jeudi 29 septembre 2011

Métablog fait un Mégabuzz sur la Porte Latine

J'aurais fait un mégabug dit l'abbé Patrick de La Rocque de la FSSPX. "Énorme bourde"? "L'affaire est en tout cas lourde de sens" explique-t-il d'emblée, sans présenter la moindre preuve à l'appui... J'avoue que je n'ai spontanément aucun goût pour le pilpoul théologique. Mais on me signale ce texte de l'abbé de La Rocque, en réponse à la réfutation du texte de l'abbé de Cacqueray paru il y a trois semaines sur ce blog (12 septembre). Ne disposant pas moi même d'un si long temps pour y répondre, je m'exécute immédiatement, n'ayant qu'un regret, c'est que ces pinaillages théologiques fassent passer au second plan notre projet de commémoration de la naissance de Jeanne d'Arc. Je cède aux arguties et délaisse un moment cette évidence chrétienne, qui animait la sainte et qui doit nous animer, nous, si nous voulons réussir notre vie, c'est-à-dire être des saints. Je vous renvoie donc en priorité au texte qui précède et dont vous retrouverez des résonances sur ce Blog tout au long de l'année.

Dans le texte publié le 12 septembre et intitulé Assise III : ceux qui crient avant d'avoir mal, je donnais entre autres une liste de cinq précautions prises par Benoît XVI pour que Assise III ne ressemble pas à Assise I. Vos lecteurs n'en sauront rien... Au lieu de me suivre dans l'interprétation claire et non forcée que je donne des paroles de Benoît XVI, vous voulez tirer de mes propos une doctrine de l'abbé de Tanoüarn sur les religions non chrétiennes. Le deal est ambitieux. A mon avis excessif. Mais enfin soit... Vous picorez à droite et à gauche pour reconstituer cette doctrine en... trois points (Aïe !).

Premier point : vous m'accusez de subjectivisme parce que j'aurais prétendu que le sentiment religieux de l'homme suffit à établir la présence d'une vertu de religion. Mais je n'ai jamais dit cela.

Vous donnez pour preuve de votre position une référence précise à saint Thomas : Somme théologique IIaIIae Q. 81 a3. Référence sans citation. La citation que vous ne donnez pas à l'appui de vos accusations, la voilà. Le corpus de l'article est tellement court que je peux le donner ici : "L'objet de la religion, c'est de rendre honneur au Dieu unique, sous cette raison unique qu'il est le principe premier de la création et du gouvernement du monde". Il me semble que loin de dénoncer avec vous mon prétendu "sophisme" subjectiviste, saint Thomas, invoqué par vous pourtant, va bien dans mon sens. Pour lui, la vertu de religion est une vertu naturelle, qui provient de la vénération que l'on a pour le Dieu créateur et providence, c'est-à-dire pour le Dieu accessible à la raison humaine, adoré par tous les hommes, ainsi que le répète Vatican I, et non pas d'abord pour le Dieu qui, historiquement s'est révélé en Jésus Christ comme le sauveur des hommes.

Vous m'accusez de "subjectivisme". Il n'y en a que dans votre tête. la vertu naturelle de religion, chez saint Thomas, est une relation entre l'homme et Dieu. Ce Dieu est le vrai Dieu, du moment qu'on le reconnaît, selon les pouvoirs de la raison humaine, comme créateur et providence. Tertullien explique par exemple : "Que vous le vouliez ou non, notre Dieu est le Dieu de tous les hommes. L'univers lui appartient" (Apologétique 24).

Deuxième point : vous m'accusez de "séparer l'ordre de la nature et l'ordre de la grâce ce qui est inacceptable" et vous avancez : "in concreto, chaque homme est placé dans un contexte surnaturel". Vous allez vite en besogne ! Jusqu'à l'hérésie ? C'est à voir.

Il est vrai qu'existentiellement chaque homme se trouve lancé sur le chemin de son salut. Mais cela ne signifie pas que sa nature ait disparu et ne doive plus être prise en considération. Seuls les gnostiques, pour lesquels la nature est mauvaise puisque matérielle) et les baïanistes (pour lesquels la nature est toujours pécheresse) ont pu soutenir cela. Comme le dit Cajétan, formulant admirablement l'orthodoxie catholique, actuellement, il y a une vérité de l'essence et une vérité de l'existence.
Vérité de l'existence ? Cette grâce suffisante donnée à chaque homme pour qu'il puisse se sauver, le plus souvent d'une manière que Dieu seul connaît. Cette grâce correspond à la vocation de chacun.
Vérité de l'essence ? Ce sont tous ces actes foncièrement naturels, ces actes de "la chair" (comprenez ces actes humains, trop humains) qui s'opposent à l'esprit (divin), ou qui, sans s'opposer à l'esprit de manière explicite, ne peuvent permettre de s'élever jusqu'à lui.
Dans cette dernière catégorie, je pose non pas tous les actes de la religion naturelle (car il existe un vice de religion et beaucoup de ces actes en dépendent : sacrifices humains etc.), mais au moins ceux que les hommes posent avec un coeur droit. Ce faisant, ils ne peuvent pas prétendre mériter leur salut, parce que les hommages qu'ils adressent à Dieu n'ont pas une valeur infinie. Ce sont des hommages purement humains. Ces actes naturels de religion ne sont donc pas méritoires pour le salut, mais, cela n'empêche, ils ne sont pas essentiellement mauvais, ils sont naturellement bons, et ils peuvent même avoir, vis-à-vis de la Miséricorde de Dieu, une valeur dispositive, qu'un Bon Pasteur pourra d'ailleurs discerner au cas par cas.

