dimanche 30 janvier 2011

Dialogue...

On fait à nouveau beaucoup de bruit, ces derniers temps à Rome autour du dialogue. On sait que le cardinal Ravasi a choisi Paris, notre capitale, pour une extraordinaire expérience de dialogue entre chrétiens et athées, expérience qu'il nomme curieusement : le parvis des gentils (ce qui doit signifier que dans son esprit les chrétiens, qui discutent avec les gentils sont de vrais juifs ou même peut-être - la nuance n'est pas petite, elle est pascalienne - les vrais juifs).

Qu'est-ce que le dialogue ? Si la question m'était posée, je répondrais très naturellement : l'une des formes les plus riches de l'exercice de l'intelligence. il y a eu les dialogues de Platon. On peut aussi comprendre comme une pratique du dialogue la méthode dialectique de Thomas d'Aquin, rédigeant toujours d'abord les objections à sa propre thèses - dans sa Somme théologique - et y répondant scrupuleusement. Son disciple Cajétan fait de même (contrairement à d'autres grands commentateurs, beaucoup plus scolaires et analytiques comme Sylvestre de Ferrare ou Jean de Saint Thomas). Je pense aussi à Pascal, qui dans ses fragments entre très souvent en discussion avec un interlocuteur qui n'est pas forcément imaginaire, s'il reste anonyme, interlocuteur qui peut être Méré ou Miton ou quelque autre "libertin" joueur et mangeur de boudin le vendredi saint. Et puis - charité bien ordonnée... - je pense à notre metablog, sur lequel nous discutons de la manière la plus ouverte possible...

Si nous scrutons l'intelligence de la foi, il est donc bien naturel que nous entrions en dialogue... J'ai eu l'occasion vendredi dernier de rencontrer un authentique partisan du dialogue, Jean-Pierre Castel, auteur d'un livre, publié chez L'Harmattan et intitulé Le déni de la violence monothéiste. Ce personnage qui se présente comme un agnostique de culture protestante, polytechnicien et joyeusement autodidacte en matière philosophique et religieuse, cherche à entrer en discussion de manière systématique avec les clercs, qu'ils portent robe ou non, pour les convaincre justement de la gravité du déni. Selon lui, le monothéisme engendre la violence et les religions monothéistes ne veulent pas le reconnaître... Voilà le déni.

Il est plus actuel que jamais, ce déni, lorsque l'on se lance dans la rhétorique - souvent difficile il faut bien le dire - de la paix par les religions. Exemple ? Jérusalem - beata pacis visio - est moins que jamais une ville de paix. Heureusement que saint Paul a expliqué aux Galates depuis longtemps que "notre mère", à nous chrétien, c'est la Jérusalem d'en haut et que... "l'autre est esclave avec ses enfants".

Je vous reparlerai très vite de Jean-Pierre Castel et de la violence monothéiste. Je n'ai pas encore fini son livre. Mais on peut tout de suite se poser la question : quel dialogue pourrons-nous avoir ? Non pas un dialogue qui viserait à donner la foi ou à la fairte perdre, bref à convertir ou à... déconvertir : la foi ne se communique pas par l'eau du dialogue, mais par le feu du témoignage. Elle se perd quand elle devient obscure à elle-même.

Je crois cependant à un dialogue au sein duquel, sans peur, sans blocage intempestif, en respectant j'allais dire une sorte de règle non dite de fair play, chacun fait le bilan des ressorts profonds qui sont les siens. Il me semble que c'est un peu - salva reverentia - l'idée du cardinal Ravasi : retrouver une véritable paix mentale en refusant de céder à la facilité de la diabolisation de l'autre, qui a été l'horreur culturelle du XXème siècle. A cet égard on pourrait assez bien transposer les pages que François Furet a écrit sur l'antifascisme dans Le passé d'une illusion et les adapter à l'actuelle christianophobie.

La diabolisation est par excellence l'arme du diable. Son antidote ? C'est le dialogue.

Ma conviction c'est que cette paix des esprits ne mène pas forcément à la foi bien sûr, mais qu'elle est une condition nécessaire à la nouvelle propagation du christianisme : non pas une propagation par les armes ni par une quelconque forme de violence, mais une propagation par attraction, par une sorte de longue incubation. Le christianisme se diffuse comme le levain dans la pâte. Il ne s'agit pas pour moi de faire l'apologie de ce que l'on nomme l'enfouissement, la pastorale de l'enfouissement (qui a souvent utilisé pour se légitimer la parabole du levain). Non ! Cette pastorale est dépassée, et c'est tant mieux. Je crois simplement que si notre foi nous redevient claire à nous-mêmes, si nous sommes capables de l'exposer, sans peur ni blocage, sans cette rigidité qui est trop souvent le défaut dont Vatican II n'a pas guéri les prêtres... Eh bien ! Cette foi va faire des envieux... Elle redeviendra contagieuse.

Bien entendu il serait absurde que chaque chrétien prétende "entrer en dialogue". La mode du dialogue a fait des victimes et mis sur orbites un certain nombre de poncifs qui sont... des bêtises. Le dialogue n'est pas une chose facile : chacun son métier. En revanche le devoir de chaque chrétien est de se rendre claire à lui-même sa propre foi et de travailler pour cela. Nous allons fêter la chandeleure, fête de la lumière. Eh bien ! Cette foi que nous portons en nous elle n'est pas un boulet d'obscurités, elle est un jet de lumière. A nous de la comprendre toujours mieux, pour en vivre toujours plus... Et alors, sans le vouloir, sans le chercher, nous ferons à nouveau des envieux.

jeudi 27 janvier 2011

"... un coup d’accélérateur ces dernières années..." (La Croix)

La Croix publie aujourd’hui un article sur «la blogosphère catholique», dont on apprend qu’elle «s’organise» et relève de la «Génération Jean-Paul II». Tenez-vous bien : «cette galaxie en expansion compte près de 300 blogs en France» dont une cinquantaine «ont réussi à fédérer une communauté régulière de fidèles commentateurs, ont une réelle vitalité et visibilité». La Croix en cite une petite vingtaine (dont le Metablog - merci).

Un petit regret et une petite surprise en lisant cet article. La surprise est que le Forum Catholique n’est seulement pas cité. Il correspond pourtant à la description («certains blogs reçoivent beaucoup de commentaires, la majorité des commentateurs sont des abonnés»). Avec ses quelques défauts, avec ses immenses qualités, le Forum Catholique est l’épine dorsale de l’Internet traditionaliste.

Le petit regret maintenant : La Croix ne dit pas assez, hélas, la vraie raison de la présence catholique sur le web. Si nous sommes ici, c’est que les autres lieux nous sont grosso modo fermés. Si vous êtes indifférent, athée, catholique-mais-je-me-soigne, vous pouvez vous reconnaître dans les gros médias : les TF1, les Figaro, les RTL. Sinon… A plus forte raison si vous êtes tradi. La Croix reconnaît d’ailleurs que «les blogueurs catholiques représentent aujourd’hui … une frange plutôt à droite, voire très à droite de l’Église».

La Croix s’interroge sur l’impact réel de cette blogosphère. Comment expliquer les «20.000 visiteurs» du Salon Beige en même temps qu'on évoque «la sphère ‘tradi’ limitée à une dizaine de blogueurs» (et encore : «qui renvoient les uns vers les autres»)? Bref : mystère et boule de gomme! Pour ce qui est du MetaBlog, inutile de me demander des chiffres: j’ai débranché le compteur. Mgr Ducaud-Bourget conseillait m'a-t-on dit de bien faire et laisser braire. Je pense ne pas trop mal réussir la seconde partie de cette maxime.

mercredi 26 janvier 2011

Abbé Berche - Nouvelles données par sa mère

22/01/2011 : Alexandre était très attristé de s'éloigner de ses proches, mais en dépit de ses protestations, il est très bien à Berck, car l'hôpital est bien plus agréable que celui de Garches, tant pour sa localisation que pour ses infrastructures. Il a vue sur la mer et l'on peut accéder à la plage directement, par une passerelle de bois. Je vais lui rendre visite tous les dimanche et la semaine dernière nous nous sommes promenés sur l'esplanade, et dans la ville qui ressemble au Touquet. Il faisait beau et c'était très agréable. Il m'appelle tous les soirs et hier il était heureux de m'annoncer qu'on lui a prêté un fauteuil électrique. Il est allé se promener seul sur l'esplanade, car les patients sont autorisés à sortir, en ayant au préalable prévenu le personnel. Il porte au demeurant un bracelet mentionnant son nom et le n° de téléphone de l'hôpital. Les couloirs étant plus larges et les allées en meilleur état qu'à Garches, il n'a pas de problème pour conduire son fauteuil. Remerciez de tout coeur la personne qui a confectionné un poncho en laine polaire. C'est extrêmement gentil de sa part, d'autant plus qu'il lui sera très utile. Alexandre est joignable sur sa ligne fixe à partir de 20 H, au 03 21 89 28 61 (ligne directe) - Le standard est le 03 21 89 27 27 et le poste d'Alexandre est donc le 28 61.

24/01/2011 :  Nous sommes allés nous promener sur l'esplanade dimanche, malgré le crachin. Le paysage était magnifique, avec un ciel couleur de neige et une mer vert céladon d'une nuance très subtile. Mais il fait assez froid et le poncho sera vraiment apprécié.

Les séances de rééducation d'Alexandre sont regroupées le matin, plus la kiné de 14 H à  15 H. Ensuite, il est libre. Il se promène dans l'hôpital avec le fauteuil électrique qu'on a bien voulu lui prêter, bien qu'il ait avoué avoir été considéré à  Garches comme un danger public. Les couloirs sont certes plus larges, mais sa concentration s'est nettement améliorée et j'ai pu constater qu'en général il se débrouillait bien, hormis quelques petites pertes de contrôle.

