samedi 9 juillet 2011

La route des oiseaux

Pour moi c'est la fin d'une petite semaine au bord de la Mer. Il pleut ? Qu'importe ! Vive la Bretagne, toujours vivifiante, c'est-à-dire tonique. En Bretagne il fait beau plusieurs fois par jour. Je plains de tout mon coeur ceux d'entre vous qui souffrent de la chaleur sur les "plages" méditerranéennes, alors qu'ils pourraient se refaire une santé au vent de l'Atlantique. Je ne suis pas objectif ? Peut-être. Nos récréations n'ont rien de scientifique ni d'objectif ; elles doivent être essentiellement subjectives, personnelles. Surtout foin du mimétisme moutonnier, qui caractérise trop souvent les Français en vacances. Chacun les siennes ! Je vous donne donc mes recettes, quitte à ce que vous me laissiez les vôtres, dans le dialogue qui suit.

Je ne voulais pas quitter la Presqu'île de Guérande, sans avoir fait une fois "la route des oiseaux" qui est aussi, entre La Turballe, Saillé, le Bourg de Batz (aujourd'hui Batz sur Mer) et Guérande, la route des Marais salants. On y constate d'abord l'éclatante santé dont jouissent ces Marais, où travaillent, avec les vieux paludiers, quantité de jeunes, heureux de vivre au rythme de la nature, entre l'eau et le ciel. La mode des produits bio a sauvé la production artisanale du sel de Guérande. Mais il n'y a pas que le bio ! La fleur de sel (mince couche de sel fin qui se forme à la surface de l'eau par temps chaud) est une merveille culinaire : un simple steak à la fleur de sel devient un must. Une tomate se met à craquer sous la dent. Vous ne connaissez pas ? Essayez ! Rien à voir ni avec les soi-disant sels de mer sous emballage, ni même avec le gros sel. C'est juste spécial. Simple et sublime.

Mais ce qui m'attire par dessus tout sur cette route, ce sont les oiseaux en tout genre qui utilisent le biotope extraordinaire qu'est le Marais, ses animalcules, son plancton, ses micro-éléments en tout genre pour se nourrir. Quelle hymne à la création ! On a l'impression que le bon Dieu a un modèle, prenons l'échassier par exemple, du héron cendré au chevalier gambette, de l'aigrette à la grèbe, huppée ou pas : l'échassier ne se salit pas les plumes mais il est sans cesse dans la vase, plus ou moins près de l'eau. On a l'impression, comme le pensait déjà Platon, que Dieu a une idée et qu'il la décline indéfiniment en utilisant toutes sortes de variantes, dans toutes les gammes possibles. C'est quelque chose d'extraordinaire ! Moi qui ne connaît rien aux oiseaux (mais rien !), je suis sensible à cette ingéniosité jamais prise en défaut, et je ne vois pas comment on pourrait ne pas l'être. Il suffit de regarder !

Les preuves de Dieu, ce n'est pas un raisonnement, sauf lorsque l'austère Thomas d'Aquin utilise les concepts aristotéliciens ou néo-platoniciens. Au commencement de la preuve, il y a le regard. Savoir regarder et ne pas se contenter de voir. Reconnaître que tout ressemble à tout et que rien ne ressemble à rien.

Cela marche même sur une seule vue, sur un seul regard, sur un seul oiseau. Un même oiseau est indéfiniment différent de lui-même. Autre sa beauté (son élégance) lorsqu'il vole, autre lorsqu'il se pose, autre lorsqu'il pêche etc. C'est magique ? Non, c'est divin. Qu'est-ce que Dieu ? L'autre. Non pas d'une altérité méprisante, mais au contraire d'une altérité qui ressemble à tout, d'une altérité indéfiniment accessible, à portée de main. Ou même comme l'a dit une fois Bernanos, "à la merci des passants". Dieu est la semblance de toutes les ressemblances. Selon la formule aristotélicienne de l’analogie, il est "autre dans les choses autres" et toujours identique à lui-même. Infiniment simple et toujours un autre.

Quel spectacle au Ciel, lorsque l'on accepte de regarder celui qui nous est offert sur la terre ! Oui, quel spectacle sur la route des oiseaux ! On vous klaxonne ? Soyez patient pour deux, cela en vaut la peine.

8 commentaires:

  1. Eh bien l'abbé! On ne vous savait pas si lyrique! Vous devriez être candidat à la régénération de l'ordre des frères mineurs tel que l'appelle de ses voeux Jean Bastaire, depuis si lontemps et en vain pour l'instant. Un petit flirt avec la preuve "physico-théologique" des philosophes de la religion naturelle, ce me semble également; pas plus probante que les autres si l'on en croit Kant, grand maître es "limites de la simple raison" mais tellement belle, qui nous parle aux sens et au coeur.

