traité théologico-politique) ; mais il refusait résolument toutes les formes du mystère et toutes les expressions du surnaturel (la prophétie comme les miracles).

La grande hérésie du XXème siècle (le modernisme) succombe à cette tentation : Alfred Loisy, exégète, figure emblématique du modernisme, devient même agnostique tout en demeurant "mystique". C'est un disciple involontaire de Socin, par Renan qui, lui, se rattache explicitement à Spinoza.

Au Concile, toute une frange de l'Eglise, au nom de la foi comme simple expression de la conscience du croyant, a cru trouver une nouvelle forme d'universaliuté et comme un nouveau catholicisme (catholique= universel). Cette perspective est celle que les docteurs du Nouvel Israël ont appelé dans les années Soixante dix "la foi adulte" (par opposition sans doute à la foi de ceux qui acceptent de redevenir comme de petits enfants selon le précepte de l'Evangile, la foi adulte est une foi qui ne s'en laisse pas compter et met en cause tant l'authenticité des miracles que l'infaillibilité des prophéties). On a vraiment cru, dans les années Soixante dix que c'est autour de cette foi adulte que l'on "recoudrait les fils déchirés du filet du Christ". On a pensé que cette "foi adulte", partagé par tous les esprits raisonnables, favoriserait l'oecuménisme et le dialogue interreligieux. On a imaginé que cette foi adulte allait séduire les Etats, en rapprochant la croyance de l'Eglise du noyau laïc sur lequel se construit la vie politique occidentale. On s'est terriblement, on s'est tragiquement trompé. Cette foi adulte est stérile. Elle n'engendre pas dans le Christ. On a voulu "refaire chrétiens nos frères" : peanuts !

Benoît XVI est le premier a prendre acte publiquement de ce ratage dans le discours à la Curie romaine du 22 décembre 2005. Il est le premier à comprendre que pour "recoudre les fils déchirés du filet du Christ", c'est à l'enseignement du Christ, dans son authenticité fontale qu'il importe de revenir, car c'est cet enseignement, et rien d'autre, qui fera l'unité. Mais l'enseignement du Christ ne nous est accessible que par la tradition qui l'a fait parvenir jusqu'à nous. Des clercs, fatigués de la foi des anciens jours, avaient rêvé d'une assemblée constituante qui, selon l'idée émise semble-t-il par Jean XXIII lui-même d'une "nouvelle Pentecôte", serait pour l'Eglise comme un nouveau commencement. Les papes successifs, sans admettre cette idée, ont sacrifié à cette rhétorique. Benoît XVI lui, entend, dans les quelques années que dureront son Pontificat, donner le coup de barre qui empêchera définitivement la barque dont il a la responsabilité de s'embrocher sur les récifs du socinianisme contemporain. Il le fait à travers des gestes forts, parce qu'il sait bien qu'il ne dispose pas d'un quart de siècle comme son prédécesseur. le premier vise à réaliser l'unité des catholiques, en indiquant à tous que le centre de gravité de leur équilibre spirituel est la Tradition, toujours respectable, en liturgie comme en théologie.

Mais qui sait si le pontificat que Malachie appelle "la gloire de l'olivier" ne nous réservera pas d'autres surprises, dans le sens de la Tradition comme ferment de l'unité des chrétiens ? L'élection du Patriarche Cyrille à Moscou, qui de notoriété publique est philo-romain, constitue certainement un signe. Oui : un vrai signe des temps, pour "recoudre les fils déchirés du filet du Christ".

jeudi 29 janvier 2009

Dossier Monde&Vie: « Le pape qui dit oui à la Fraternité Sacerdotale Saint Pie X »

« Le pape qui dit oui à la Fraternité Sacerdotale Saint Pie X » - c'est sous ce titre que Monde&Vie de janvier propose un dossier assez roboratif:

Un entretien avec Mgr Bernard Fellay, Supérieur général de la Fraternité sacerdotale Saint-Pie X, que vous lirez ci-dessous

« La fin de l’illégalité pour la Fraternité Saint-Pie X » - entretien avec M. l’abbé Grégoire Celier, porte-parole du District de France de la Fraternité sacerdotale Saint-Pie X

... et quelques réactions (substantielles) recueillies par Daniel Hamiche:

« Un pape qui voit plus loin que les tempêtes médiatiques du moment » (Abbé Vincent Ribeton, supérieur du district de France de la FSSP)

« Une route claire, sûre et balisée pour aujourd’hui et pour demain » (Abbé Philippe Laguérie Supérieur de l’Institut du Bon Pasteur)

« Finies les discussions sur le sexe des anges » (Mgr Gilles Wach, Prieur Général de l’Institut du Christ-Roi Souverain Prêtre)

... suivies d'une analyse de Claire Thomas:

« Face au geste prophétique de Benoît XVI - Mais que vont donc faire nos évêques ?»

[Monde&Vie] Entretien avec Mgr Bernard Fellay, Supérieur général de la Fraternité sacerdotale Saint-Pie X

Propos recueillis par Olivier Figueras - Monde & Vie n° 806 - 31 janvier 2009 - page 17

On devine que le supérieur général de la Fraternité Saint-Pie X est surchargé en ce moment. Durant le bref entretien qu’il a pu nous accorder, au cours de son passage à Paris, son téléphone n’arrêtait pas de sonner. Mais il livre ici l’essentiel de ce qu’il faut savoir pour comprendre ce que sera la suite des événements. Une réintégration pleine et entière de la FSSPX dans la hiérarchie romaine semble désormais à portée de main.


Vous attendiez-vous, Monseigneur, à cette levée de l’excommunication vous concernant?

Je m’y attendais depuis 2005, depuis la première lettre de demande de levée de l’excommunication que j’avais adressée à la demande de Rome même. Parce qu’il est clair que Rome ne demandait pas cette lettre pour refuser de lever l’excommunication. Quant au moment où cela s’est passé, je ne m’y attendais pas. Ces derniers mois, après l’affaire de l’ultimatum, même après qu’elle ait été résorbée, nous étions plutôt en froid. Puis j’ai écrit la lettre du 15 novembre, qui est mentionnée dans le décret et dans ma lettre aux fidèles…

Ce décret est-il un signe de la volonté du Pape?

Je l’attribue d’abord à la Sainte Vierge. Voilà le signe manifeste, avec une réponse presque immédiate. Je venais juste de décider d’aller à Rome pour porter le résultat du bouquet de chapelets que nous avions lancé à Lourdes avec cette intention explicite, lorsque j’ai reçu un appel de Rome m’invitant à passer.

Le contentement que vous manifestez aujourd’hui est-il tempéré par le reste du chemin à parcourir?

C’est encore trop tôt pour le dire. Il vient de se passer un acte de très grande importance dont nous sommes vraiment reconnaissants, mais c’est assez difficile de l’évaluer pour l’instant. Nous n’en voyons pas encore toutes les implications. Il y a encore beaucoup de travail, mais nous avons vraiment une grande espérance d’une restauration de l’Eglise.

A quand remonte ce changement dans vos relations avec Rome?

Al’arrivée du pape actuel. J’ai d’abord évoqué la Sainte Vierge, mais, sur le plan humain, il ne faut pas avoir peur d’attribuer à Benoît XVI ce qui vient de se passer. C’est le début de quelque chose, qui a déjà commencé avec le Motu proprio. Je pense que le Pape estime le travail que nous faisons.

Dans cette histoire, ce mouvement, certains ont estimé que vous partiez trop tard. Pensez-vous aujourd’hui que d’autres, en particulier à l’intérieur de la Fraternité Saint-Pie X, puissent estimer que vous partez trop tôt?

Je ne peux pas tout exclure, mais, s’il y a des séparations, elles seront extrêmement minimes.

Pensez-vous que votre situation va se régler d’abord sur un plan pratique?