Les repas sont servis à 12H30 et 18H15 et il faut 1 H à  Alexandre pour en venir à  bout. Ils sont plus copieux et, fort heureusement, plus variés qu'à Garches et on lui a enfin supprimé son régime sans fibres, si bien qu'il a désormais des fruits et des légumes. On peut donc le joindre sur son portable l'après-midi, et essayer le poste fixe dans sa chambre où il se livre à quelques activités (mots fléchés, lecture). Je tiens à remercier très sincèrement les paroissiens de leur sollicitude envers Alexandre. Madame Raffray est allée lui rendre visite lundi dernier.

Adresse postale :
Hôpital Maritime de Berck s/Mer
Chambre 213, Pavillon Ménard
Rue du Dr Ménard
62608 BERCK-SUR-MER

Baïonnettes intelligentes

J'ai aimé la formule de Georges Sorel que nous donne l'anonyme de 22 H 51 : les armées révolutionnaires étaient constituées d'individualistes... féroces. Leurs victoires sont celles des "baïonnettes intelligentes". Il y a les canons de Gribeauval commandés par Louis XV et Louis XVI (de mémoire). Mais il y a aussi le sang français - non pas celui d'une race, mais celui d'une certaine façon d'être ensemble... qui n'existe qu'en France. "Heureux comme Dieu en France" dit le proverbe yiddish. "Je vois un Français à genoux, je vois un homme libre à genoux" comme Péguy le fait dire à son Dieu.

Et cela peut faire réfléchir sur l'obéissance. Je pense à un long article du Père Labourdette sur le sujet dans la Revue thomiste (de mémoire vers 1953 : c'était un autre monde). Il expliquait : "l'obéissance, c'est la vertu du bien commun".

Saint Thomas confirme son disciple. Dans la Somme théologique (Ia 96 4), il dit : "L'homme, par sa nature, n'est pas ordonné à son semblable" : homo ex natura sua non ordinatur ad alterum. Naturellement, l'homme n'a pas envie d'obéir et ce n'est pas pour lui une nécessité ou un désir de nature. Quoi qu'en dise Aristote, il n'existe pas d'"escalves par nature".

Pourquoi obéissons-nous, jusqu'à la mort s'il le faut, comme peuvent en témoigner ces baïonnettes intelligentes ?

La réponse de Labourdette est magnifique : nous obéissons à cause du bien commun, soit que nous en pressentions l'urgence sans en connaître les impératifs, soit que nous en devinions les conditions. Dans tous les cas, l'obéissance est une vertu qui est premièrement dans l'intelligence, comme l'enseigne saint Thomas (il y a une question disputée dans le de Veritate sur ce sujet, en plus des articles de la Somme théologique dans la IIaIIae).

La force des armées françaises a toujours été l'obéissance intelligente (le coeur intelligent comme dit Finkielkraut). Encore fallait-il un (vrai) commandement pour cela, comme on le constata en 14, où les officiers généraux pistonnés parce que francs maçons (cf. l'affaire des fiches) firent perdre des... centaines de milliers d'hommes. Il faut bien avouer que l'armée française a été magnifique, malgré les erreurs lourdes du haut commandement (Dien Bien Phu). Mais - et c'est encore vraie en Afghanistan d'après un rapport terrible de l'aumônier du 2ème REP - on a du mal, la République a du mal à former de vrais chefs. Elle en est restée à Clemenceau : "la guerre est une chose trop sérieuse pour être confiée à des militaires".

Il y a une autre institution qui devrait travailler la question des "baïonnettes intelligentes", et c'est l'Eglise bien sûr. lorsque l'obéissance tient lieu de... foi, on assiste en 30 ans au plus grand chambardement que l'Institution ait connu dans son histoire. Au nom de l'obéissance !

De même que l'obéissance est la vertu du bien commun au plan temporel, je crois que l'on peut dire, au plan spirituel, que l'obéissance est la vertu de ce qui nous unit tous : la vertu de la charité. Qu'est-ce qu'une obéissance qui ne proviendrait pas de la charité ? Une vertu informe. Une vertu absurde. Et, comme dit sainte Catherine de Sienne dans son Dialogue, qu'est-ce qu'une charité qui n'est pas réglée par... la prudence ? (la prudence, dans son vocabulaire, c'est ce qu'elle appelle la "discrétion" : le choix intelligent des moyens en vue de la fin). Sainte Catherine nous met en garde : la charité sans la discrétion n'est rien.

En tout cas, naturel ou surnaturel, on en revient toujours au même point : loin de dispenser de l'intelligence, l'obéissance du chrétien (en particulier dans les situations tendues ou éprouvantes) est le plus bel acte d'intelligence dont il soit capable : celui qui l'ordonne non seulement à son bien propre, mais, comme dit encore saint Thomas après Aristote, à quelque chose de plus divin : le bien commun, et en l'occurrence le bien commun surnaturel, le bien commun de l'Eglise.

Fasse le Ciel que l'Eglise puisse être servie, dans le terrible combat spirituel d'aujourd'hui, par quelques baïonnettes intelligentes ! le chaos actuel demande... des soldats de l'an II !

mardi 25 janvier 2011

[conf'] Jean-Marie Elie au Centre Saint Paul

Nous avons eu peu avant Noël une conférence remarquable de Jean-marie Elie, nous racontant sa conversion. Rabbin ultra-orthodoxe, ayant vécu 15 ans à Mea Shearim le quartier des juifs ultra orthodoxe à Jérusalem, il est devenu chrétien. Avec entièreté. En retrouvant spontanément les accents d'un autre juif ultra-orthodoxe, "pharisien fils de pharisien" : Saul de Tarse.

Pour la fête de la conversion de saint Paul, j'ai pensé qu'il pourrait revenir nous parler non plus de lui même mais du Christ fils de Dieu.

Il m'a proposé : L'incarnation de Dieu dans l'Ancien Testament.

Il ne s'agit pas de théologie abstraite. Il s'agit de comprendre comment Dieu s'est fait histoire, comment le Christ a été annoncé, comment les prophéties se sont réalisées. La lecture souvent très neuve de Jean Marie Elie est frappante. Elle nous montre que la Bible est le livre dont Dieu s'est servi pour annoncer la venue d'un homme nommé "Salut" (Yeshua). Non pas seulement d'un homme divin comme le voulait les ariens, mais d'un homme qui EST le salut de Dieu, d'un homme qui est Dieu.

Je vous signale à ce propos, aux éditions XO, le dernier livre de Max Gallo : Jésus l'homme qui était Dieu. Facile à lire, infiniment respectueux de l'histoire et du personnage du Christ. Enfin un autre regard - un regard objectif - sur les textes, hors desquels il n'y a qu'un vaste psychotage humain... Trop humain sur le Christ.

Nous ferons ce soir cet effort de revenir aux textes... de l'Ancien Testament pour reconnaître le Christ, cet homme qui était Dieu.

Mardi 25 janvier 2011 à 20H00 :«L'incarnation de Dieu dans l'Ancien Testament, saint Paul lecteur de la Bible» - par Jean-Marie Elie - PAF 5€, tarif réduit à 2€ (étudiants, chômeurs, membres du clergé) - La conférence est suivie d’un verre de l’amitié.

samedi 22 janvier 2011

Aux indignés anonymes

"Certes, tout le monde peut changer d'idées mais là trop c'est trop" me déclare l'un d'entre vous en commentant - courtoisement dit-il - mon post "Jean Paul II (bis)". Mais sans se donner la peine de formuler un argument ou une citation.

Je suis assez surpris de cette attaque, alors que j'avais imaginé mettre en lien avec ce post mon livre Vatican II et l'Evangile, publié en 2003 (épuisé mais disponible sur le net). Il me semble avoir repris les thèmes de ce livre, en montrant comment les questions brûlantes soulevées par le Concile sont aujourd'hui en voie de trouver des solutions. Oh ! Tout n'est pas réglé. Mais la superstition progressiste est morte (je le dis depuis 1995) et les grandes idées du Concile (avant tout d'une part la liberté de conscience dans le sens condamné par Grégoire XVI et d'autre part l'unité spirituelle du genre humain - ce que j'ai appelé le surnaturalisme de JPII) sont démonétisées et en voie de correction. Pour cela, il a fallu le long pontificat de transition de Jean Paul II, où tout n'est pas blanc, tout n'est pas noir, où l'Idée conciliaire rayonne encore et ses derniers feux, rasants, sont parfois les plus troublants ; et puis il a fallu l'intelligence du cardinal Ratzinger, qui a d'ailleurs dit dans une conférence à Santiago du Chili durant l'été 1988, tout ce que l'Eglise devra à la résistance de Mgr Lefebvre.

Durant le pontificat de Jean Paul II, il y avait deux interprétations historiques possibles de son action à la tête de l'Eglise.

Première interprétation, que je faisais mienne à l'époque : le travail de Jean Paul II (De labore solis), titanesque, consiste à ne pas poser les vrais problèmes (le pb liturgique et les potentialités de rupture contenues dans le texte de Vatican II) et à tenter de construire un rêve humaniste dont l'Eglise aurait les clés, rêve qui est une contradiction subsistante et qui de toute façon devra s'interrompre (J'avais publié à l'époque - et c'est disponible sur le net - un numéro de Certitudes : Jean Paul II ou le rêve interrompu).

Deuxième interprétation, qui se révèle comme celle que l'histoire a entérinée. Jean Paul II ne peut pas poser certains problèmes trop sensibles encore, comme le pb liturgique. Il n'en a d'ailleurs personnellement pas le goût. Par ailleurs il est lui-même pétri de l'humanisme et du surnaturalisme de Vatican II (voir la conclusion de sa thèse sur saint Jean de la Croix ou les articles de jeunesse réunis dans En esprit et en vérité). Il ne peut donc pas en percevoir la nocivité. Mais, professeur de théologie morale à Lublin, il comprend parfaitement le risque de relativisme moral que comporte intrinsèquement la prédication humaniste de Vatican II (voir texte du Père Congar cité dans notre JP II bis). Notez par exemple : il abordera la question liturgique à l'extrême fin de son pontificat, en 2003, sous l'angle : la messe de Paul VI doit être bien célébrée. C'est à partir de tout cela qu'il va relever l'Eglise. Mais son oeuvre, encore timide aura besoin de son Successeur et des deux grands actes de son pontificat que sont le Discours du 22 décembre 2005 contre un certain "esprit du Concile" et le Motu proprio du 7 juillet 2007, libéralisant la célébration de la messe traditionnelle (et dont les deux derniers articles n'ont pas encore reçu un commencement de mise en oeuvre).

