mardi 22 mars 2011

Douzième billet de Carême : mardi de la deuxième semaine

N'appelez personne Père... Ne vous faites appeler : Maître par personne...(Matth. 23, 10)

On peut facilement se tromper dans la compréhension de ces deux commandements du Christ, si on en juge en dehors du contexte de l'Evangile selon saint Matthieu, qui, en ce point, organise une terrible critique des Pharisiens : "Ils se tiennent sur la Chaire de Moïse (...) Ils lient de pesants fardeaux et les mettent sur les épaules des hommes, mais eux-mêmes se refusent à les remuer du bout du doigt".

Non le Christ n'a jamais voulu détourner du respect dû aux parents selon la chair, puisqu'il s'agit d'un commandement de Dieu, précisément le quatrième. Non le Christ n'a jamais cédé à je ne sais quel égalitarisme, au contraire ! Dans la parabole des talents par exemple, il souligne que certains ont reçu plus que d'autres, et qu'il n'y a aucune injustice à cela.

Ces deux commandements visent avant tout les Pharisiens qui siègent sur la chaire de Moïse et jouent aux Pères spirituels, en prescrivant ce qui est dû et en proscrivant ce qui est interdit, bref en jouant les guides et les chefs à tout va. Ils jouent les Pères, mais ils n'en sont pas, ne vous y trompez pas. Ils se font appeler Maître (rabbi, magistri), mais ils n'en sont pas. Le Christ est seul à enseigner "le chemin, la vérité et la vie" et il n'y a qu'un seul Christ.

Prenons ces deux points l'un après l'autre.

Quels sont ceux que nous devons appeler nos maîtres ? Il n'y en a pas d'autre que Jésus-Christ Et ceux que nous considérons comme des maîtres, c'est toujours et uniquement en tant que, d'une manière ou d'une autre, ils nous rapprochent de Jésus-Christ, en nous enseignant la Puissance de sa Parole.

Dès les premiers temps de l'Eglise, les chrétiens avaient tendance d'eux-mêmes à se rattacher à un Maître plutôt qu'à un autre. Saint Paul nous raconte le rififi qui anime l'Eglise de Corinthe : "Lorsque l'un vient dire à l'autre : 'Moi je suis pour Paul'. Et l'autre : 'Moi je suis pour Apollos', n'agissez-vous pas d'une manière tout humaine ? Qu'est-ce donc qu'Apollos ? Et qu'est-ce que Paul ? Des serviteurs, par le ministère de qui vous avez cru, selon la part que le Seigneur a donné à chacun" (I Cor, 3, 4-5).

De façon très émouvante, saint Paul souligne que ces fameux "maîtres" sont des serviteurs. Et le Christ dit la même chose, au même point dans l'Evangile de Matthieu : "Celui qui est le plus grand parmi vous sera votre serviteur" (Matth. 23, 11). Il ne s'agit pas de nier les grandeurs et les hiérarchies et d'inverser les places de Maître et de serviteurs, dans un absurde jeu de rôle. Non ! Celui qui est le plus grand, par le fait même de sa grandeur, et de l'autorité que cela lui confère, doit se reconnaître à lui-même comme un devoir de service plus urgent.

En tout état de cause, nous n'avons qu'un Maître : le Christ, qui est aussi d'ailleurs le serviteur des serviteurs de Dieu, celui "qui s'est fait obéissant jusqu'à la mort et la mort de la Croix". Comme cela simplifierait nos querelles si nous vivions, les uns et les autres - ceux qui commandent et ceux qui obéissent - dans cette unique conduite du Christ. Plus de clan ! Plus de chapelle ! Plus de comptes à rendre à tel ou tel féal par tels ou tels clients ! Plus de personnalisation du pouvoir ! La crise de l'Eglise est finie. Devant nous, quelle que soit la manière dont nous lui rendons notre hommage fidèle, il y a le Christ qui est "le chef de la foi" (Hebr. 12, 2), "le chef du salut" (Hebr. 2, 10) et "le chef de la vie" (Ac. 3, 15).