Jusqu’ici notre ligne de route a été d’éclaircir d’abord les problèmes doctrinaux – même s’il ne s’agit pas d’absolument tout régler, mais d’obtenir une clarification suffisante – sinon on risque de faire les choses à moitié. Ou que cela finisse mal.

Et pensez-vous que, au-delà de Rome, vos contacts vont s’intensifier?

C’est le but, comme je l’ai expliqué à Rome, en disant que la situation telle que nous la proposons est certes provisoire, mais qu’elle est pacifiante, et qu’elle permettra, lentement, de pouvoir recoller avec toutes les âmes de bonne volonté. Cela se fera donc graduellement. Et cela dépendra aussi des réactions de l’autre côté. Mais il n’y a pas d’à priori, le seul à priori c’est celui de la Vérité et de la Charité.

[Monde&Vie] Comme la chute d'un Mur de Berlin spirituel... - Alain Hasso

Monde & Vie n° 806 - 31 janvier 2009 - page 17

Nous vivons un moment historique. Quelque chose comme la chute d’un Mur de Berlin spirituel. L’audace de Benoît XVI, levant par un décret du 21 janvier dernier l’excommunication des quatre évêques sacrés en 1988 par Mgr Lefebvre, ouvre une époque nouvelle pour l’Eglise catholique. De manière profondément moderne, le Pasteur universel a compris que l’unité des chrétiens n’adviendrait pas par les actes répétés d’une autorité tatillonne, voulant, à elle seule, établir les conditions de vie du troupeau des fidèles. Il a accepté – c’est très évangélique – de mettre de côté l’arsenal répressif dont il dispose en tant que souverain pontife. Sa stratégie? Il lève unilatéralement et sans contrepartie les sanctions portées par son prédécesseur à l’encontre des traditionalistes, pour créer une dynamique nouvelle, au terme de laquelle ce n’est pas une restauration qui se profile (Benoît XVI n’est pas un pape traditionaliste). Mais on assiste, sous sa houlette à une restitution des biens spirituels dont les fidèles avaient été privés par la Révolution culturelle qui a suivi dans l’Eglise le concile Vatican II. Qu’est-ce que cette levée d’excommunication? Dans son sens le plus large, c’est une initiative du pape qui entend faire rentrer ceux qui avaient été spoliés dans leurs droits de fils et de filles de l’Eglise. On tâche – à droite et à gauche - de diminuer l’importance de ce geste sans précédent. On n’empêchera pas les faits de parler plus haut que tous ceux qui ne pensent qu’à conserver des situations considérées comme acquises. Il faudra s’y faire : avec Benoît XVI, ses petits pas et ses coups de poker, l’Eglise a définitivement tourné la page du funeste XXe siècle.

mercredi 28 janvier 2009

Mgr Williamson aura-t-il réussi son coup ?

Tout le monde connaît l'opposition viscérale de Mgr Williamson à la signature d'un véritable accord entre Rome et la fraternité Saint Pie X. En s'exprimant pour la télévision suédoise le 1er novembre, jour où il conférait l'ordination sacerdotale au Pasteur Sandmark,l'évêque anglais a intentionnellement brouillé les cartes. Oh ! Je ne dis pas qu'il ait agi avec préméditation. Il a répondu aux questions qu'on lui posait. Mais il a sciemment mélangé deux combats qui sont inconciliables : un combat mythologico politique, qui soutient l'insoutenable, à force de se vouloir différent et un combat religieux, le plus beau qui soit sous le Ciel, celui qui défend et diffuse les formes de la Tradition catholique, détruite par la tempête de Mai 68.

Lorsqu'on mélange l'insoutenable et le divin, la monstruosité d'une fausse comptabilité macabre et l'élan surnaturel vers cette image créée du Vrai et du Bien qu'est la liturgie catholique, on ne peut que tomber dans l'absurde et se trouver hors jeu. Mgr Fellay a heureusement condamné ces extravagances inadmissibles. Il faut que Mgr Williamson choisisse : veut-il être évêque catholique ou veut-il être le chevalier ténébreux de la défense de l'insoutenable. C'est l'un ou l'autre. Par son insouciance scandaleuse, Mgr Williamson a radicalisé le dilemme qu'il se pose à lui-même et qu'il pose lui-même à tous les traditionalistes, qui étaient eux à mille lieux de ses folies.

Un pape selon l'Evangile

Tout à l'heure, lors d'un bref débat sur la Radio Suisse romande avec le Père Baud, théologien suisse, j'ai été frappé par l'incompréhension de ces experts et autres huiles supposées savoir face à la figure et à l'action du pape benoît XVI. Le Père Beau explique aux auditeurs que Benoît XVI agissait comme un professeur de théologie et pas comme un pasteur.

Je crois quant à moi que n'importe quel professeur de théologie sur la Planète aurait trouvé trois milles raisons de ne pas lever les excommunications frappant les quatre successeurs de Mgr Lefebvre. Le pape n'agit pas en tant que professeur de théologie, mais en vertu d'une nouvelle vision de l'Eglise, de sa mission et des moyens dont elle dispose aujourd'hui. Au lieu de prétendre résoudre de vrais problèmes avec un arsenal répressif, comportant toute une panoplie de peines canoniques, il envisage, en l'espèce un nouveau mode d'action. Quand tant d'autres déclarent la guerre, lui, avec la même résolution obstinée, il déclare la paix. La paix est une arme évangélique. Il est décidé à s'en servir jusqu'au bout. Cette décision ne provient pas chez lui de l'analyste ou du théologien. Elle provient de l'homme de foi et du Pasteur universel, selon le beau titre que se donnent les papes depuis Paul VI.

Je suis tenté d'appliquer à ce geste un terme que l'on a beaucoup utilisé et qui est un peu usé, mais qu'il faut prendre dans tout son lustre et dans toute sa force : Benoît XVI a posé un acte prophétique, au nom non pas d'une restauration ou d'un restaurationisme nostalgique et impuissant, mais au nom d'une conception nouvelle de son rôle pastoral. Dans l'Eglise d'après Vatican II, déchirée par les dissensions internes, le rôle du pape, plus que jamais, comme l'avait pressenti déjà Jean Paul II, est de faire l'unité. j'allais dire : à tout prix. Le pape ne négocie pas l'unité catholique avec les traditionalistes. Il la leur offre. Le Père ne négocie pas son pardon avec son fils prodigue, il tue le veau gras. Et aujourd'hui comme hier, il y a beaucoup de fils aînés pour trouver cela injuste, comme s'ils ne savaient pas que le Père leur dira ce qu'il dit déjà au fils aîné de la Parabole : Tout ce qui est à moi est à toi...

Est-ce que ce geste évangélique fait du pape un conservateur ? Je ne le pense pas. Je crois, au contraire, que l'on n'avait jamais vu cela de la part d'un pape et qu'il y a vraiment là un nouveau mode d'exercice de la Primauté pontificale, que l'on pourrait bien voir fonctionner avec les orthodoxes, maintenant que l'on sait que c'est le philo-romain Cyrille de Smolensk qui est élu en remplacement d'Alexis II à Moscou. La réconciliation des catholiques entre eux, sous la houlette si bienveillante et si efficace du Pasteur suprême pourrait être comme un préalable à la réconciliation des chrétiens dans la profondeur d'une Tradition indivise et diverse.

samedi 24 janvier 2009

Communiqué de l'Institut du Bon Pasteur

Communiqué. Le 24 janvier 2009

Les membres de l'Institut du Bon Pasteur se réjouissent profondément de la levée des excommunications qui frappaient les quatre évêques de la Fraternité Saint Pie X depuis 1988, et ils unissent leurs actions de grâce au concert de ceux qui aiment la paix de l'Eglise et l'Eglise en paix, sous la houlette du pape de la Paix.