Je n'avais pas imaginé cette divine surprise qu'a été l'élection de Benoît XVI. Mais, cher Monsieur, si vous savez lire, tous les fondamentaux du combat traditionaliste (à l'exception de la question proprement oecuménique) se trouvent dans mon post sur Jean Paul II. Je ne vois pas en quoi vous pouvez dire que j'ai changé d'"idées", selon le terme que vous employez. J'ai changé d'attitude, parce que le monde change, l'Eglise change et qu'il n'y a que les imbéciles qui ne changent pas dans le grand fleuve de l'événement. Mais les "idées" que j'ai défendues plus ou moins adroitement dans le passé, je les défends avec la même fougue (si Dieu veut bien me la donner) dans un contexte différent.

J'ai parlé de divine surprise à l'instant. Il n'est pas défendu de voir dans l'élection de Benoît XVI un beau coup de la Providence. Est-ce à dire que je suis un inconditionnel de Benoît XVI ? J'essaierai de répondre à cette question dans un prochain post.

Hitler en nouvel Hérode

C’est Le Parisien qui a (re)sorti l’affaire : un vitrail de l’église Saint-Jacques, à Montgeron dans l’Essonne, représente Hérode sous les traits d’Hitler. Les Saintes Écritures nous parlent de plusieurs Hérode : il y a Hérode le Grand qui ordonne le massacre des Innocents. Il y a Hérode Antipas, qui fait mettre à mort Jean Baptiste, et qui plus tard interrogera Jésus. Ici, il s’agit d’Hérode Agrippa, neveu du précédent, dont les Actes des Apôtres nous disent en leur douzième chapitre qu’il «mit la main sur quelques membres de l'Église pour les maltraiter. Il fit périr par le glaive Jacques, frère de Jean». La scène est représentée sur le vitrail de Montgeron, avec Adolf Hitler himself dans le rôle du roi sanguinaire, Hitler presqu’incognito, la moustache est à peine visible mais la mèche est bien là. Ce vitrail date de juillet 1941. A l’époque la France est occupée et l’Allemagne semble invincible. Il fallait donc un cran certain aux frères Mauméjean, les maîtres verriers, pour représenter le maitre de l'Europe en bourreau.
 

vendredi 21 janvier 2011

Jean-Paul II (bis)

On sait que Jean-Paul II sera béatifié le 1er mai prochain. Certains s'en offusquent, sans voir l'extraordinaire stature du pape polonais (voir post précédent), véritable sauveur de la papauté après quinze ans de remises en cause...

Comment comprendre ce pontificat ? Je l'ai souvent écrit : le pontificat de Jean Paul II est un pontificat de transition, comme en témoignent ses encycliques. Il s'agit de dépasser les difficultés du Concile. Cela s'est fait sans jamais aborder de front les problèmes doctrinaux posés par cet énorme document pastoral. Dans les années 80, c'était sans doute trop tôt pour le faire.

Je prends un exemple : la liberté de conscience. Le §3 de Dignitatis humanae semble la professer non pas dans les termes mais au moins dans la forme où elle a été condamnée par Grégoire XVI et Pie IX comme "un délire". Le Père Congar s'en était aperçu. Dans son Journal, il écrit son inquiétude pour l'avenir : "Notre Déclaration, dont j'admets la doctrine, va avoir des conséquences imprévisibles pendant deux ou trois siècles. Je suis convaincu qu'elle aura de bons fruits. Elle dissoudra des amoncellements de méfiance à l'égard de l'Eglise catholique. Mais il ne faut pas nous illusionner : elle apportera pratiquement, de l'eau au moulin de l'indifférence religieuse et de cette conviction aujourd'hui répandue que TOUTES les règles de la moralité sont dans la sincérité et dans l'intention subjective" (Mon Journal du Concile t. 2 p. 370).

C'est le Père Congar qui souligne TOUTES. Il a conscience de l'ampleur du séisme qui s'annonce. Et il le définit assez exactement : foi d'abord. La première conséquence de la liberté religieuse, au sens non seulement politique ou juridique mais métaphysique du terme, c'est l'indifférence, la religion à la carte, la liberté de croire qui l'emporte sur la vérité ou l'erreur de ce qui est cru. Deuxième conséquence, toujours d'après le Père Congar : la sincérité individuelle ou collective devient la seule règle de la moralité. Quand il écrit que tout cela va causer des turbulences pendant deux ou trois siècles, on ne peut pas lui reprocher un optimisme béat. Pourquoi ce texte alors direz-vous ? Pour que l'Eglise retrouve l'estime du monde et que se dissipent "des amoncellements de méfiance". On ne peut pas dire, alors que Benoît XVI emploie le terme de christianophobie dans son discours à la Curie de la fin décembre que ces amoncellements se soient dissouts. La période d'euphorie conciliaire et conciliante passée, ces amoncellements se sont reconstitués...

Quel rapport avec Jean Paul II direz-vous ? Etroits

Lorsqu'on y réfléchit, jamais Jean Paul II n'a abordé de front le problème de la liberté de conscience. Jamais il n'a cherché à y mettre bon ordre. Et les effets pervers de la Déclaration - prévus par le Père Congar - n'ont cessé de "s'amonceler" : les chrétiens ne croient plus au Christ ressuscité, à la présence du Christ dans l'hostie etc. [A ce propos, chose entendue à la Procure il y a 20 ans, deux vendeurs à lunettes, têtes de catho : "Tu y crois toi à la présence stomacale du Christ". Quand la liberté individuelle l'emporte sur la vérité... tout est audible].

Mais - au moins - dans Redemptoris missio, Jean-Paul II perçoit-il le problème : pourquoi convertir au Christ si chacun est libre de sa croyance ? Mais il le résout simplement en faisant de l'apostolat "un devoir" du chrétien. La solution était déjà dans Evangelii nuntiandi (1975) : elle est faible. Nous sommes en 1991, pas encore tout à fait quinze ans de ce pontificat de transition.

Et puis, en 1993, il y a le coup de tonnerre de Veritatis splendor. Cette fois, ce n'est pas l'indifférence religieuse qui est stigmatisée mais justement et précisément l'autre aspect du problème énoncé par le Père Congar. Contre ceux qui imaginent qu'en morale l'intention suffit et la sincérité absout toutes choses, Jean Paul II rappelle qu'il existe une vérité morale qui est supérieure à la liberté humaine. Désormais le couple vérité liberté et la primauté de la vérité sur la liberté devient un classique de la littérature ecclésiale. Jean Paul II, ancien professeur de théologie morale, a décidé d'attaquer le relativisme non pas dans ce qui en est le coeur, cette revendication d'une foi à la carte, mais dans ce qui en est la manifestation la plus courante : le laxisme moral ; les tenants (même ecclésiastiques) de la morale de l'intention n'ont qu'à bien se tenir.

Pour surmonter le séisme de la liberté de conscience affirmée à Vatican II, Jean-Paul II n'ira pas plus loin que le domaine moral. Mais au moins a-t-il lancé l'idée qui permettra de surmonter l'accès de libertarisme que provoquèrent certains textes du Concile. Depuis le Concile, il est le premier à enseigner l'antériorité fondamentale de la vérité sur la liberté, en des accents qui évoquent l'encyclique Libertas de Léon XIII.

Mais le pontificat de Jean Paul II n'est pas seulement critique. Le pape a dès le début un projet, cela apparaît dans sa première encyclique : marquer le jubilé du Christ. 2000 ans. Montrer, ne serait-ce que par le calendrier aujourd'hui reçu par tous les peuples, que le Christ est un nouveau commencement de l'histoire. Bref marquer la présence de l'Église dans l'histoire humaine et la permanente actualité de la révolution chrétienne : celle qui responsabilise chaque personne, en lui faisant comprendre qu'elle est image de Dieu.

Dans ce grand dessein, il y a divers obstacles... Sans vouloir s'attarder sur les problèmes que pose le Concile contrairement à ce que fera Benoît XVI quelques mois seulement après son accession au Souverain pontificat le 22 décembre 2005, Jean Paul II entend pratiquer un dialogue interreligieux très intense. Manque de foi ? Non. Excès de foi peut-être. Mais comment peut-on avoir une foi excessive ? Disons que la foi du pape est si grande qu'à Assise en 1986 elle semble sortir de son lit. "Les diverses religions sont des limitations de l'unique dessein divin de salut" explique-t-il en substance. Ainsi toutes les religions sont surnaturelles et christiques sans le savoir. Voilà ce que j'appelle l'excès de foi ou la foi sortie de son lit.

Benoît XVI a écrit plusieurs fois contre les excès du dialogue interreligieux, et en particulier contre ce surnaturalisme. On sait qu'il entend "fêter" Assise III au mois d'octobre prochain. Comment va-t-il s'y prendre pour intégrer les critiques qu'il a faites à Jean Paul II alors qu'il était encore cardinal ? La partie risque d'être passionnante. Attendons de voir et ne crions pas avant d'avoir mal, cela ne sert à rien. Le héraut mondial de la lutte contre le relativisme ne donnera pas dans le relativisme religieux. M'est avis qu'il essaiera de donner de l'événement d'Assise une interprétation selon la continuité de l'enseignement de l'Eglise, dans la splendeur de la vérité.

Oui je sais que Jean Paul II a embrassé le Coran. Je garde la photo au dessus de ma tête comme un Memento mori. Même les plus grands font des erreurs... La dérive violente d'un certain islam coranique, relevée par Benoît XVI lors du discours de Ratisbonne (2006), nous a permis de comprendre combien nous, chrétiens, nous comprenions mal l'islam, en le calquant sur notre propre foi, alors qu'il est avant tout une loi et une Oumma...

