vendredi 12 mars 2010

Ils en ont parlé...

Je voudrais remercier ici Conomore de m'avoir prêté main forte, face à Antoine, pour dédiaboliser Maurras. Il l'a fait avec sa vaste culture et un style... que je lui envie. Je crois important de ne pas épouser les querelles de l'époque dans leur matérialité. Ce qui est grand sans conteste chez Maurras c'est sa pensée. Je dirai même : son expérience intellectuelle de la modernité. J'ai l'habitude de dire que Maurras est le plus moderne des antimodernes, le dernier des sages et le premier des intellectuels. Il est une sorte de chaînon manquant.

La modernité, il l'a éprouvée au plus profond de lui même. Jusqu'à en perdre la foi. Mais aussi jusqu'à éprouver la tentation du suicide (voir Le Mont de Saturne), ayant éprouvé le romantisme du XIXème siècle, au plus profond de lui-même en le poursuivant jusqu'au nihilisme de Schopenhauer, dont on sait, par sa correspondance avec Mgr Penon, qu'il l'a lu à 20 ans. Autant d'éléments qu'Antoine pourra ajouter dans son dossier à charge. Autant de circonstances qui rendent son itinéraire particulièrement important, comme l'avait pressenti Henri Massis.

Certains diront : quel rapport avec sa politique ? C'est ce qui est intéressant chez Maurras. il n'y a pas de système, pas de parcours fléché, mais une profonde unité de l'expérience intellectuelle et spirituelle, sous le signe de l'analogie. Ce qui est valable dans tel domaine doit l'être aussi dans tel autre d'une autre manière. Ce qui vaut pour la critique littéraire vaut analogiquement pour la politique. Le point commun étant toujours le Logos, vénéré comme principe de l'ordre possible.

L'ordre, l'avenir de l'ordre, voilà ce qui passionnait le penseur. Non pas un ordre établi qu'il aurait fallu défendre. Non pas un ordre à établir dont l'Idée devrait gouverner aveuglément ceux qui luttent pour lui (ça c'est l'idéologie : efficace comme religion sécuière mais déshumanisante). Non l'ordre tel qu'il affleurait au milieu du désordre ambiant, pour quiconque saurait observer. On est très près de Vatican II et des signes des temps chers à Jean XXIII, si vous voulez mais le prophétisme en moins, l'empirisme (organisateur) en plus. Cet ordre à l'époque de Maurras survivait sans doute ici et là dans la société, mais il n'en avait plus pour longtemps sans le vecteur politique : "Syracuse est prise, Archimède est égorgé et tant pis pour le théorème". Cet ordre ne subsistait plus que dans le langage, dernier témoignage clair de l'Intelligence au Principe de l'ordre humain et principe d'une espérance irréfragable, en vertu de l'analogie qu'il peut toujours instaurer.

A cet égard, il importe de bien distinguer Maurras et son mouvement, l'Action Française. Cette pensée de l'avenir de l'ordre et de l'analogie qui le régente obscurément, elle est le fait d'un penseur, pas d'un mouvement politique. Je crois qu'il faut retrouver Maurras penseur et ce que François Huguenin a appelé en ce sens l'Ecole de l'Action Française, laissant le mouvement à la grandeur terrible de ses engagements et aux impasses fatales de la politique quotidienne. On ne va quand même pas rejouer le match jusqu'à la fin du monde !

1 commentaire:

  1. Voir texte courageux de l'Abbé Laguérie15 mars 2010 à 16:37

    Un excellent texte de l'abbé Laguérie sur le sujet. Voici un extrait :

    "Mais, n’en déplaise aux inconditionnels de Maurras, la doctrine de Maurras est tout autre chose. Elle tient en un mot par lequel Maurras prétendait endiguer tous les malheurs qu’il annonçait justement : le Nationalisme. Et ceci est sa doctrine, son remède, son combat. Eh bien, j’ai le regret, ou plutôt la joie, de vous dire que je ne suis pas du tout nationaliste, mais alors pas du tout. Que le nationalisme est un mirage, une erreur grossière et funeste, qu’il n’a cessé de faire des ravages dans l’histoire, que nous en crevons tous et qu’il est particulièrement anti-chrétien. "

    Merci M.l'Abbé (Laguérie) et bravo ! Enfin un propos courageux sur le nationalisme et une mise au point sur cet élément central de la "doctrine" de Maurras que M.l'abbé de Tanouarn semble éluder. Or, c'est bien ce qui repousse en Maurras : son idolâtrie du nationalisme ! Un chrétien ne peut l'accepter.

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