On ne peut s'empêcher de souligner que cette décision unilatérale de Benoît XVI n'est pas un événement isolé. Elle fait partie d'un processus, qui a commencé le 22 décembre 2005, avec la condamnation par le pape de "ce que l'on nomme abusivement l'esprit du concile Vatican II". Nous membres de l'Institut du Bon Pasteur, nous sommes particulièrement concernés par la décision suivante, le 8 septembre 2006, où c'est "par une volonté expresse du pape" comme l'a souligné à l'époque le cardinal Ricard, que notre Institut du Bon Pasteur est érigé, avec cinq anciens prêtres de la Fraternité Saint-Pie X. Le 7 juillet 2007, Benoît XVI promulguait le Motu proprio Summorum pontificum, libéralisant l'usage de la messe traditionnelle. Enfin, le 21 janvier 2009 est signé l'acte levant les sanctions qui avaient frappé les quatre évêques sacrés par Mgr Lefebvre. Mgr Bernard Fellay, le 15 décembre 2008, avaient écrit de son côté, en demandant la levée des excommunications : "Nous sommes toujours bien ancrés dans la volonté de rester catholique (...) croyant fermement à la primauté de Pierre et à ses prérogatives".

Nous sommes convaincus que ce processus de réconciliation des catholiques entre eux est désormais inéluctable. Grâce à l'instrument herméneutique que nous a offert le pape Benoît XVI, l'enseignement de Vatican II se trouvant placé dans la continuité de l'enseignement de tous les Conciles, les discussions à venir entre les responsables de la Fraternité Saint Pie X et les autorités romaines ne peuvent pas ne pas aboutir.

Le courage de Mgr Lefebvre trouve dans la situation présente une sorte d'hommage post mortem, rendu par ses successeurs. Mais s'il a fallu du courage pour dire non à ce que Paul VI appelait "l'auto-destruction de l'Eglise", il en faut bien autant aujourd'hui à celui qui dit "Oui", appliquant simplement la parole du Christ : "celui qui vient à moi, je ne le jetterai pas dehors".

Abbé Philippe Laguérie, supérieur général de l'Institut du Bon Pasteur
Abbé Christophe Héry, assistant
Abbé G. de Tanoüarn, assistant

Abbé Philippe Laguérie: "Je suis heureux..."

L'abbé Philippe Laguérie publie cette analyse sur le Forum Catholique.


Je lis et relis avec piété le décret du Cardinal Re; ce qui est dit est dit: historique, définitif, incontournable. Les quatre évêques consacrés par Mgr Lefêbvre en 1988 sont membres à part entière de la hiérarchie catholique, véritables successeurs des Apôtres de plein droit, reconnus comme tels par le successeur de Pierre, Prince des apôtres et seul habilité par Jésus-Christ Notre Seigneur à prononcer qui est évêque catholique de qui ne l'est pas. Tous doivent s'incliner devant la décision, ô combien magnanime, du Pape de l'Eglise Catholique. Le reste, à mes yeux, a fort peu d'importance, croyez-moi...

Que ce soit les grincheux de l'intérieur ou les furieux de l'extérieur, qu'importe? Rome a parlé, la cause est entendue.

Car évidemment, il ne manquera pas d'esprits chagrins (l'époque le veut, hélas) pour déplorer ceci, relativer celà et même crier au scandale. Je laisse les loups hurler avec les loups. Je m'adresse aux brebis, elles reconnaîtront la Voix.

Le décret est signé d'un Cardinal! Et alors? La mention est explicite de la décision du Pape.

On ne relève pas le décret mais la censure elle-même! Vu de Rome, c'est une évidence. Vous pouvez penser, comme moi, que Mgr Lefêbvre s'est trouvé dans un cas de nécessité et n'a pas encourru de sanction, au terme du droit canon. Soit. Mais je me fiche de votre opinion, comme de la mienne: le pape dit que ce sont des évêques catholiques. Donc, ils le sont, même si vous le saviez déjà (je vous en félicite, si c'est ça que vous cherchiez) et voilà l'important. Si vous pensez que c'est la rose...

J'aime l'Eglise Romaine, parce que j'aime Jésus-Christ Qui l'a fondée: et je ne veux pas qu'Elle subisse le moindre tort, s'humilie devant quiconque, patisse de quoi que ce soit. Sa fierté est la mienne: c'est quand on l'humilie qu'on me baffoue, c'est quand on l'exalte que je triomphe. N'avons-nous pas assez lutté pour cela?

Elle n'a rarement été aussi grande et magnanime, cette glorieuse épouse de Jésus-Christ et rarement nous n'avons été aussi fièrs d'Elle! Ceux qui prennent la décision d'aujourd'hui ne sont pas ceux qui ont créé les problèmes d'hier. Ils les assument avec grandeur.La Providence a voulu qu'un évêque dise "non" à l'humiliation de l'Eglise dans sa confusion avec les sectes. Elle a voulu aussi qu'un pape, plus grand encore, dans ses fonctions comme dans sa charité, dise "oui". Oui à l'Eglise d'hier, d'aujourd'hui, de demain. Oui à Jésus-Christ, Le Même, hier, aujourd'hui, et pour les siècles! Ne nous y trompons pas (on connait ma vénération pour Mgr Lefêbvre): il fallait autant et plus de hardiesse pour dire "oui" aujourd'hui que pour dire "non" hier, quoique l'un et l'autre fussent envoyés du ciel.

Je salue respectueusement Mgr Fellay et ses collègues dans l'épicopat catholique, y compris le turbulent et problématique Mgr Williamson. Le pape me dit qu'ils sont les successeurs des Apôtres: j'en prends bonne note. Je salue sa lettre du 24 janvier comme la preuve d'une grandeur d'âme, fondée sur la confiance en la Vierge-Marie, qui augure assez-bien de la suite des évennements. Tous mes amis, aussi, de la Fraternité saint-Pie X (mon frère Jacques entre autres).

Je salue aussi respectueusement tous les évêques de l'Eglise Catholique; l'arrivée de ces quatre-là n'est pas pour leur faciliter la tâche. Qu'ils sachent que notre joie n'est pas mauvaise, vile, polémique. Aucun évêque aujourd'hui sur la surface du globe, aucun n'est responsable des choix hasardeux de ses prédécesseurs. Tous, nous assumons ensemble un héritage difficile et tous ensemble nous démontrerons, sous votre autorité et celle du pape, que l'Eglise n'a pas changé, ne peut se contredire et reste la fierté de l'offrande de nos vies pour la seule cause qui a les promesses de la vie éternelle: la bonne nouvelle du Christ-Jésus.

vendredi 23 janvier 2009

Le retrait des excommunications frappant les quatre évêques de la FSSPX - par l'abbé René Sébastien Fournié

L'abbé René Sébastien Fournié publie cette analyse sur le site de l'IBP à Rome.


A l’heure où ces lignes sont écrites, on parle fiévreusement du retrait imminent des excommunications frappant les quatre évêques de la Fraternité Saint Pie X. Le décret aurait déjà été signé par le président du Conseil pontifical pour les textes législatifs, Mgr Francesco Coccopalmerio, sans pour autant que la nouvelle fut officielle.

Benoît XVI, le Pape de la paix catholique

Dès le début du pontificat de Benoît XVI, on savait que cette réconciliation constituait l’une de ses priorités.

Il faut dire que si le nouveau pape s’était abstenu d’une « homélie programme » lors de sa première messe, le choix de son nom en tenait lieu.Il révélait en effet sa prise de distance avec ses prédécesseurs et surtout son désir de pacification : « J'ai choisi le nom de Benoît en référence à Benoît XV, qui a guidé l'Église dans la période difficile de la Première Guerre mondiale. Sur ses traces, je désire participer à la réconciliation et à l'harmonie entre les hommes et entre les peuples ».

Et cette pacification, le pape montre qu'elle vise en premier lieu les catholiques entre eux. D’ailleurs on ne peut que sourire en pensant au choix du calendrier, sous réserve de sa confirmation, qui correspond à la « Semaine de prière pour l'unité des chrétiens » et aux 40 ans de l’annonce du Concile Vatican II par Jean XXIII.