Pour en revenir à la béatification de Jean Paul II, sachant que je ne peux pas être exhaustif en pareilles matières et que j'attends vos objections courtoises, je voudrais dire que, grâce à un ami qui m'avait offert le séjour (dans un très bel hôtel Place de la Minerve), j'ai eu la chance d'assister aux obsèques de Jean Paul II, j'ai pu voir les km de queue de gens silencieux et recueillis. Sachant qu'on était en Italie, je suis passé par la sacristie (eh oui, je l'avoue) pour avoir le temps de vénérer le pape, exposé à la piété de centaines de milliers de fidèles. Alors que j'étais au téléphone avec Serge de Beketch, en direct sur Radio Courtoisie devant le palais du Saint Office, je disais : "Quel homme au monde a eu de tels obsèques ?", les obsèques de la piété et de la gratitude. Sans Jean-Paul II où en serait la papauté aujourd'hui ? Et l'Eglise ?

Polémiques dans l'Eglise ? Non

Je trouve les polémiques sur certain Forum et même sur ce Blog, à propos de la béatification de Jean Paul II particulièrement stériles et à côté de la plaque.

D'abord il y a eu procédure. Un miracle a été constaté et scientifiquement reconnu comme inexplicable : il s'agit d'une religieuse française soeur Marie Pierre, qui a témoigné dans les journaux (cette semaine dans le Parisien par exemple)

Ensuite il y a un pontificat : de 1978 à 2005, plus d'un quart de siècle. Au cours de ce Pontificat, on constate, au service du Christ, une activité débordante. Ce pape invente les voyages de Pierre, les JMJ, le Jubilé. Il médiatise la fonction pontificale comme aucun de ses prédécesseurs en lui donnant un rayonnement mondial qu'elle n'avait jamais eu et qui est proprement apocalyptique, je veux dire : qui a à voir avec la diffusion mondiale du message du Christ. Grâce à lui, "l'homme en blanc" (aujourd'hui Benoît XVI ; demain un autre pape) est devenu un signe que tout le monde comprend et peut entendre pour peu qu'il s'en donne la peine.

Il y a l'enseignement. Je me souviens de la première encyclique Redemptor hominis. Ce fut un tollé. A l'époque personne n'attendait plus d'encyclique, le pontificat de Paul VI s'étant terminé dans l'incohérence (un coup à gauche, un coup à droite, qu'est-ce qui reste ?) et le silence... Dans une rétrospective des Vingt premières années du pontificat de Jean Paul II, le cardinal Ratzinger remarquait la différence entre les encyclique de la première décennie, très personnelles, intuitives et parfois risquées (laborem exercens etc) et les encycliques de la deuxième décennies "beaucoup plus rigoureuses et formulant un enseignement" : nous lisons encore Centesimus annus, Veritatis splendor, Evangelium vitae, Ecclesia de eucharistia. L'encyclique Redemptoris missio a eu le mérite de poser le problème - frontal - de l'évangélisation, en repérant les ravages faits par l'esprit libéral ambiant. Je ne peux pas ne pas citer enfin Mémoire et identité son livre quasi posthume, dans lequel il insiste (contre toutes les modes) sur l'importance de la notion de nature en théologie et dans lequel il théorise l'importance des nations et des identités : à lire et à relire. On comprend pourquoi Jean Paul II embrassait la terre lorsqu'il allait visiter une nation : un geste... barrésien et mystique.

Et puis il y a la personnalité de cet "athlète du Christ" (dixit le cardinal Marty) devenu homme souffrant et portant sa souffrance partout (jusqu'à Lourdes finalement) en se souvenant qu'il avait écrit Salvifici doloris : la douleur porteuse de salut.

Je vous promets la suite très vite.

mardi 18 janvier 2011

[conf'] «Les points non négociables d’une politique chrétienne» - par Rémi Fontaine

Mardi 18 janvier 2011 à 20H00 : «Les points non négociables d’une politique chrétienne» - par Rémi Fontaine - PAF 5€, tarif réduit à 2€ (étudiants, chômeurs, membres du clergé) - La conférence est suivie d’un verre de l’amitié.

Points non négociables en politique

"Les points non-négociables sont la défense de la vie de la conception à la mort naturelle, la défense de la famille naturelle et la liberté éducative des parents". C'est en ces termes que l'Osservatore romano définissait la politique chrétienne. Sans doute ces trois priorités sont-elles fondamentales. Mais il faut bien reconnaître que présentée comme cela, la politique défendue par l'Eglise est purement sociétale. Et si elle est purement sociétale, cette politique, cela signifie, comme aurait dit M. de Lapalisse qu'elle n'est pas... politique. Inutile de s'étonner des difficultés que l'Eglise rencontre dans la mise en oeuvre de ce programme !

Cette politique de la Vie et de la famille peut apparaître impolitique ; mais cela est encore possible de défendre une politique impolitique : il y a des mesures qui ne sont pas populaires mais qu'il faut prendre. En tant de crise tout le monde le comprend. Et c'est en prenant des mesures impolitiques que certains hommes politiques se taillent à eux-mêmes un costume de sauveur de la patrie.

Mais la politique de l'Eglise ainsi présentée par l'Osservatore romano n'est pas seulement impolitique. Elle est a-politique. Il ne sert à rien de s'étonner des difficultés de la mise en oeuvre alors que la cause politique est systématiquement ignorée. Exemple un peu ancien mais caractéristique : à la Conférence du Caire, en 1994, l'Eglise catholique s'est retrouvée aux côtés des islamistes pour réclamer une politique familiale. C'est le signe que quelque chose ne va pas dans cette doctrine des points non négociables. Si l'Eglise, dans un Sommet international, se retrouve aux côtés de ceux qui désignent les chrétiens comme des ennemis et refusent de condamner les attentats terroristes de Bagdad et d'Alexandrie, c'est qu'elle-même n'a pas fait l'effort de définir une politique qui lui ressemble, qui lui soit propre. Elle est non seulement impolitique, mais apolitique... ce qui la conduit à des positions parfois intenables.

La politique de la vie n'est pas suffisante pour définir une politique chrétienne. Aujourd'hui, on n'est plus dans l'optimisme des années 70. L'Eglise ne peut pas faire autrement que de reconnaître l'existence d'un front culturel sur lequel elle se doit d'être présente, celui de l'identité chrétienne. Identité chrétienne de l'Europe, défendue déjà par Jean Paul II avec une étonnante clairvoyance, identité des nations chrétiennes, dont le même Jean Paul II (bientôt béatifié rappelons-le) fait la théorie dans son testament spirituel : Mémoire et identité.

Les résumés journalistiques et même les thèses universitaires sont en retard sur la politique des papes. Aujourd'hui le point fondamental de la politique chrétienne est celui de l'identité. A chaque voyage depuis le Bourget en 1980 où Jean Paul II s'était écrié : France fille aînée de l'Eglise n'oublie pas les promesses de ton baptême, les papes rappellent cette question fondamentale du destins des nations européennes et de leurs différences chrétiennes dans la mondialisation matérialiste qui semble l'emporter. Une politique chrétienne qui se formuleraity en termes purement natalistes et familiaux... aujourd'hui 'en est pas une.

La récente traduction (aux éditions de l'Homme nouveau) d'une vieille étude de l'abbé Ratzinger sur l'Unité des nations (1970) montre bien que nous avons définitivement changé d'époques et de priorités. A l'époque, l'abbé Ratzinger expliquait très sérieusement en se fondant sur Origène, que les anges des nations n'étaient pas des anges gardiens mais des démons. C'était une suite du traumatisme national-socialiste dans la mémoire allemande. Aujourd'hui une telle diabolisation du fait national n'est pas pensable. Que ce soit récemment à Compostelle, que ce soit en Tchéquie, que ce soit même en Angleterre, le pape a rappelé les nations chrétiennes d'Europe à la richesse de leur histoire chrétienne et à la continuité nécessaire de leur histoire.

Certes il y a la politique de la vie définie par Humanae vitae (1968). mais il y a aussi les deux nouveaux thèmes clés qui marquent notre XXIème siècle : l'identité et le respect de la nature. Ces deux thèmes clés impliquent une appréciation distanciée du néo-libéralisme contemporain. Il me semble que cette critique du néo-libéralisme fait aussi partie - à ces deux titres - des points non négociables d'une politique chrétienne.

C'est dans cette perspective que j'ai invité ce soir, mardi à 20 H, au Centre Saint Paul (12 rue Saint Joseph 75 002. Métro Bourse ou Grands Boulevards) Remi Fontaine, journaliste au quotidien Présent. Le thème : quels sont les points non négociables d'une politique chrétienne. Le débat promet d'être riche ! Si vous êtes Parisiens, n'hésitez pas à venir y mettre votre grain de sel !

lundi 17 janvier 2011

Jean Paul II, le sens d'une béatification

Certaines distinctions, certaines décorations viennent en récompense de mérites exceptionnels. Et puis il en est d’autres qui viennent récompenser… une belle carrière. Prenez telle médaille militaire par exemple: va-t-on la donner à quelques soldats admirables? à leurs officiers plutôt, passé un certain rang? le sens n’est pas du tout le même.

Pendant des siècles, l’Eglise n’a décerné ses honneurs qu’à peu de ses papes : Six siècles et demie séparent le bienheureux Urbain V (+1370) de saint Pie X (+1914). Entre eux deux, on ne trouve que saint Pie V (+1572) et le bienheureux Innocent XI (+1689). Et voilà que cela se précipite : en 2000, Jean Paul II béatifie Pie IX (+1878) et Jean XXIII (+1963). Jean Paul II (+2005) sera béatifié en 2011. On parle de Pie XII (+1958) et de Paul VI (+1978).