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  2. C'est tout simplement un chant de louange à la gloire de Dieu et en effet, "Comment ne pas te louer, Seigneur Jésus ? Quand je regarde autour de moi, je vois ta gloire, Seigneur Jésus, merci pour elle ! Comment ne pas te louer, Seigneur Jésus ? Quand je regarde autour de moi, je vois mes frères, Seigneur Jésus merci pour eux ! comment ne pas te louer, Seigneur Jésus ?"
    "Grandes et merveilleuses sont toutes tes oeuvres O Seigneur Notre Dieu Tout-Puissant !
    Juste et véritable dans toute ta volonté, Toi le Roi éternel ! Qui sur la terre et dans le ciel est semblable à Toi ? Tu règnes sur tout l'univers, Dieu d'Israël. Un jour devant toi tout genou fléchira, toute langue te bénira. Alleluia Alleluia Alleluia !"
    Oui quittons pour les vacances le langage de la raison raisonnante et raisonneuse, laissons les preuves et les examens sévères qui font de nous des juges à la place de Dieu, seul "juste et véritable", pauvres moineaux que nous sommes ! (d'ailleurs, s'agit-il bien de "preuves" chez st Thomas d'Aquin ou bien plutôt de "voies" pour trouver Dieu ? dont celles effectivement qui consiste à observer la nature qui nous entoure et à y constater la marque divine ?)
    Et passons à la louange joyeuse et vibrante, vivante.
    (Voyez-vous dans le Midi, il y a une brûlure qui parle aussi de l'amour de Dieu, celui qui dépouille et qui consume).

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  3. Il y a quelque chose de Bonaventure dans ce beau billet !

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  4. Monsieur l'abbé, le pays que vous décrivez si justement avec tant de délectation n'est-il pas celui dans lequel s'est aventuré avec Francis Bergeron le Clan des Bordesoule pour percer le Secret de la grotte des Korrigans ? Merci, en tout cas, pour ce beau billet à la gloire de Dieu dont la Création tous les jours m'émerveille. Je ne pars jamais en villégiature, mais j'ai la chance d'être toujours en vacances, sur le plateau de Saclay, entre vallée de Bièvres et vallée de Chevreuse, et je suis depuis une bonne dizaine d'années particulièrement sensible à la beauté de la nature. Ce que vous dites des oiseaux peut s'appliquer aux arbres et aux plantes en constante évolution, de la graine qui germe au fruit en passant par la fleur, aux nuages aussi ; même les nuages peuvent nous faire rêver.
    "Savoir regarder et ne pas se contenter de voir." dites-vous. Mais cela aussi nous est donné par Dieu, qui ouvre nos papilles pour nous faire apprécier la fleur de sel, mais qui ouvre aussi nos yeux, ouvre nos oreilles, ouvre notre coeur, libère notre intelligence...

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  5. Amen ! Merci Monsieur l'Abbé !
    Lettre de saint Paul Apôtre aux Romains 8,18-23 (lecture de ce dimanche, extrait) "La création aspire de toutes ses forces à voir cette révélation des fils de Dieu.
    Car la création a été livrée au pouvoir du néant, non parce qu'elle l'a voulu, mais à cause de celui qui l'a livrée à ce pouvoir. Pourtant, elle a gardé l'espérance
    d'être, elle aussi, libérée de l'esclavage, de la dégradation inévitable, pour connaître la liberté, la gloire des enfants de Dieu.
    Nous le savons bien, la création tout entière crie sa souffrance, elle passe par les douleurs d'un enfantement qui dure encore."

    Le premier commentateur a cité Jean Bastaire, dont je ne peux que recommander la lecture.
    En voilà un extrait : http://www.cairn.info/revue-etudes-2005-9-page-203.htm

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  6. N'est-ce pas ça aussi la contemplation ?
    Moi, j'aime à regarder les nuages qui évoluent dans le ciel, se modifient au gré de l'air. Être allongé sur le sol et n'avoir pour horizon que le ciel changeant... C'est un peu comme regarder le ciel étoilé. Il n'y a rien de vivant et pourtant ça hurle la gloire de Dieu. Alors je comprends très bien votre regard sur les oiseaux.
    Bon été, mon père.
    Clément d'Aubier (pseudo de rêverie)

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  7. Oh oui! Cher Monsieur l'abbé! Comme vos lecteurs ont raison! Comme vous parlez merveilleusement de votre Bretagne, de Dame Nature et de nos amis les oiseaux, que vous connaissez aussi bien que la philosophie d'Aristote et celle de Platon, toujours prêt à nous y embarquer, pour nous faire faire un petit galop d'essai, en votre compagnie, entre promesses du Ciel et mystères du quotidien.

    L'autre jour, en bas de Saint-Germain-L'Auxerrois, je pensais à votre si poétique billet de vacances, si attentionné pour vos lectrices et lecteurs du Métablog, en admirant un couple de canards colvert, des plus communs en bord de Seîne pourtant mais si beau à regarder barboter, et s'ébrouer, la femelle plus belle que le mâle encore, quoique de teintes plus ternes mais combien merveilleuses, dans une palette presque infinie de beîge et d'ocre, délicatement soulignée par des liserais de mousse blanche.

    Seul petit correctif, vous ne m'en voudrez pas, n'est-ce pas! plutôt qu'un steak à la fleur de sel (de votre cher Guérande) soit-il un must, je lui préfèrerais un steak de saumon, devenant presque exclusivement végétarien, tant la mise à mort de nos amis à quatre pattes, me devient avec le temps, de plus en plus insupportable!

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  8. Pour Guérande et sa presqu'île je recommande plutôt les descriptions de Balzac dans Béatrix.
    L'auteur a dormi dans une maison proche du Presbytère et de la Collégiale.

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