On pourrait croire qu’à chercher cette paix, le Souverain pontife ne prend pas beaucoup de risques. Mais c’est méconnaître la puissance des esprits belliqueux : Benoît XV n’était-il pas surnommé le « pape boche » par les uns, et le « pape français » par les autres ? Reste qu’aux yeux de l’Eglise et de la postérité, il est devenu le… « Pape de la paix ».

Cette paix, Benoît XVI l’a donnée comme feuille de route, comme directive à ses évêques, notamment Français : « Je ne doute pas que vous puissiez parvenir, en temps raisonnable, à des solutions satisfaisantes pour tous, afin que la tunique sans couture du Christ ne se déchire pas davantage. Nul n'est de trop dans l'Eglise. Chacun, sans exception, doit pouvoir s'y sentir chez lui et jamais rejeté ».

Avec le retrait des excommunications, cela ne relève plus de simples desiderata : le pape montre l’exemple ! Et en Pasteur suprême qu'il est, il fait le premier pas et tend la main.

Benoît XVI place chacun face à ses responsabilités

Avant même que le document ne soit publié, les interprétations vont bon train : ce serait une « concession » pour certains, une « reconnaissance de légitimité » pour d’autres, ou encore un « pardon accordé à la brebis égarée ». Et de ces différentes exégèses partisanes s’ensuivront, bien évidemment, le triomphalisme ou la rancœur. Loin de ces palabres idéologiques, apprécions cet acte unilatéral et magnanime pour ce qu'il est : la volonté d'assainissement des fractures et des divisions, la volonté d’un pasteur digne de ce nom.

Pour autant, par ce retrait, Benoît XVI place chacun face à ses responsabilités. Et la question se pose : vont-elles être prises dans le sentiment de gratitude qui conviendrait aux uns, et de respect confiant pour les autres ? Les évêques diocésains vont-ils accepter cette démarche de réconciliation envers leurs frères les plus proches dans la Maison du Père ? Vont-ils appliquer cette sentence de Jean-Paul II devenue si à la mode : « n’ayez pas peur ! » ? Vont-ils suivre avec confiance leur Pasteur et en finir avec une dialectique toujours plus mortifère ?

Du côté de la Fraternité Saint Pie X, maintenant que les excommunications vont être levées, y aura-t-il plus de considération pour ce beau mot de « Communion » qui, n’en déplaise à certains, n’est ni une « invention du concile Vatican II », ni un « slogan de la nouvelle Église », mais bel et bien l’expression du Corps mystique du Christ ? Les structures juridictionnelles de l’Eglise vont-elle être enfin respectées et non plus méprisées au nom d’un « état de nécessité » qui se réduit peu à peu en peau de chagrin ; surtout quand celles-ci touchent la validité des sacrements ?

Enfin, les querelles de clochers funestes et lassantes vont-elles cesser du côté des autres communautés traditionnelles ? Ne pouvant plus brandir l’épouvantail de l’excommunication, vont-elles être capables d’œuvrer, fières d’elles-mêmes, avec leurs caractéristiques propres sans chercher de façon permanente la comparaison avec la Fraternité Saint Pie X, que ce soit pour la dénigrer ou tenter de la singer ? Toutes ces communautés ne vont plus pouvoir faire leur commerce sur le dos les unes des autres. Mais chacune, avec maturité et sagesse, va devoir trouver sa spécificité et son identité propres, pour le même bien de l’Eglise.

Quel avenir ?

Cette décision restera très certainement l’un des actes majeurs du pontificat de Benoît XVI. Elle constitue une étape décisive et historique, mentionne Le Figaro. Mais le début d’un long processus vers quoi ? Si on veut vraiment guérir les fractures et les divisions, on ne pourra pas faire l’économie d’un « état des lieux » afin de répondre à la question : « Que s’est-il passé ? Comment a-t-on pu en arriver à un tel déchirement ? » C’est bien évidemment du débat doctrinal, dont il est question. Les différentes parties vont-elle pouvoir se rencontrer et dialoguer ? Sans parler d’ailleurs forcément de théologie ni de dogme, la Fraternité Saint Pie X va-t-elle réussir à s’insérer dans cette Eglise dont le visage a beaucoup changé depuis les années 70-80 ? Elle est composée de beaucoup de tendances, d’entités, de courants au sein desquels elle est désormais inscrite. Après avoir navigué tant d’années en solo, va-t-elle l’accepter ?

Se pose aussi évidemment, les questions d’ordre juridique sur la nature de la Fraternité Saint Pie X. Une chose est cependant certaine : quelque soit le type reconnu, y compris la prélature personnelle ou l’administration apostolique, elle ne pourra jamais s’installer et vivre indépendamment de l’évêque diocésain. Cela appartient à la constitution divine de l’Eglise.

Reste aussi le problème de la « mission canonique », cet acte juridique du Pape concédant à chaque évêque une charge ou un office particulier dans l’Eglise. Sans elle, il ne peut pas exercer de fonctions épiscopales… Lever l’excommunication a pour effet immédiat l’appartenance des quatre prélats au Collège des Evêques. Mais leur pouvoir sacré ne peut pas être ad actum spedita sans détermination canonique. Le Saint-Siège devra donc donner à chacun d’eux une « mission canonique » pour qu'ils puissent exercer une juridiction au sein de l’Eglise. Aussi peut-on se demander laquelle leur sera confiée.

« Nul n'est de trop dans l'Eglise. Chacun, sans exception, doit pouvoir s'y sentir chez lui et jamais rejeté… »

Le message du pape s’impose : dès lors que l’Eglise est unie, elle est forte. Il est temps d’y travailler. Avec ce retrait, et pour tout catholique où qu'il soit dans le paysage ecclésial, l’heure de vérité a donc sonné. Benoît XVI, pape de la paix donc… Espérons que cette paix n’attire pas avec elle son lot d’épuration, mais qu’au contraire elle scelle une unité pérenne et constructrice.

Abbé René Sébastien Fournié

Ennéagramme, attention danger

Si vous avez prévu de venir à la Session organisée demain au Centre Saint Paul, sachez qu'elle est reportée d'une semaine. Elle aura donc lieu samedi 31 janvier de 10 H à 17 H. L'animateur de cette session s'excuse de ce contre-temps. il est complètement aphone...

Saint Paul au théâtre

On aura tout vu. Saint Paul dans le texte interprété sur la scène d'un merveilleux petit théâtre que je ne connaissais pas,au coeur de l'Ile Saint Louis, par un comédien qui parvient au tour de force d'incarner saint Paul monologuant seul pendant une heure. Jean Le Couêdic est à la fois l'adaptateur des textes, le metteur en scène et l'acteur de ce spectacle peu banal. Pourquoi ne pas vous l'avouer ? Je m'attendais à dormir très vite... Mais non : pari tenu. L'attention est captée efficacement, on entend saint Paul, on l'écoute même, il devient audible, alors que si souvent à la messe, dans de mauvaises traductions lues d'une voix monocorde ("la voix cléricale"), l'Apôtre des nations est rendu inintelligible.

Ce spectacle, de la part de son auteur est un acte de ferveur. Et cette ferveur est communicative. Lorsque l'apôtre nous quitte après avoir repris son baluchon, les gens restent dans la salle (il y a eu trois rappels ce soir). On a du mal à se dire que l'on n'entendra plus cette voix qui nous parle de l'Autre monde avec tant de feu.

Comment Jean Le Couëdic est-il parvenu à ce beau résultat de nous restituer saint Paul ? Notons tout de suite l'extraordinaire travail sur les textes. Il y a d'abord une règle : la fidélité scrupuleuse aux textes originaux. Les traductions sont reprises, chaque mot est pesé au trébuchet de l'éloquence et de l'usage. Tout juste l'adaptateur s'est-il permis de "dégraisser" un peu certains textes, pour faire apparaître le ressort de cet extraordinaire rhéteur qu'est Paul. Quelle puissance !