Est-ce à dire que le sens de la béatification a changé, qu’elle vient dorénavant couronner une belle trajectoire ecclésiale? Je préfère une autre explication : l’Eglise vit un nouvel âge d’or, dont témoigne la béatification de ses récents papes.

samedi 15 janvier 2011

Demain dimanche, Notre-Dame des Victoires

Demain dimanche, au Centre Saint Paul, nous célèbrerons Notre Dame des Victoires, ou plutôt la fête du Coeur Immaculée de Marie refuge des pécheurs, qui est le culte de l'archiconfrérie Notre Dame des Victoires créée en 1836 par l'abbé Charles Eléonore Dufriche des Genettes, curé de cette paroisse parisienne, sous l'aura de laquelle se trouve notre petit Centre Saint Paul. Nous sommes sur le territoire paroissiale de Notre Dame de Bonne Nouvelle, mais si proches de la Basilique Notre Dame des Victoires qu'il m'a semblé normal de célébrer Marie ce dimanche, selon le propre parisien et de lui offrir cette fête de 1ère classe.

Curieux personnage, ce Charles Desgenettes ! Né en 1778, aux derniers jours du règne de Louis XV, il va connaître tous les régimes et mourir en 1860, sous Napoléon III. Pourquoi le cacher ? Le curé de Notre Dame des Victoires est profondément monarchiste et légitimiste. Cette conviction le poursuit durant tout son sacerdoce. Son diocèse d'origine - Sées en Normandie - paraît vite trop petit pour l'entreprenant abbé. Il est envoyé à Paris, où il fonde a Providence, dans le VIIème arrondissement, un établissement s'occupant des jeunes filles pauvres. Il est d'abord vicaire puis curé de la paroisse des missions étrangères. Pour encourager les enfants à venir au catéchisme, il n'hésite pas à offrir des bons de ravitaillement. Sa parole est tranchante. C'est un véritable tribun, très répandu dans Paris. Il aurait été à l'origine du toucher des écrouelles par le roi Charles X, à l'issue de son sacre (1825). Les dix premiers malades "touchés" auraient d'ailleurs été guéris, exauçant la formule : "le roi te touche, Dieu te guérit".

Las... Vient la Révolution de 1830 : l'abbé quitte Paris et part... en Suisse. Il reviendra dans la Capitale deux ans plus tard. Mgr de Quelen le nomme à Notre Dame des Victoires en 1832. Déception : cette paroisse est déserte. Quel contraste avec son ministère précédent ! Oubliés, dans l'église vide, les fastes louis-quatorziens, souvenir de ce frère Fiacre qui avait prédit à Anne d'Autriche la naissance de Louis Dieudonné. La paroisse alors est bourgeoise... et les bourgeois n'ont plus la foi.

Nous sommes à l'époque où un Jules Michelet médite sur la fin du christianisme en traversant la Seine par le Pont Louis-Philippe. Ecoutez cette page de son Journal et vous saurez ce que sont devenus les paroissiens de l'abbé Desgenette. Nous sommes - précisément dans ce journal - en 1834 : "Grand brouillard ! En allant aux Archives, à 11 H, j'admirai Notre Dame, à demi perdu dans un manteau flottant de brumes. Les parties antérieures et voisines de moi étaient sombres et noires : elles devenaient grise et fantastiques à mesure qu'elles s'éloignaient. (...) C'était l'enterrement de Notre-Dame et du catholicisme. Ah ! dit Juliette à Roméo, qui descend, il me semble que je te vois dans un tombeau."

A l'époque du curé Desgenettes, il y a beaucoup de votairiens, beaucoup de saint-simoniens, beaucoup d'optimistes... "Enrichissez-vous !" dira Guizot. Le ton du nouveau règne est donné. Sommes-nous si loin de cette époque, aujourd'hui, lorsqu'on nous dit : "Travaillez plus pour gagner plus" ? Ce qui est loin, en tout cas, c'est la religion. Très loin. Loin du coeur.

C'est dans ce contexte parisien qu'en 1836, le 3 décembre précisément, l'abbé Desgenettes a une locution intérieure, lui enjoignant de consacrer sa paroisse au Coeur Immaculé de Marie. Le dimanche 11 décembre au soir, il convoque ses paroisisens : "Nous ne savions pas pourquoi nous étions là" disent les premiers "confrères". Esprit organisateur, Desgenettes a non seulement consacré sa paroisse au Coeur immaculée de Marie, mais créé une archiconfrérie universelle, en allant directement à Rom, quitte à chagriner quelque peu son archevêque le très légitimiste Mgr de Quelen. A cette archiconfrérie parisienne, des aroisses et des ordres religieux du monde entier se joignent pour augmenter le trésor de la prière et participer, dans une merveilleuse communion des saints, aux biens spirituels obtenus. parmi les premiers à vouloir s'inscrire, un petit curé de paroisse dont la réputation n'a pas encore dépassé les limites de son canton : un certain Jean-Marie Vianney, curé d'Ars. Sa lettre est courte et comminatoire : "Ne me faites pas attendre !" écrit-il aux Parisiens. Il avait lui-même consacré la paroisse d'Ars au Ceur Immaculé de Marie quelques mois avant que Desgenettes ne le fasse.

Que signifie cette consécration ? L'archiconfrérie existe toujours et elle compte plus d'un million de membres. Il s'agit d'une pratique de la communion des saints : que les prières des uns proifitent aux autres. Il s'agit de s'en remettre au Coeur de Marie, chrétienne avant le Christ, comblé de grâces, remplie de l'Esprit saint, dont la délicatesse et le don de soi sont absolus et qui "a conçu Jésus dans son coeur avant de le convevoir dans son corps" comme dit magnifiquement saint Augustin. "C'est le coeur qui sent Dieu", c'est le coeur qui est habité par Dieu.

Le coeur de Marie est un pur réceptacle de la grâce : vas insignae devotionis, vas honorabile : récipient d'une insigne dévotion, vase d'honneur. Non seulement le coeur de marie est consacré tout entier à Jésus, mais il est celui de la mère de tous les hommes. Dieu habitant ce coeur, lui a donné des dimensions magnifiques. Ce coeur qui, lors de l'Annonciation, a symbolisé la liberté et la dignité de tous le genre humain, est aujourd'hui le coeur de la Mère universelle : refuge des pécheurs.

Lorsque Dieu nous semble loin, inaccessible, Tout Autre, l'Infini devant lequel on est... rien, Marie est là, son sourire, sa préoccupation pour tous et chacun, jusque dans les détails, comme à Cana où elle remarque seule que le vin va manquer et où son intercession permet à Jésus d'accomplir son premier signe. Le coeur de Marie, signe aussi aujourd'hui : signum magnum apparuit in caelo dit l'Apocalypse. Le coeur de Marie signe donné aux nations à Fatima : "A la fin mon Coeur immaculé triomphera". Ce ne sera pas comme nous le pensons. Après la consécration du monde au Coeur immaculé de Marie par Jean Paul II en 1984, on a eu, selon les promesses de Fatima, la fin du communisme. Mais aujourd'hui ? Je pense spécialement aux musulmans... et aux musulmanes, qui en ont assez du machisme d'Allah. Confidence récente d'une musulmane voyant la statue de la Sainte Vierge au Centre Saint Paul : "Mais comment cette religion donne une si grande place aux femmes qu'elle en fait des représentations". C'est le coeur de Marie qui va triompher de nouveau de l'athéisme socialisé, du vice banalisé. C'est le coeur de Marie qui révèlera aux musulmans la bonté de Dieu - qui leur manifestera que le véritable Allah a un Coeur, qui secrètement reste le coeur du monde qu'il a créé. Le coeur de Marie est la plus belle manifestation créée du coeur de Dieu. Le coeur de Marie, refuge des pécheurs, leur donne envie du coeur de Dieu.

Le curé Desgenettes a toujours dit qu'il n'éprouvait spontanément aucune dévotion pour le coeur de Marie (voir sur le site de la paroisse Notre Dame des Victoires, son très beau récit). Mais sans doute sa rencontre avec le Père de Clorivière, auquel il demanda s'il ne fallait pas qu'il se fasse jésuite, a-t-elle été pour lui l'occasion d'un premier contact avec cette dévotion. C'est Adélaïde de Cicé, fille spirituelle du Père de Clorivière, qui emploie la première la formule qui deviendra le signe de ralliement de la Confrérie Notre Dame des Victoire : Coeur Immaculé de Marie, refuge des pécheurs, priez pour nous.

vendredi 14 janvier 2011

Un PC pour l'abbé Berche - Semetipsum communique

AnteScriptum - samedi 15 janvier: Semetipsum nous signale que l'objectif est atteint et même dépassé. - Il remercie les donateurs au nom de l'abbé Berche. 

Semetipsum communique:
Je vous avais signalé ici les dernières tribulations de notre cher abbé [Alexandre Berche]. Nous souhaitons lui offrir un nouveau PC portable pour qu'il puisse, notamment, lire ses courriels. Voici l'adresse sur laquelle vous pouvez lui verser, via Paypal ou Carte Bancaire, un don qui nous permettra d'acquérir cet outil de communication. Vous pouvez également me joindre à mon adresse courriel : semetipsum (arobase) aliceadsl (point) fr, je vous communiquerai mon adresse pour les chèques que vous pouvez également envoyer au Centre Saint Paul (pour l'abbé Berche) qui transmettra. Merci d'avance à tous.

mardi 11 janvier 2011

Cher Denis Sureau,

Merci de ne pas être anonyme. Votre intervention en prend tout son poids.

Le chant grégorien est-il un sacramental ? Certes il est intimement lié à la liturgie et en ce sens, l'exécution attentive et compétente d'une pièce grégorienne porte une grâce particulière, comme tout ce qui nous rattache aux cérémonies de la sainte messe. Mais peut-on l'appeler un sacramental ? Je craindrais, ce faisant, deux choses : d'une part, les abus dans l'exécution, l'idée que n'importe qui, quelque soient ses compétences, peut chanter en grégorien "puisque c'est un sacramental" ; d'autre part un mélange entre l'art sacré et les cérémonies sacrées, qui serait au détriment et de l'art et des cérémonies, en ritualisant ce qui n'est pas un rite et en artistifiant "par contagion" des cérémonies, qui, en soi, n'ont pas à l'être.