Résolution concrète pour aujourd'hui : exerçons nous à nous reconnaître "frère" de tous les chrétiens, sans forcément mettre en avant notre appartenance à telle ou telle chapelle. Non pas que cette appartenance ne soit pas légitime, mais jamais Paul ou Apollos ne se sont pris pour le Christ. Jamais un groupe, quel qu'il soit, même le plus officiel, même le plus "mandaté" ne pourra revendiquer le monopole dans l'Eglise. Non ! Que personne ne se fasse appeler : Maître !

Je suis trop long ? Arrêtez la lecture, si cela vous suffit pour aujourd'hui. Je continue pour demain ou un autre jour : "N'appelez personne : Père".

Il s'agit de pères spirituels comme nous l'indique tout le contexte du chapitre 23, qui nous entretient des Pharisiens. Voyez dans la Bible comment Elisée appelle Elie : "Père" (II Rois 2, 12). "Vous n'avez qu'un seul Père" dit le Christ au contraire, et c'est Celui que lui aussi il appelle Père. "Dieu est Celui de qui toute Paternité au Ciel et sur la terre tire son nom" (Eph.3, 15).

La paternité physique est infiniment respectable comme nous l'indique le 4ème commandement de Dieu : Tes pères et mères honorera... Mais enfin elle ne peut jamais signifier je ne sais quel asservissement spirituel. "Si quelqu'un vient à moi et qu'il ne hait pas son père, sa mère, sa femme, ses enfants, ses frères, ses soeurs, et même sa propre vie, il ne peut être mon disciple" (Lc 14, 26). Dans l'ordre spirituel, il est impossible de mettre quoi que ce soit au dessus de Dieu (ce que signifie l'hébraïsme "haïr"). La paternité de Dieu en effet s'étend non seulement à notre corps qu'il a créé, mais à notre âme, qui n'est à personne, qu'à Lui.

Pensons et prions pour tous ceux qui en ce moment se convertissent de l'islam : ils paraissent rejeter leur père terrestre et leur lignée. En fait, ils ont choisi comme un absolu cette Paternité de Dieu qui ne se trouve pas dans le Coran, mais bien dans l'Evangile. Combien le disent et en témoignent : maintenant nous nous sentons aimés de Dieu. Confidence de Zubir que j'ai baptisé il y a quelques années : maintenant que je sais que Dieu est Père, je sais comment je voudrais être avec mon fils qui vient de naître.

2 commentaires:

  1. reste que les chrétiens, c 'est qui ? Les sédévacantistes? la FSSPX? Ecclesia Dei, les centristes conciliaires, les progressistes conciliaires, les parpaillots, les orthodoxes... En qui reconnaître le "chrétien" .A quoi ?
    Je m'en tiens à "ceux qui sont persécutés en mon nom"! ce qui restreint évidemment les choses (puisqu'on ne sait même plus si les "martyrs" d'aujourd'hui le sont au nom du Christ ou au nom des droits de l'homme et tout le toutim ..Même BHL les récupère)...

    Il y a quinze ans, j'ai croisé par hasard un des mes aumôniers de lycée: je lui ai fait ce remerciement :vous, vous nous avez laissé libres pour Dieu, vous ne nous avez embrigadé dans aucune "action" , en aucun "centre" , en aucun mouvement, en aucune idéologie au nom...de Jésus ..
    C'est .....le seul ( sur des dizaines de "pères spirituels" de choc de l'époque ancienne)...

    Je dois être totalement déformé, mais j'ai toujours le sentiment que "la question" n'est jamais abordée ici ...qu'on donne pour l'évidence ce qui justement fait le plus question ..
    alors je prie l'Eglise triomphante de nous donner la Lumière, elle qui, du moins, est en toute certitude composée d'authentiques ..chrétiens !
    j'ai un peu progressé depuis quinze ans( je voulais alors me faire débaptiser, ne supportant pas les confusions savamment entretenues sur l'identité chrétienne)...mais guère.
    PArdon d'avoir pris tant de place ...égotique ...