Il faut parler aussi de la performance de l'acteur. Une paroissienne à qui je parlais de ce spectacle me dit tout à trac : "Il faudrait être Luchini pour réussir". Jean Le Couëdic n'a pas les grimaces et les ports de voix de Luchini (si crédible dès qu'il ouvre la bouche), mais il n'en a pas besoin. Ce que l'on sent en lui, c'est le feu, qui brûlait le coeur de saint Paul. De quoi faire honte à Diderot et à son trop fameux paradoxe du comédien ! Selon Diderot, l'acteur ne doit rien ressentir des sentiments qui animent son personnage pour les reproduire de manière plus transparente dans une sorte de copie machinale, la plus précise possible. Eh bien ! On sent qu'à l'opposé, Jean le Couëdic s'identifie à son personnage. Pour une heure, il est saint Paul au milieu de nous. Il faut l'entendre engueuler ses Galates : les mots de la vieille Epître s'en trouvent d'un seul coup dépoussiérés !

A ne pas manquer. Vous découvrirez saint Paul dans ce qu'il nommait lui-même : la puissance de l'esprit.

Prochaines séances au théâtre de l'Ile Saint Louis, 39 Quai d'Anjou : le 29 janvier à 18 H 30 et en février les 5, 12, 19 et 26 février, toujours à 18 H 30.
Réservations : 01 46 33 48 65

jeudi 22 janvier 2009

Levée des excommunications: réaction de l'abbé Guillaume de Tanoüarn

Le Vatican annonce la levée des excommunications à l'encontre des quatre évêques de la FSSPX, par le biais d'Andrea Tornielli, sa boite aux lettres habituelle. On notera que cette levée intervient en pleine Semaine de prière pour l'unité des chrétiens. Réaction réjouie de l'abbé Guillaume de Tanoüarn - au micro de Novopress.

mardi 20 janvier 2009

Psychologie et spiritualité

Il y a une tendance constante, chez les fidèles comme chez les prêtres, à confondre psychologie et spiritualité, comme si les deux démarches étaient identiques ou comme si la spiritualité représentait un simple prolongement de la psychologie. Lieu commun de notre culture : le psychanalyste a remplacé le prêtre et le divan le confessionnal.

Je crois vraiment que ce lieu commun est profondément faux.

On peut dire que les problèmes psychologiques naissent d'un vide spirituel. Parce que notre société est systématiquement contre toutes les formes de la vie intérieure (le diagnostic est de Bernanos), elle engendre des personnages fragiles, sans épaisseur et que la grande centrifugeuse qu'est la Société de consommation colle à l'extérieur d'eux-mêmes. Parce qu'ils n'ont pas de vie intérieure, la moindre épreuve les trouve démunis et sans force. Les psychotropes tentent de nous faire oublier cette fragilité que crée l'absence de vie intérieure en chacun de nous.

Mais ces problèmes psychologiques, qui abîment l'homme, ce n'est pas la vie spirituelle qui va les résoudre. Personne - et en particulier dans une situation de collapsus psychologique - ne peut faire l'économie de la connaissance de soi. La charité sans la connaissance de soi est une folie, dit sainte Catherine de Sienne, dans son Dialogue. Sur un fondement bancal, développer la vie spirituelle, sans chercher à trouver son assiette personnelle, c'est pratiquer une fuite en avant qu'on paye toujours à un moment ou à un autre.

Cela étant, la vie spirituelle n'est pas non plus l'apanage des gens équilibrés. La grâce rencontre chacun dans l'état où il se trouve et lui permet de transformer son coeur de pierre en coeur de chair, pour aimer Dieu dans l'éternité bienheureuse, où les problèmes psychologiques, liés à nos fragilités, apparaîtront comme bien dérisoires.

[Abbé Fournié / IBP-Roma] A propos des différents articles de notre site

Voici en avant-première l'édito de l'abbé Fournié, pour le site IBP-Roma


A propos des différents articles de notre site

Décidément, il va falloir se rendre à l’évidence, il nous est difficile de tenir nos échéances quoique nous arrivions tout de même à renouveler chaque mois les différentes rubriques. Il faut dire que les activités ne manquent pas entre les études, l’apostolat en paroisse, la vie communautaire, nos prospections incessantes pour financer la maison et la rédaction des articles du présent site. Comme promis, nous travaillons aussi sur la possibilité de laisser des messages en direct pour réagir comme bon vous semble à chacune des différentes rubriques. Cela nous est demandé par de nombreux lecteurs, et nous ne pouvions pas ne pas y répondre, au risque de nier ce beau principe rappelé par Pie XII : « un catholique n’a pas peur de la Vérité »… Ce à quoi on pourrait rajouter : « Un catholique n’a pas peur du débat » !

J’ai conscience que certains articles peuvent ne pas emporter l’adhésion de tous, mais si ces derniers n’ont pas de fin polémique, nous ne pouvons pas nous permettre de vivre dans le consensus mou que notre triste société contemporaine aime tant. Comme disait le professeur Christian Atias, les fils naturels de Rousseau sont staliniens… Et bien notre site, réfute toute tendance « pravdaïenne » : notre monde d’aujourd’hui ouvre de nombreux débats et questions, n’ayons pas peur de les lancer, sans se réfugier dans des jeux de préjugés pavloviens ! Mettons un coup d’arrêt à une sentence absurde selon laquelle « la Vérité aurait des droits »… Comme le disait Vladimir Volkof, qu'elle est la valeur d’un droit qui ne peut être garanti ? Et qui plus est, comment un être de raison pourrait avoir des droits ? Il y a certes une équation entre droit et Vérité, mais le moyen terme n’est autre que nous-mêmes : Toute personne a droit à la Vérité, d’où ces rubriques… N’ayons donc pas peur de nous poser des questions, de lancer des débats pour atteindre cette Vérité qui rend libre.

Nos prochaines ordinations auxquelles vous êtes tous invités

Si le premier trimestre s’est remarquablement déroulé, il fut particulièrement épuisant, mais ce n’est pas grand-chose comparé à la joie de voir les séminaristes s’épanouir et progresser dans une joie paisible et ardente sur le chemin du sacerdoce. Maintenant qu'ils sont tous rentrés de vacances, les voilà de nouveau pleins d’enthousiasme et de zèle dans ce désir de servir Dieu et vos âmes.

Très prochainement, nous aurons la joie de voir certains d’entre eux franchir quelques premiers pas vers l’autel : ainsi le 28 février prochain seront conférées des ordinations mineures à 10h00 en l’église San Salvatore in Lauro (Piazza Di S. Salvatore In Lauro), dans le centre historique de Rome, par Son Excellence Monseigneur Marcelo Sanchez Sorondo, chancelier de l’Académie pontificale des Sciences. A l’issue de la cérémonie sera organisé un buffet dans notre maison de l’IBP-Roma. Vous êtes tous conviés à cette journée ! N’hésitez pas à nous contacter pour nous faire connaître votre présence : nous espérons vous voir nombreux à cette occasion !

Pour rester sur le thème de l’accueil que nous vous réservons, sachez aussi que nous mettons notre maison à votre disposition pendant notre absence en vacances. Ainsi par exemple, nous sommes heureux de mettre nos murs à la disposition d’une famille du 15 au 19 avril. Mais d’autres peuvent aussi en profiter du 4 au 14 du même mois. En outre, nous sommes prêts à renouveler l’expérience pendant les 3 mois d’été pour ceux qui le souhaitent. N’hésitez pas à nous contacter pour de plus amples informations.