Mais qu'est-ce qu'un sacramental ? L'ancien code définit ainsi le sacramental : "Les sacramentaux sont des choses ou des actions que l'Eglise a l'habitude d'employer, dans une certaine imitation des sacrements, pour obtenir par sa prière des effets avant tout spirituels" (can 1144). Le Nouveau Code précise : "Les sacramentaux sont des signes par lesquels sont signifiés des effets avant tout spirituels".

Autant me semble-t-il, on pouvait soutenir à la limite, selon l'Ancien code, que le chant grégorien est une action sacrée, car liée à la liturgie et qu'en ce sens il s'agit d'un sacramental, autant si on définit les sacramentaux comme des signes par lesquels sont signifiés des effets AVANT TOUT spirituels, je pense qu'il est difficile de considérer le grégorien comme un signe sacré institué comme tel pour signifier un effet spirituel particulier. Bref ne confondons pas le sacré et les sacramentaux. Le service de messe ? C'est un acte sacré, mais pas un signe sacré institué pour produire un effet spirituel etc. Chant sacré et non sacramental.

Que tirer de ce pilpoul ?

Il me semble qu'à côté des sacramentaux, il y a place dans l'Eglise pour le sacré et que ce n'est pas une "grossièreté" ou une impropriété que d'en parler. Il faut y réfléchir. On suivra ainsi l'exemple du pape expliquant, dans le Motu proprio Summorum pontificum, que la liturgie traditionnelle transmet le sens du sacré. On peut en dire autant pour le chant grégorien. Raison de plus pour qu'il soit exécuté avec un vrai respect de ce qu'il porte.... comme tout ce qui est sacré.

J'aurais été heureux de parler avec vous du livre de Joseph Ratzinger que vous venez de publier aux éditions de l'Homme nouveau : L'Eglise et l'unité des nations (1971)... Il me semble, comme je l'ai écrit ailleurs, qu'il y aurait matière à un grand débat sur l'Eglise et les nations. Ce débat vous agrée-t-il ?

[conf'] Vrai et faux dialogue islamo-chrétien

Demain mardi, à 20 H 15, au Centre Saint Paul, c'est le Père Edouard-Marie Gallez qui, après l'attentat d'Alexandrie qui, à ce jour a causé la mort de 27 chrétiens (voir entretien de Sobhy Gress dans Monde et Vie), viendra parler du dialogue islamo-chrétien.

Provocation ? Non : nécessité.

A ce jour le dialogue islamo-chrétien est obéré parce que l'on fait du bon musulman ni plus ni moins qu'un bon chrétien avec barbe et turban. Les Occidentaux, qu'ils soient chrétiens fervents ou antireligieux et laïcistes militants, sont incapables d'accepter le fait que l'islam est... différent, que toutes les religions ne se valent pas, ne se ressemblent pas, et que, avant de parler de leur religion à des musulmans, il faut apprendre à la connaître. C'est cela aussi le respect de l'autre!

Le Père Gallez est aujourd'hui un spécialiste incontesté des origines de l'islam, poursuivant les savants travaux d'Alfred de prémare. Mais il est aussi un prêtre, préoccupé de porter Jésus Christ à ceux qui non seulement ne le connaissent pas, mais ne veulent pas le reconnaître pour ce qu'il est : les musulmans.

Mardi 11 janvier 2011 à 20H15 :«Vrai et faux dialogue islamo-chrétien» - par le Père Edouard Marie Gallez - PAF 5€, tarif réduit à 2€ (étudiants, chômeurs, membres du clergé) - La conférence est suivie d’un verre de l’amitié. - Le Père E.M. Gallez est l'auteur d'une somme sur les origines de l'islam: Le messie et son prophète, Collection Studia islamica éd. de Paris 2 volumes 1000 pages

Grégorien, polyph, popu... En avoir le coeur net !

"Il y a un certain modèle d'agrément et de beauté, qui consiste en un certain rapport entre notre nature, faible ou forte, telle qu'elle est, et la chose qui nous plaît". C'est encore une fois Pascal que je convoque, oh ! pour une broutille : répondre aux détracteurs, confondus en une lmême détestation du Minuit chrétien et de la marche des Rois et en une même admiration pour le grégorien en général et l'Offertoire Reges Tharsis en particulier. Je cite Pascal à l'attention de tous ceux qui auraient tendance à essentialiser la beauté - voire (je vais dire des gros mots philosophiques) à en faire un transcendantal. Mais non, dit Pascal : la beauté... "c'est ce qui plaît". "La chose qui nous plaît". Il y a dans la beauté quelque chose de sensible : id quod visum placet dit saint Thomas. Ce qui plaît à voir. Et Pascal va un peu plus loin en invoquant "notre nature". Pas la nature humaine en général : ça c'est une invention du siècle des Lumières. Non : "notre nature faible ou forte", "notre nature telle qu'elle est". Il s'agit bien de la "nature" individuelle de chacun, au sens thomiste du terme. La beauté n'est pas un "en soi" transcendantal, mais un rapport entre ce que je suis à tel ou tel moment et la chose qui me plaît.

Subjectivisme ! direz-vous sans doute. Mais non ! J'établirais volontier un rapport analogique entre les différentes écoles de spiritualité et les différents types de beauté. La Lettre aux amis de la Croix du Père de Montfort va me convenir à tel moment où je suis prêt non seulement à entendre mais à me laisser toucher par le radicalisme de ce bouillant prédicateur de la Sagesse. Le Cantique des créatures de saint françois d'Assise me conviendra à d'autres moment. Le tout est de ne pas insister pour faire passer la Lettre circulaire de Grignon au moment où c'est le Cantique des créatures qui m'aurait été nécessaire. Il ne s'agit pas d'opposer deux saints l'un à l'autre : saint François a reçu les stigmates, il EST le crucifié plus qu'aucun autre saint, mais il nous fait sentir quelque chose dans son Cantique que l'on ne ressent pas dans la Lettre circulaire de saint Louis-Marie Grignon de Montfort.

Eh bien ! La beauté, c'est pareil, y compris dans le domaine liturgique. On n'a pas besoin du même genre de beauté à l'Offertoire (qui est "le sacrifice de l'homme" comme l'explique admirablement Mgr Guérard des Lauriers) et à la communion. Je ne parle pas de l'élévation, où me semble-t-il, seul le silence (soutenu par l'orgue) est assez grand pour exprimer le Mystère.. Décidément, même en ce qui concerne cette oeuvre d'art qu'est la Liturgie, Pascal a raison : la beauté est une relation, entre ma nature, forte ou faible, et la chose qui me plaît - et qui, me plaisant, m'attire vers Dieu.

Mais j'entend d'ici tel ou tel anonyme me dire que, la liturgie ce n'est pas une question de plaisir. Il y a ce qui est liturgique - le grégorien - et ce qui ne l'est pas - tout le reste.

Je crois effectivement que l'Introït, l'alleluia et la communion ont naturellement leur place en toutes messes chantées puisque ces pièces du répertoire romain font partie de la liturgie elle-même. Oui, cette place leur est due. Mais ce n'est pas pour cela que l'on doit se sentir dispensé de BIEN chanter le grégorien. Le chant grégorien n'est ni un sacrement ni même un sacramental. Ce sont des oeuvres musicales destinées à soutenir la prière et qui, certes, doivent être exécutées, mais pas massacrées pour autant.

J'ai connu dans ma carrière sacerdotale déjà longue certains passionnés de grégorien, qui avaient une relation particulière avec leur chant préféré (cela dit pour parler comme Pascal), au point qu'ils ne faisaient aucune différence entre une pièce grégorienne chantée et une pièce grégorienne massacrée. A leur sujet, j'emploierais volontiers l'expression du très regretté chanoine Roussel, curé de Port marly : "les grégorianistes pieusards, parés des plumes du paon". Attention, je n'ai pas dit que tous les grégorianistes vérifiaient cette appellation. J'ai d'ailleurs un très bon motif de ne pas le croire : je connais assez bien moi même l'ensemble du répertoire grégorien et j'essaie de faire en sorte de ne pas mériter ces qualificatifs. Donc, chers amis, au choix : ne vous sentez pas visés. Ou encore, et ça ce n'est pas du Pascal mais du Molière (on reste tout de même dans les valeurs sûres) : "Qui se sent morveux se mouche".

La piété des moines, toute intérieure et offerte, sait discerner dans l'élan des neumes un mouvement surnaturel qui transporte le coeur dans des dimensions que l'on ne soupçonne pas. J'ai vécu cela au séminaire : on aurait donné un beau tableau pour telle ingéniosité mélismatique, proprement ravissante. Mais (et c'est là que l'on retrouve l'idée de relation ou de relativité), la piété des laïcs a besoin d'autres aliments, plus immédiatement sensibles. Semetipsum a bien répondu à l'anonyme qui estimait que la marche des rois est une "soupe infecte du XIXème siècle" : il s'agit en fait d'un air du Moyen âge. Et cela n'a pas empêché Bizet de trouver l'air à son goût : la vraie musique n'a pas d'âge. Il y a vraie musique quand il y a relation toujours possible entre notre nature forte ou faible et la chose qui plaît à notre oreille et qui charme notre coeur.