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  2. Cher Anonyme, un Chrétien, ça peut être quelqu'un de tout-à-fait différent de vous.
    Dieu le Père s'est plu à créer l'Homme, certes à Son Image, mais en tout cas très divers.
    Ainsi trouverez-vous des Chrétiens partout, à droite...comme à gauche.
    Les saints martyrs de l'Ouganda, de Centrafrique, sont d'authentiques Chrétiens; un Maronite aussi ou un Gréco-Syriaque; un habitant de la Basse-Bretagne comme un saint Julien de Brioude (4è s.) de l'armée romaine;
    une grande Catherine de Sienne comme un petit Faustino espagnol, vénérable depuis peu mais n'ayant pas été persécuté.
    En fait, comme beaucoup d'entre nous ici, vous avez souffert de la confusion idéologique de l'après-68 et du fourvoiement de beaucoup de nos clercs...nous n'en sommes pas remis même si désormais certaines choses peuvent être dites mais il y a tellement de dégâts qu'on se sent perdus.
    TOUTEFOIS si on veut bien regarder avec espérance, on voit beaucoup de petits foyers de Lumière partout, notamment chez les jeunes, qui justement se moquent des cloisonnements dépassés Tradi/libéraux; droite/gauche, etc. Il y a tous ces mouvements, congrégations, écoles, pèlerinages, camps de vacances, aussi bien chez les Tradis que chez les Communautés "nouvelles". Tous font un travail remarquable : Les Frères de St Jean, les Béatitudes, les Foyers de Charité, les Communautés de Jérusalem, Béthléem, Paray-Le-Monial, la Fraternité St Pierre, le Christ-Roi, la communauté St Martin, sans parler des scouts d'Europe, St Georges ou autres, sans parler des mouvements laïcs engagés, pour la défense de la Vie par exemple (l'A.D.V.) ou pour les Handicapés (l'Arche) et tant et tant d'autres ! Quel exemple pour nous tous ! Ne sont-ils pas authentiques tous ? Ils avancent, voilà tout.
    Chez aucun je n'entends parler des Droits de l'Homme mais bien de Jésus-Christ.
    Alors joignez-vous à un de ces mouvements, celui dans lequel vous vous sentirez le mieux, ou bien zappez, comme font la plupart des jeunes et des moins jeunes d'ailleurs. Ils reconnaissent en chacun de ces groupes le même amour de Jésus-Christ et de l'Eglise mais avec des couleurs différentes. Certains sont plus "doctrine", d'autres plus "spi", d'autres plus "sociaux", bon, très bien, pourquoi vouloir que tout-le-monde se ressemble ?
    Et puis quand ils commencent à vous chauffer les oreilles avec leurs défauts exaspérants inhérents à ces qualités particulières, eh bien, allez voir les voisins d'en face, ou bien faîtes une retraite dans la solitude !
    Moi, ce qui m'a aidée à tenir toutes ces années, ce sont certains de ces mouvements, c'est aussi la lecture de "Famille Chrétienne", journal qui rend la vie plus gaie et donne plein d'adresses de camps, de stages, de sessions, retraites, conférences, dans la France entière, toujours au courant, toujours une ligne doctrinale parfaite et moderne dans sa conception et jeune d'esprit. Ça regonfle! (seul défaut mais LE SEUL: rarement parler des Tradis, quoi que ceux-ci, s'ils voulaient donner de leurs nouvelles, mettre des annonces, le pourraient parfaitement.) Radio-Notre-Dame m'a beaucoup aidée aussi à une époque, en tant que mère de famille nombreuse, en particulier le matin.
    Et puis on a tellement de revues, de sites formidables ! impossible de tout énumérer. Mais quelle richesse sur Internet ! Ce blog aussi nous aide à vivre. Alors de temps en temps j'envoie balader ma paroisse (sans abandonner les obligations que j'y ai: caté, groupe de prière), je vais me ressourcer au pélé de Chartres et je vais à une paroisse Tradi. Tout ce que la Tradition m'a donné, j'essaie de le faire passer dans ma pauvre paroisse ordinaire. c'est peut-être ça être authentique : faire de son mieux (comme les louveteaux).
    Merci à l'abbé de Tanoüarn pour ses lumières.
    Et à vous, Anonyme, merci d'avoir authentiquement laissé parler votre coeur.

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