Enfin, les ordinations sous-diaconales ont été fixées pour le 25 avril ! Nous ne connaissons pas encore l’église dans laquelle elles seront conférées, mais très certainement allons-nous procéder comme pour le 28 février : Vous recevoir dans notre maison pour un buffet-dinatoire à l’issue de la cérémonie. Quoiqu’il en soit de ces détails pratiques, notez bien ces dates du 28 février et du 25 avril, car c’est avec une profonde joie que nous vous recevrons !

Être chacun de nous une « épiphanie »

La période de l'Epiphanie dans laquelle nous nous trouvons, doit nous conduire à méditer sur la manifestation de ce Dieu fait homme dans notre monde. En effet, si les mages illustraient les nations rendant hommage au Christ, on souffre de voir le divin Maître ignoré et méprisé par notre société contemporaine. Mais ce manque de reconnaissance ne provient-il pas aussi du fait que Dieu est redevenu inconnu par notre faute ? En d’autres termes, sommes-nous des « épiphanies vivantes », manifestons-nous aux yeux du monde cette présence de Dieu, apparaissons-nous comme des images vivantes du Christ ?

En effet, pour adorer Dieu, il faut savoir qu’Il existe… Et n’est-ce pas à nous de manifester cette existence. Nous avons l’impérieux devoir d’être cette lumière du Christ, qui doit rayonner aujourd'hui dans notre société. Force est de constater que par nos divisions incessantes et nos conduites semblables à ceux qui vivent sans Dieu, nous ne constituons pas une « épiphanie » très authentique.

Nos ancêtres les Martyrs, loin de toute aigreur et agressivité conduisaient les païens à s’écrier admirativement : « voyez comme ils s’aiment ! »

Si nous voulons être nous-mêmes cette vraie « épiphanie » du Christ et manifester ainsi la présence de Dieu dans notre monde, nous ne pouvons pas faire l’économie d’une ouverture réelle de notre cœur à Dieu, et d’être l’image de son amour miséricordieux !

Abbé René-Sébastien Fournié,
Responsable de l’IBP-Roma

dimanche 18 janvier 2009

L'ennéagramme : pour ou contre ?

Nous organisons samedi prochain 24 janvier au Centre Saint Paul une session d'initiation à la méthode dite de l'ennéagramme.

L'ennéagramme désigne une caractérisation de neuf types psychiques, selon trois centres que nous possédons tous, le centre instinctif (type 1, 8, 9) ; le centre émotionnel (type 2, 3, 4) et le centre mental (type 5, 6, 7).

Premier point important : ces neuf types psychiques ne sont ni bons ni mauvais. Ils sont. Ils permettent de décrypter des comportement habituels, selon un système de défense, élaboré souvent durant l'adolescence. Ils permettent avant tout, conformément au commandement du Christ dans l'Evangile, d'éviter les jugements de valeur sur les personnes, en montrant toujours leurs points forts avec leurs points faibles, ce que l'on appelle la passion et la vertu du type.

Rien d'ésotérique en tout cela : il s'agit d'une caractérisation rationnelle. Rien de déterministe non plus : la détermination de ces différents types psychiques permet à l'individu de mieux utiliser sa liberté et ne l'en prive en aucun cas.

Reste une objection souvent non-dite : est-il bien nécessaire de se connaître soi-même ? Avec deux argumentations : l'une, chrétienne, qui d'instinct refuse tout ce qui n'est pas surnaturel ; l'autre, humaine trop humaine, qui considère que la connaissance de soi est une perte de temps. De quoi nous empêcher de jouir de la vie tranquillement. Les deux argumentations peuvent se croiser.
Elles peuvent aussi se mixer avec une peur vague de ce que signifie toujours la connaissance de soi : une petite descente aux enfers de nos incapacités ou de nos failles. N'est-il pas prudent d'oublier tout cela ?

En tant que prêtre et confesseur, je suis frappé du nombre de gens qui refusent de se connaître eux-mêmes, qui s'analysent mal, qui confondent l'image qu'ils aimeraient que l'on ait d'eux avec leur véritable personnalité, qui cèdent à l'entraînement du conformisme et de la mode dans l'organisation de leur existence, au lieu de chercher loyalement qui ils sont et où ils veulent aborder, à quel rivage, pour quelle traversée.

Cette ignorance est souvent une méconnaissance obscurément volontaire. On se bouche le nez, on se ferme les yeux pour ne rien sentir ou ne rien voir de ce que l'on est vraiment. Et surtout, on refuse d'ordonner sa vie dans un véritable projet, en préférant rester disponible à tous les courants, ouvert à toutes les expériences, au risque de se fracasser le mental plus souvent qu'à son tour. Les bêtises, dans une vie, ça existe. Ca vient de cette volonté obscure de s'ignorer soi même. cela peut finir en drame.

Je crois que ce qui caractérise le chrétien, c'est la conscience de vivre sous le regard aimant du Christ, son frère ou sa soeur. Le Christ selon le mot énigmatique de saint Paul est la plénitude de toutes les occasions favorables de notre existence (Eph. 1, 8). Mais pour saisir une occasion favorable, encore faut-il savoir en quoi elle est favorable. ne pas confondre la bonne fortune et le "Kairos". La bonne fortune, c'est ce qui s'offre à toi et que tu prends sans demander. Sans te poser la moindre question.

Rien à voir avec le moment favorable, qui suppose un discernement et un tri. La connaissance de soi est nécessaire pour ce discernement qui exige de faire preuve d'intelligence non seulement dans les matières scolaires mais dans la conduite de la vie.

Oui, comment peut-on faire preuve d'intelligence dans la conduite de sa vie, comment peut-on discerner le kairos christique dans l'épaisseur de l'événement bon ou mauvais qui nous tombe dessus si l'on ne se connaît pas soi-même ? Comment peut-on être performant pour le Patron céleste si l'on ne sait pas évaluer ses ressources.

Il y a une parabole dans l'Evangile qui dit très bien cela : quand tu veux construire une tour, assieds toi d'abord et fais les comptes, de peur que tu entreprennes des travaux somptuaires, que tu ne sois pas capable de les achever et que le voisinage se moque de toi en disant : voilà l'homme qui a commencé à construire une tour et qui n'a pas été capable de l'achever...

Cette session est ouverte à tous. On peut s'inscrire au Centre Saint Paul à Paris. Prix défiant toutes concurrence : 15 euros la journée, repas compris, samedi 24 janvier de 10H00 à 17H00. Téléphone : 01 40 26 41 78

mercredi 14 janvier 2009

Leur « couvent » n’est encore qu’un petit arbuste, mais, si le bon Dieu le veut...

Les petites soeurs du Bon Pasteur sont quatre "aspirantes" et si leur couvent n'est encore qu'un petit arbuste, il a vocation à devenir ce grand arbre où beaucoup viendraient s’abriter. Leur rite propre est le rite romain traditionnel. Qu'en dire de plus, sinon que ce plus vous le trouverez sur leur site?

jeudi 8 janvier 2009

Le Christ : notre destin

Quand on regarde avec toute la rigueur souhaitable en un tel examen le rôle du Christ dans la détermination du destin de l'humanité, on ne peut pas le majorer.

Il est celui en qui toutes choses trouvent leur récapitulation, dit saint Paul aux Ephésiens, ce qui signifie que chaque étant n'a de sens au fond, chaque étant ne s'accomplit et ne se réalise qu'en lui. Hors de lui ? La Bible n'emploie pas le mot des Hindous : Maya, l'illusion. Ce mot serait trop fort. Dans la création, Dieu a donné l'être à ses créatures. Mais la Bible a un autre terme, tout aussi expressif, le mot de vanité. En grec : mataoiotès (Rom. 8, 20). En hébreu : hèbhèl. "Le terme hèbhèl désigne le souffle de l'air qui emporte les objets" (Daniel Lys : L'Ecclésiaste ou que vaut la vie ?). Inutile de "moraliser" ce terme. Vanité renvoie non pas au défaut bien connu de tous les égolâtres, mais à ce que signifie l'adjectif "vain" ou l'expression "en vain".