En la matière, je répèterai volontiers Saint-Cyran : "Il suffit d'avoir le coeur net". Sans préjugés ni complaisance. La beauté ne se démontre pas. Il suffit de l'aimer...

dimanche 9 janvier 2011

"La France est concernée par ça" (Nicolas Sarkozy)

Traditionnellement la France défendait les chrétiens d’Orient. C’est un rôle que nous avions oublié –  mais qui revient en force ces jours-ci, au moins sous la forme d'une prise de conscience. J’observe pour ma part un glissement sensible: ce n’est plus la France-pays-chrétien qui défend des chrétiens. Non. C’est la France-pays-divers-et-libre-et-tolérant qui défend… la diversité et la liberté et la tolérance. Illustration avec quelques déclarations du 7 janvier 2010:
  • «Nous ne pouvons pas accepter que cette diversité humaine, culturelle, religieuse qui est la norme en France, en Europe et dans la plupart des pays occidentaux disparaisse de cette partie du monde.» [Nicolas Sarkozy, Président de la République – allocution devant des représentants religieux]
  • «Ce qui fait la richesse et la grandeur de nos Etats, c’est la liberté de penser et d’exercer totalement sa religion où que l’on soit dans le monde. Je plaiderai dans toutes les instances internationales pour rappeler ce principe humain fondamental.» [Michèle Alliot-Marie, Ministre des Affaires étrangères et européennes – entretien à KTO]
  • «Je veux porter aussi cette idée de tolérance et de respect de la liberté de conscience et de la liberté religieuse.» [Michèle Alliot-Marie, Ministre des Affaires étrangères et européennes – entretien au Figaro]
  • Les morts d'Alexandrie et de Bagdad... «sont collectivement nos martyrs. Ils sont les martyrs de la liberté de conscience» [Nicolas Sarkozy, Président de la République – allocution devant des représentants religieux]
Note bien, lecteur, que nos responsables ont leurs raisons pour aborder le sujet sous cet angle, que je ne les connais pas, et que donc je ne les trouve pas ‘bonnes’ ou ‘mauvaises’, bien au contraire ! Du reste, je ne juge pas – j’observe.

Notre richesse, au Centre Saint Paul

Beaucoup de joie ce dimanche, pour la solennité de l'Epiphanie. Ce sont bien sûr les mages qui nous la portent cette joie, avec leurs présents. Cette richesse offerte illustre merveilleusement la parole énigmatique que l'on trouve dans la parabole des Dix mines : "A celui qui a on donnera. A celui qui n'a pas, on ôtera même ce qu'il a". Pas de misérabilisme parmi nous ! L'Epiphanie est une fête triomphante. La richesse des mages doit nous donner envie de devenir riches - en argent, en talents, en grâces - pour pouvoir donner.

Notre richesse à nous, au Centre Saint Paul ce matin, c'était la musique. Depuis le départ de l'abbé Laguérie, il faut bien reconnaître que nos chants s'étaient... simplifiés. Et ce matin une petite chorale s'est regroupée autour d'Alix, et nous avons pu faire entendre à l'Offertoire le fameux "train des trois grands rois", avec, il faut le dire, un enthousiasme, un élan tout à fait plausible : on s'y croyait. La musique portait à l'Offrande. Pour avoir entendu dans la voiture, avant d'arriver au CSP, la musique de la messe de France culture (messe des anges et grégorien d'ailleurs), je me dis que notre choeur nouveau n'a pas à rougir de la sienne ! J'espère que la prière de tous se trouvera portée (saint Augustin n'hésiterait pas à dire : doublée. Chanter c'est prier deux fois) par les compétences vocales de quelques uns. Qu'ils soient - tous et toutes - remerciés.

A cheur nouveau, coeurs nouveaux. Ce n'est pas un simple jeu de mot, car la vraie musique (est-ce le sortilège des muses ?) nous transforme. Il ne s'agit pas seulement d'esthétique (le fameux "goût" cher à Kant et à tout le XVIIIème siècle). Encore moins d'esthétisme, c'est-à-dire d'une recherche personnelle axée sur la construction de soi : vanité de ceux qui imaginent pouvoir faire de leur vie une oeuvre d'art, comme si le seul artiste, en l'espèce, n'était pas Dieu lui-même. C'est lui qui se peint en nous, qui peint dans nos vies l'image de son Fils. C'est lui l'esthète parce qu'il est l'Artiste absolu. Quant à nous, qu'il nous suffise d'admirer ou de réaliser ce qui est beau et la beauté agira en nous comme une grâce : sans que nous ne nous en rendions compte, avec une parfaite douceur et un véritable naturel.

Le coeur nouveau ? C'est un petit opuscule de Saint-Cyran, ce grand homme de Dieu que je ne résiste pas à citer : "C'est en cela, écrit-il que consiste une partie de la facilité du joug de Notre Seigneur, qu'il n'est besoin que d'avoir le coeur net pour le servir". Le coeur net ! Le coeur pur ! De quoi s'agit-il ? De tous ceux qui veulent simplement servir avant de se servir. Cela suffit nous dit Saint-Cyran. L'Artiste divin se charge du reste.

vendredi 7 janvier 2011

Sobhy Gress sur le Parvis de Notre-Dame

Sobhy Gress nous avait tous invité mardi dernier. La manifestation pour les coptes martyrs vient d'avoir lieu. Pas de pluie cet après-midi. Un temps clément pour la saison. Beaucoup de monde : des coptes, très nombreux. J'ai eu la joie de découvrir mon serveur préféré (de l'excellente pizzéria Flora dans le XVème : publicité gratuite) avec toute sa famille et une bannière éloquente, nape blanche sur laquelle en lettres rouges dégoulinantes : Stop au sang. On entendait ces Kyrie eleison, avec ces résonnances mystiques qui suffisent à nous transporter en Orient.

Il y eut le Credo, récité en français - avec enthousiasme (mais oui !) et trois petites modifications par rapport au nôtre : eux disent que le Fils est "consubstantiel" et non "de même nature" que le Père : les fils de Cyrille d'Alexandrie ne pouvaient pas faire moins ! Sur ce point, ils nous font la leçon sans le dire. En revanche, dans la procession du Saint-Esprit, comme tous les orthodoxes, ils omettent que le Saint Esprit procède du Fils. Enfin, les quatre notes de l'Eglise sont les nôtres : une, sainte, catholique, apostolique. Mais, au lieu de "catholique" ils disent : universelle. Ce qui m'a frappé, c'est l'enthousiasme avec lequel ils le disent. C'est le coeur de la foi, c'est la foi avec coeur.

J'ai été frappé du peu de chrétiens français qui se trouvaient à Notre-Dame. Pourquoi les paroisses n'étaient pas là ? Quelle magnifique expression de l'unité chrétienne cela aurait pu être ! Quelle belle preuve de la détermination spirituelle qui nous habite tous nous aurions pu donner au monde ! N'est-ce pas dans la persécution qu'il faut serrer les rangs et faire l'unité ? Je remercie les fidèles du Centre Saint Paul, nous étions une quinzaine, tout de même. Il y avait aussi Mohammed Christophe de Notre Dame de Kabylie et beaucoup de musulmans convertis ou sympathisants : ceux là comprenaient d'instinct la nécessité de leur présence en ce lieu à cet instant. Pas besoin de leur faire un dessin.

Les grands absents étaient les mulmans croyants, en particulier des Egyptiens auraient dû être là. Quand donc les musulmans subventionnés de notre fameux islam de France descendront-ils dans la rue pour dire : stop au sang versé au nom de l'islam ? Cela aurait pu constituer une occasion. Il y eut simplement - paraît-il - en début d'après midi le témoignage de deux musulmanes voilées : merci à elles. Mais leur voile était lourd de sens en une pareille occurrence : certainement l'expression de la peur plus que de la foi.

mercredi 5 janvier 2011

Sobhy Gress et la résistance des coptes

Magnifiques témoignages ce soir au Centre Saint Paul. En face de nous, Sobhy Gress, secrétaire général de l'association Solidarité Coptes Internationale et l'un de ses amis Dalil. Ils nous ont plongé au coeur du drame d'Alexandrie. Le premier de l'an, une voiture piégée explose devant l'église des saints au Caire. La minuterie était réglée pour la sortie de la messe, alors que ce jour est particulièrement fêté chez les coptes. Bilan : 22 mort et 79 blessés. Dans les médias, on nous parle d'un kamikase. Le Gouvernement égyptien préfèrerait cette solution pour ne pas avoir à chercher qui a fait le coup et pour imputer tranquillement cette action à des non-égyptiens... En réalité, c'est bien une voiture piégée qui est à l'origine du drame. Et ce drame n'est que la dernière d'une longue série d'exactions commise contre la communauté copte égyptienne, en toute impunité. Sobhy évoque ce drame qui avait fait beaucoup moins de bruit l'an dernier : cinq jeunes gens tués à la sortie d'une messe. Seul le pape de Rome en avait parlé à l'époque. On connaît le meurtrier. Il y a flagrant délit. Mais il n'est toujours pas puni. Et son ami Dalil souligne que les deux gendarmes qui étaient de faction devant l'église des saints avaient comme par hasard pris la poudre d'escampette depuis une paire d'heure au moment où le drame est arrivé.

Bref, il y a manifestement complicité entre le pouvoir, la police et les terroristes. Il faut revenir aux origines du nasserisme pour le comprendre. Nasser est un militaire, qui prend le pouvoir, contre le roi Farouk, en 1952 et saura le transmettre à Anouar el Sadate (1971-1981), lui-même remplacé, après l'attentat qui lui a coûté la vie par Hosni Moubarack (au pouvoir depuis 1981 et dont aujourd'hui la vie ne tient qu'à un fil). Le problème de l'Egypte est le rapport ambigu qu'entretient la "dynastie" nassérienne avec une institution égyptienne qui va bien au delà de l'Egypte : les frères musulmans, fondés en 1929 dans ce pays par Al Banna (le maçon). Pour nos deux témoins, malgré des relations parfois chaotiques avec les frères, les trois présidents successifs "en" étaient plus ou moins. Dès le président Nasser, la charia est noté dans la constitution égyptienne comme une source de la constitution. Aujourd'hui elle est déterminée (c'est Sadate qui a fait cela quelques mois avant son assassinat) comme la source unique de la constitution, au point que s'il y a conflit de droit entre le droit civil et le droit religieux, c'est le droit religieux qui l'emporte. Cela indique l'importance considérable du Cheikh al Tayyeb de l'université Al Azhar : il est l'autorité morale incontestée dans ce pays. Lorsqu'il reproche au pape son "ingérence" dans les affaires égyptiennes, il le fait, j'allais dire de toute sa hauteur.