Sans le Christ, la vie est vaine, non pas seulement parce que le Christ seul nous ferait faire l'expérience de la joie, comme diraient sans doute certains charismatiques : cette idée là est fausse. La nature connaît toutes sortes de satiété qui engendrent la joie.

Non, la vie est vaine parce qu'elle est menacée par la mort. Les Grecs voyaient Saturne, le temps, armé d'une faux qui fauchait tout ce qui le touchait. Et face à cette menace universelle de la mort, menace dont nous savons qu'elle se trouve toujours mise à exécution, seul le Christ a des réponses. Il faut comprendre au sens fort, j'allais dire au sens strict, au pied de la lettre, l'exclamation de saint Paul aux Galates : "Pour moi vivre, c'est le Christ". Sans lui, je ne suis qu'un mort vivant.

Vous me direz que les philosophes ont établi des théories de l'immortalité de l'âme. Oui. Mais chez la plupart d'entre eux, on ne saisit pas très bien comment cette immortalité touche les personnes que nous sommes. Platon parle de métempsychose. Aristote évoque l'immortalité de l'intellect agent et ne se prononce pas sur l'intellect possible, celui qui nous identifie...

La Bible elle-même, dans le Premier Testament, n'est pas claire au sujet de l'immortalité personnelle de l'âme. Regardez Qohélet, l'Ecclésiaste justement : "Le sort des fils d'homme et le sort de la bête, c'est un sort identique qu'ils ont : telle la mort de celles-ci, telle la mort de ceux-là" (Eccl. 3) Suit une identification du souffle de l'un et du souffle de l'autre... Deux souffles qui s'épuisent.

Que nous apporte le Christ ? La certitude du salut de nos personnes par la foi en lui, la vraie foi, non pas la foi seule, mais "celle qui agit par la charité" (Gal. 5). On peut aller jusqu'à dire que dans le Christ personne divine, les personnes humaines prennent consistance et s'affirment pour les siècles des siècles. et l'on retrouve une très vieille doctrine scolastique, présente chez Cajétan au XVIème siècle, reprise par le Père Chardon au XVIIème : celle de la subsistence mystique dans le Christ. "Deviens ce que tu es" disait Nietzsche (repris sans scrupule pour le titre d'un de ses livres par l'aristotélicien belge Marcel De Corte).

Nous ne devenons vraiment ce que nous sommes, nous n'accédons à la conscience d'être des personnes irremplaçables et immortelles que dans la Révolution, dans le Renversement des valeurs instauré par le Christ. C'est tout le sens des béatitudes évangéliques : Heureux ceux qui pleurent, parce que si la foi les anime ils seront toujours supérieurs à leurs larmes et, dans le Christ, ils seront consolés.

On peut dire que dans le Christ, pour ceux qui accèdent au statut de "personne" (ce que Nietzsche appellera bêtement le surhomme), dans un acte surnaturel, qui dépasse la programmation de leur nature, aucun mal n'est sans remède.

Saint Paul déjà (Rom. 7) : Tout coopère au bien pour ceux qui aiment Dieu. Ainsi, comme le dit Antoine, nous sommes dès maintenant associés à la résurrection du Christ, en lui devenant plus personnellement unis.

vendredi 2 janvier 2009

L'Usus Antiquior en Pologne

Le catholicisme traditionnel, et notamment l'Usus Antiquior en Pologne? Nous vous en reparlerons. Ou plutôt, il vous en parlera. En attendant et pour préparer: voici quelques éléments.

Un tableau tout d'abord, montrant l'évolution du 7 juillet 2007 au 1er janvier 2009 - en jaune les messes mensuelles. En orange les messes hebdomadaires. Et en vert les messes quotidiennes. Un total qui passe de 8 à 22. Sans compter celles dites par les pretres de la FSSPX.
Cela ne suffit pas - et l'on manque de prêtres pour subvenir aux besoin des fidèles traditionalistes. Justement: entre Wigratzbad et Courtalain, ce sont 10 Polonais qui se préparent au sacerdoce. Déjà, deux prêtres polonais ont rejoint l'IBP. Un troisième, l'abbé Grzegorz Sniadoch a été ordonné il y a quelques semaines. L'abbé Berg, supérieur de la FSSP, a fait le voyage de Cracovie récemment. Fin décembre, l'abbé Laguérie venait à Wroclaw.

Lecteur, je te sens intéressé, tu voudrais en savoir plus. Je te convie à la conférence que l'abbé Krolikowski donnera tantôt au Centre Saint Paul ["La Pologne un Eldorado de la Tradition catholique ?" - mardi 20 janvier 2008, au Centre Saint Paul]. Je sais, le plus souvent tu n'habites pas Paris. Nous te ferons un recension.

MAJ le 3 janvier 2009

[Catherine Rouvier - Respublica Christiana] Lettre d’une Corinthienne à saint Paul

Cher Paul, 

Je ne vous connaissais pas. Ou si peu. Pour moi vous étiez seulement l’inséparable de Pierre. Dans le Confiteor comme sur le dôme de Saint-Pierre à Rome. Pierre, je l’imaginai facilement. Un costaud, sentimental, pas intello. Un peu lâche aussi. Mais la foi chevillée au corps. Mais vous ? Les dessins à colorier du catéchisme vous montraient toujours face contre terre, aveuglé par la lumière… pas facile de faire connaissance dans ces conditions.

C’est à un mariage, à l’âge de 20 ans, que je vous ai rencontré. Vos paroles m’y ont frappé de stupeur. « Il est bon pour l’homme de ne pas toucher la femme » … « Ce n’est pas la femme qui dispose de son corps mais l’homme » « La femme doit être soumise à son mari »…. Cette lettre aux Corinthiens a fait de moi, sur l’instant, une Corinthienne. Mais pas de celles qui se convertissaient en vous écoutant. Plutôt de celles pour qui l’Acrocorinthe, éminence majestueuse d’ou l’on découvre à la fois les montagnes du Péloponnèse et la mer du Golfe saronique était le lieu ou « tout n’est qu’ordre et beauté » mais aussi, et surtout, volupté. Oui, cher Paul, je le confesse j’ai ri de vos paroles, sur les pentes ensoleillées de l’Acrocorinthe, et j’en ai ri encore sur l’Acropole comme en riaient les sophistes, cyniques et autres philosophes quand vous leur parliez d’un Dieu crucifié. Eut il pu en être autrement dans la ville aux priapes triomphants exhibés sans pudeur aux carrefours, aux kouroï gracieux comme des gravures de tombe égyptienne auxquels auraient été donné tout soudain le mouvement, au Zeus Poséidon au torse puissant qui semble de son bras tendu soumettre l’univers, quintessence inégalée de la beauté virile ? 

Ils vous prenaient pour un illuminé. Moi je vous voyais plutôt comme un disciple tardif, un juif rigoriste, un pharisien que sa conversion foudroyante n’avait pas guéri de sa raideur dogmatique initiale. Vous étiez pour moi le continuateur de la férocité du texte biblique pour qui la femme est un quasi objet tiré de la côte de l’homme – seul vrai chef d’oeuvre de Dieu - donc son inférieure et sa servante. 

Parfois, vous réentendant au hasard des lectures dominicales, je vous parlais et vous faisais remarquer qu’entre la Genèse et vous, il y avait eu l’Evangile. Peut être cela vous avait il échappé ? Peut être ne saviez vous pas que Jésus avait interrompu l’odieuse lapidation, de la femme adultère ? Qu’il avait parlé à la Samaritaine aux multiples amants ? Qu’il avait dit à Marie qu’elle avait raison de ne pas préférer, comme sa sœur Marthe le ménage et la cuisine à la vie spirituelle et intellectuelle ? 