Aujourd'hui l'Egypte, pays de 80 millions d'habitants (c'est plus que la Turquie), travaillé depuis des années par la propagande et l'aide sociale des frères musulmans auxquels, de façon très consciente, on a laissé la rue, est un pays à prendre pour l'intégrisme sunnite. L'enjeu est énorme. Tous les équilibres de la région peuvent basculer. La santé d'Hosni Moubarack ne tient qu'à un fil comme je le disais. Le pouvoir est à portée de la main pour la confrérie. Seuls empêcheurs d'intégriser en rond : les coptes. Par leur seule présence (ils constituent entre 7 et 12 % de la population selon les estimations), ils interdisent que l'Egypte soit tout entière musulmane.

On les a dix fois donnés pour morts depuis trente ans. Ils forment une communauté profondément unie sur l'essentiel, la foi et les rites (malgré les différences entre la minorité catholique et la majorité orthodoxe). Ils ont conscience d'être les vrais égyptiens (copte signifie égyptien). Ils constituent une élite intellectuelle et spirituelle (même si bien sûr toutes les classes sociales sont représentées parmi eux). Et aujourd'hui l'humanité entière est en train de prendre conscience de leur long martyre, de ces massacres resztés impunis, de ces abus de droit quotidiens à leur détriment et 'avantage d'un musulman, - mais aussi et en particulier du martyre que subissent leurs filles, enlevées violées et "converties" à l'islam sans espoir de retour (se convertir de l'islam à une autre religion signifie la mort). Sobhy nous a raconté l'histoire des deux femmes dont al Qaïda avait donné les noms comme étant des musulmanes retenues dans des couvents. En réalité, ce sont deux femmes de prêtres : l'une aurait été enlevée et "convertie" à l'islam. Elle a été "récupérée" sur une intervention personnelle du pape Chenouda. Elle n'avait pas le droit de redevenir chrétienne puisqu'elle était devenue musulmane. L'autre, on a simplement pensé qu'elle avait pu devenir musulmane. En fait, elle s'était simplement réfugié quelques semaines dans sa propre famille... Ces deux femmes sont emblématiques de toutes ces jeunes filles coptes, converties de force, sans que leurs familles n'aient aucun moyen juridique de les retrouver...

"Cet attentat, c'est un mal pour un bien" nous dit Sobhy Gress en terminant. "Nos martyrs ne sont pas morts pour rien puisque cela permet une prise de conscience". Quant à son ami Dalil, il renchérit d'un seul mot : espérance.

En terminant, tous deux nous donnent à tous rendez-vous sur le Parvis de Notre Dame, vendredi prochain entre 15 H et 18 H pour un moment de recueillement en l'honneur des martyrs chrétiens d'Egypte, nos contemporains. J'espère vous retrouver nombreux à ce rendez-vous de la piété.

lundi 3 janvier 2011

[Paul Verley - Respublica Christiana] Intelligence, coeur et politique


Ce qu’il est convenu d’appeler le problème théologico-politique consiste principalement à s’interroger sur la place à accorder à la religion dans la construction de la cité. Dans ce débat, deux grandes tendances s’opposent.

Pour les uns, la Révélation doit informer la société tout entière. S’efforçant de tirer une politique de l’Ecriture Sainte, cette école réunit, sous ce rapport, Dostoïevski et Bernanos, Martin Buber et Pierre Boutang, Radical orthodoxy et nombre d’intellectuels communautariens. Un Péguy, pour n’insister que sur lui, développe une mystique de sa « terre charnelle », à laquelle il attribue une mission d’élection. Très présent dans la tradition protestante ou orthodoxe, ce courant de pensée n’est pas sans liens, dans sa défense d’une communauté politique assise sur des fondements spirituels, voire mystiques, avec le judaïsme.

Pourtant, rêvant de bâtir dès ici-bas la cité de Dieu, nos auteurs prennent le risque d’arracher le bon grain avec l’ivraie. On voit mal au surplus ce qui reste de spécifiquement politique dans cette pensée qui semble fermer la voie à toute collaboration des citoyens d’un même Etat, croyants et incroyants, dans l’élaboration d’un bien commun.

Pour les autres, il existe un champ proprement politique que les philosophes grecs ont su mettre en lumière, irréductible à la dimension religieuse ou aux enseignements divins,. L’intelligence humaine est capable d’organiser cette amitié naturelle propre aux animaux humains. Ceux-ci sont à même de se donner des lois et d’obéir à une autorité chargée de promouvoir le bien du tout.

La difficulté est qu’on est bien obligé, en jetant un regard sur le siècle passé ou en scrutant par exemple les projets de nos gouvernants en matière de bioéthique, de constater l’échec de cette raison politique qui semble incliner inévitablement à faire de l’Etat une idole, comme on peut s’en convaincre à la lecture attentive du Contrat social.

Existe-t-il alors une via media ? Que dit la voix du magistère ?

Dans son discours au Parlement britannique prononcé le 17 septembre 2010, le pape Benoît XVI tend plutôt à donner raison aux seconds, mais en apportant une précision importante : « la question centrale qui se pose est celle-ci : où peut-on trouver le fondement éthique des choix politiques ? La tradition catholique soutient que les normes objectives qui dirigent une action droite sont accessibles à la raison, même sans le contenu de la Révélation. Selon cette approche, le rôle de la religion dans le débat politique n’est pas tant celui de fournir ces normes, comme si elles ne pouvaient pas être connues par des non-croyants – encore moins de proposer des solutions politiques concrètes, ce qui de toute façon serait hors de la compétence de la religion – mais plutôt d’aider à purifier la raison et de donner un éclairage pour la mise en œuvre de celle-ci dans la découverte de principes moraux objectifs. »

La religion a donc un rôle correctif. Le péché, la jalousie, l’orgueil, la concupiscence ne tendent que trop à vicier les raisonnements les meilleurs en apparence. Dans l’état de chute qui caractérise l’humanité, il est peu probable que l’intellect humain puisse échapper aux pièges de l’ignorance et de l’erreur. La doctrine catholique est là, non pour se substituer au travail de l’intelligence, mais comme repère ou lumière.

A nous catholiques de ne pas nous tromper de combat. Le but n’est certes pas de construire un camp des saints, mais bien une communauté politique. Mais prenons garde que le « cœur », au sens biblique de « fond de l’être » (Jr 31, 33), est « la racine des pensées » (Si 37, 17), et qu’à l’inverse, « l’endurcissement du cœur entraîne l’ignorance », c’est-à-dire aussi « la vanité de l’esprit et l’enténèbrement des pensées » (cf. Ep 4,18). Si nous ne voulons pas nous perdre dans toutes sortes de raisonnements vains, si nous entendons que notre réflexion politique, loin de tourner à vide, guide vraiment notre action, commençons par ne pas rester à la surface de notre être. Avant toutes choses, descendons une bonne fois en nous-mêmes pour y croiser le regard du Christ.

Bruno Verley

samedi 1 janvier 2011

"J'ai battu mon record..."

C'est en ces termes que l'abbé Berche - avec sa maman - nous accueille, ce 31 au soir, Laurent-Michel, Dominique, Nicolas et moi. Il a un visage heureux, et l'on devine, dans le gant de velour, la main de fer d'une volonté tendue vers le mieux. Son record ? Vingt mètres à pied. Après... un an de convalescence, puisque son accident est arrivé le 10 janvier dernier. Oh !Il a besoin d'un déambulateur et de beaucoup de précautions une chute signifierait une... véritable et dramatique rechute. Mais il est heureux de FAIRE SON POSSIBLE pour servir de nouveau l'Eglise de Dieu comme prêtre à votre service. Il pense à vous. Il prie pour nous. Et il s'efforce de dépasser les terribles limites que l'accident lui a imposées.

Sans forcément nous être donné le mot, nous étions quelques uns ce vendredi soir. Histoire qu'il ne soit pas seul en cette soirée de fête. L'Hôpital avait amélioré l'ordinaire, mais les paroissiens n'étaient pas en reste : Dominique avait apporté du champagne (un Roederer délicieux), Nicolas avait pourvu au solide (du saumon de grande qualité et un tiramisu à la fraise : chocolat interdit !). Seul le prêtre arrivait les mains vides. Evidemment !... Qu'importe ! La fête pouvait commencer. Intriguée, Christelle, l'infirmière de service a entrouvert la porte... Et elle s'est jointe à nous, avec un sourire qui en disait long sur son affection pour ses patients.

Sont-ce les bulles ? En tout cas, nous nous sommes mis à parler théologie avec la maman d'Alexandre, lui regardant la scène : heureux ! Et nous n'avons pas vu le temps passer. Le sourire d'Alexandre, sa simplicité, sa manière de ne jamais se plaindre, même quand il a mal, nous avait donné des ailes, et je crois qu'il était important pour nous aussi d'être autour de lui à ce moment-là.

Je ne vous donne pas de nouvelles régulièrement : il me semble que ce n'est pas la peine de suivre les péripéties de sa longue réadaptation. Mais une chose est sûre : Alexandre aime vos visites. Si vous passez par Garches, si vous avez juste à faire un saut, allez le voir, Pavillon Netter. Que vous l'ayez connu ou non, c'est une manière de nous rappeler à nous-mêmes que nous ne pouvons pas être chrétiens sans nous aimer les uns les autres.

En écrivant cela, je pense non seulement à Alexandre grièvement blessé et éprouvé dans sa chair, mais aussi à tous les chrétiens persécutés dans le monde. Au Nigéria, aux Philippines, l'islam radical a profité des fêtes de fin d'année pour frapper. En Egypte, à Alexandrie, un attentat commis aux abords immédiats de l'église des saints a fait 21 morts. Le pape Chenouda III a déclaré que si l'Etat ne donnait pas une protection aux chrétiens, ils ne pourraient pas fêter Noël (le 7 janvier chez eux) cette année et resteraient claquemurés dans leurs demeures.

Mardi 4 janvier, à 20 H 15, au Centre Saint Paul, Sobhy Gress, secrétaire général de l'association internationale Solidarité copte nous donnera une conférence sur l'attentat d'Alexandrie (dans lequel il a perdu des proches). Son objet ? Ce qui s'est vraiment passé. Les causes de cette situation terrible des chrétiens en Egypte. Les remèdes à y apporter. Nous chrétiens français, nous ne pouvons pas rester indifférents au malheur de nos frères du Proche Orient.