Oui, entre la terrifiante Bible et nous, il y a l’Evangile, et on y respire un autre air, autrement doux et parfumé, autrement féminin. Y est-il dit une seule fois que l’homme est supérieur à la femme ? Jésus ne s’entoure-t-il pas d’hommes mais aussi de femmes ? Et ne juge t il pas la Marie-Madeleine, dont le corps avait reçu tant de caresses, digne non seulement de le suivre mais encore de le voir, alors qu’elle pleure près du tombeau vide, et d’être doucement appelée par lui, afin qu’elle se retourne et reconnaisse en ce qu’elle croyait être le jardinier du cimetière son « rabbi », son « rabbouni », son maître, son maître chéri ? Ne fut-il pas lui-même conçu par une femme sans mari ? D’une femme qui, si Joseph ne l’avait prise pour épouse malgré son état, risquait, elle aussi, la lapidation ? 

On n’entend, parfois longtemps, que ce qu’on veut entendre. J’ai longtemps ignoré la suite du texte entendu à 20 ans « et l’homme ne dispose pas de son corps mais sa femme » ou encore « et l’homme se sacrifie pour sa femme ». Un peu oublié aussi le « va et ne pèche plus » adressé à Marie Madeleine ou à la Samaritaine…. 

Longtemps surtout ce préjugé tenace sur votre antiféminisme récurrent m’a empêché d’entendre l’un des plus beaux discours sur l’amour qui ait été jamais tenu. Le vôtre. Sur la parole du Christ, laconique, précise mais elliptique, « aimez vous les uns les autres comme je vous ai aimés », vous écrivez, en des pages admirables, la nécessité pour chacun d’entre nous de crucifier la chair comme Il l’a fait afin que prenne sa place l’Esprit qui nous rend justes. 

Un jour enfin, il n’y a pas si longtemps, à Rome, j’ai relu la Lettre aux Romains. Vous y dites que le corps crucifié du Christ vous a fait mourir à la loi .Qu’ avant, les passions coupables, excitées par la loi, agissaient dans votre corps pour vous faire porter des fruits de mort. Que vous vous êtes affranchi de la loi, étant mort à ce qui nous entravait, et qu’ainsi vous avez pu assurer un service nouveau, celui de l’Esprit, au lieu du service ancien, celui de la lettre de la Loi .Et vous ajoutez de la manière la plus claire : « j’étais en vie, mais quand le commandement est venu, le péché est devenu vivant pour moi et ce fut ma mort, car le péché a saisi l’occasion et par le commandement il m’a séduit ». 

Que ce soit à l’Acrocorinthe, sur l’Acropole ou à Rome je ne rirai plus, si ce n’est de joie d’avoir enfin compris. 

Compris que la loi, entendue de votre bouche, lors de ce mariage, à l’époque ou « j’étais en vie »a rendu pour moi le péché vivant et que celui-ci a provoqué ma mort, en saisissant, dans ma révolte, l’occasion de me séduire. 

Compris que seule la mystérieuse et incompréhensible vertu salvatrice de la communion à la mort du Christ peut lever le voile afin que « l’Esprit qui donne la vie dans le Christ nous libère et détruise le péché de l’homme charnel » et que « les exigences de la loi se réalisent en nous qui ne vivons plus sous l’emprise de la chair mais de l’esprit , nous libérant en même temps de l’esclavage et de la peur ».

Compris que, comme vous l’écrivez dans la seconde Lettre aux Corinthiens, « L’Esprit ne donne pas une sagesse qui veut convaincre mais seulement sa puissance dans une sagesse tenue cachée » car « personne ne sait ce qu’il y a en Dieu si ce n’est l’Esprit de Dieu et c’est seulement s’il vient en nous que nous voyons le don de Dieu. L’homme qui n’a que ses forces d’homme ne peut saisir ce qui vient de l’Esprit de Dieu ».

Oui , cher Paul , quand vous dites plus loin dans cette même Lettre « ma conscience ne me reproche rien mais ce n’est pas pour autant que je suis juste » vous montrez la voie d’une humilité que d’aucuns vous dénient et qui pourtant, si on vous lit bien, éclate à chaque phrase , et qui est la seule mais l’indispensable clé de cet amour qui m’exige rien , qui ne dit pas de mal , qui pardonne tout, dont vous parlez si bien. 

C’est avec cette clé que je vous ai relu, et cette fois jusqu’au bout. Sous la rudesse des formules apparaît alors la délicatesse du propos. Au jeune homme qui ne peut résister à sa trop jolie femme, vous conseillez de faire l’amour, puisqu’il peut l’épouser. A la jeune veuve torturée de solitude, vous dites que la fidélité n’a pas à être gardée par-delà la mort. De même l’« ancien » qui dirige la communauté n’est pas tenu d’être « eunuque pour la gloire de Dieu » mais pourra être marié, n’étant tenu que d’être fidèle et de savoir faire obéir ses enfants …. 

A l’impossible, donc, nul n’est tenu. Mais à celui qui veut suivre le Christ, quelle que soit sa situation, il est demandé de crucifier sa chair pour pouvoir aimer avec justice. Et alors, alors seulement, une fois que l’Esprit lui aura dévoilé le sens du monde et la volonté divine, il pourra comprendre le sens de vos paroles : 

Alors seulement la femme pourra se sentir seconde. Alors seulement elle comprendra que ce n’est pas l’accomplissement de sa seule volonté, la seule satisfaction de ses besoins, la seule obéissance à ses propres raisonnements qui doivent la guider dans une vie amoureuse, conjugale, familiale, si elle ne veut pas vivre et faire vivre à ses enfants l’attelage furieux d’une hydre à deux têtes qui finit par se fracasser contre un mur puis l’autre, au fur et a mesure de la violence du désir de l’un, puis de l’autre, faisant des enfants des spectateurs effarés d’une inéluctable séparation. 

Alors seulement l’homme pourra se sentir « premier » sans devenir despote, et voir par-delà le privilège de celui qui décide ou arbitre, les charges qui lui incombent. Alors il n’abandonnera plus la femme enceinte dont il ne désire pas assumer l’enfant pourtant né de son propre désir, alors il ne se séparera pas d’une femme même douce et bonne pour en prendre une autre plus jeune ou plus excitante ou plus riche qui lui permet d’assouvir ses passions tyranniques 

Alors l’un comme l’autre se sentiront toujours seconds par rapport à l’enfant qui, dans ce plan de la création qu’ils ont décidé de respecter ne saurait en aucun cas être sacrifié à leurs luttes de pouvoir. 

Alors oui, les fruits de l’Esprit dont vous parlez si bien : la joie, la douceur, la paix règneront dans leur couple, dans leur famille, dans leur société. 

Non, cher Paul, vous n’êtes pas l’ « avorton terroriste » campé par Michel Onfray[1], celui qui ne pense qu’à interdire le plaisir et esclavagiser la femme, le père lointain de l’infibulation, l’inventeur de la ceinture de chasteté , le complice de la lapidation . 

Si on vous lit sans préjugés, on vous découvre tendre, quand vous parlez à vos disciples - oserais je dire « maternel » ? - peu méprisant à l’égard des femmes puisque vous comparez vos douleurs de prosélyte à celles de l’enfantement, dévoué, infatigable, courageux et patient. 

Cher Paul, je ne sais comment finir cette lettre. Y a-t-il une formule de politesse qui vaille pour un Saint Apôtre habitant de l’éternité, de la part d’une disciple récente et fervente, mais encore engluée dans la chair et la matière dont elle admire tant l’ordonnance et la beauté ?

Sans doute est-ce encore inédit. Alors je vous dirai seulement merci. Car grâce à vos lettres lues et relues, du rire sardonique je suis passée au rire de joie, et sans cesser tout à fait d’être corinthienne je suis aussi un peu, timidement, devenue romaine.
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[1] Cf « du bogie wogie dans la prière du soir » article du même auteur sur le « traité d’atheologie » de Michel Onfray in liberté politique