Sur ce point des rapports nature/grâce, vous avez des circonstances atténuantes, car les théologiens se sont souvent embourbés dans ces questions. Mais je suis surpris de constater que vous retrouvez les angles morts de la pensée du Père de Lubac et jusqu'au ton avec lequel il stigmatise sans cesse la "séparation" inacceptable des deux ordres. Quel paradoxe sous votre plume traditionaliste de retrouver ce ton ! Ce sont les avatars du baïanisme et de toutes les "antiphysies" que de nous balader d'un extrême à l'autre sans ancrage, de la négation de la nature [pseudosupernaturalismus disait le Père Garrigou] à la négation de la grâce et de la surnature [vrai naturalisme dirais-je].
Dans son livre testament, Mémoire et identité, Jean Paul II nous recommande, lui, de ne pas oublier la "nature", à laquelle on a fait si mauvaise presse depuis le Concile. En tant que thomiste, vous finirez par y venir, j'en suis sûr ! Et alors plongez-vous dans Cajétan. Je sais : ni Maurice Blondel, ni Lubac ne l'ont en haute estime. Mais il vous donne les instruments fins d'une ontologie respectueuse de la dualité fondamentale de tout sujet humain, à la fois essence et existence, nature et surnature, et se concevant comme une personne dans cette dualité non surmontable, qui fait notre statut de créature.

Et il y a un troisième point... Ce troisième point de votre critique vous inquiète, dites-vous... en m'assénant un passage de Mortalium animos, l'encyclique bien connu de Pie XI, passage auquel j'adhère sans aucun problème. Votre inquiétude repose en réalité sur la confusion que vous faites constamment dans votre papier entre les religions et les personnes, entre l'islam et les musulmans par exemple.

Benoît XVI répète à satiété que toutes les religions ne se valent pas. On a mis au pilon récemment 100 000 exemplaires de Youcat, parce qu'une "coquille" s'y était glissée, affirmant l'équivalence des religions. Le pape ne herche pas à rencontrer des religions (il ne vous a pas échappé que Benoît XVI avait même tenté de supprimé le secrétariat pour le dialogue interreligieux). Ceux qu'ils invitent sont des personnes, qui, d'ailleurs, en vertu de vos propres principes, se trouvent ordonnés à l'Eglise catholique, puisqu'ils sont comme nous tous, volens nolens, sur le chemin du salut ou de la damnation.

Dans votre premier point, vous faisiez déjà cette confusion "lourde de sens" dirais-je pour reprendre votre langage, entre les religions et les religieux. je vous cite : "Comment l'abbé de T. peut-il laisser entendre que les religions convoquées par Benoît XVI répondent à la définition de la religion naturelle?" Ce n'est pas ce que j'ai expliqué. J'ai simplement dit que Benoît XVI, au nom d'un pouvoir spirituel mondial, qui a quelque chose de maurrassien ou de comtien, entendait rappeler aux religieux, présents pour Assise III, le caractère normatif de la vertu naturelle de religion, au moins sous l'angle de la paix qu'elle doit promouvoir entre les hommes. Il ne s'agit pas, ni pour le pape ni pour moi, de dire que les religions "vérifient la définition de la religion naturelle". Bien sûr que non ! Le bouddhisme par exemple n'a pas une conception claire de Dieu... il n'est pas question de dire qu'il "vérifie la définition de la religion naturelle". Et on pourrait multiplier les exemples.

Patrick, vraiment là, où vous ne comprenez rien, ou vous voulez vraiment me faire passer pour un âne. Je dis simplement que le pape, en tant que souverain spirituel de l'humanité de facto a un rôle à jouer dans la pacification religieuse du monde, un rôle auprès des personnes, faisant appel à la vertu naturelle de religion qui est dans leur coeur, pour que cessent les guerres religieuses, guerre de l'islamisme contre le monde libre, guerre des Hindouistes contre les autres religions dans leur propre pays etc.

Il me semble avoir répondu clairement à votre mise en cause. Je vous reproche une fausse accusation de subjectivisme et une fausse référence à Thomas pour l'appuyer ; une théologie approximative de la nature et de la grâce, avec risque de pseudosupernaturalismus ; et enfin une confusion très dommageable entre les religions et les religieux, l'islam et les musulmans par exemple. Je suis tout à fait près à un débat public avec vous, au Centre Saint Paul ou ailleurs, à Nantes pourquoi pas, j'y ai d'excellents amis que je salue : à votre convenance nous pourrions nous retrouver sur ces sujets difficiles. Il me semble que la vérité n'avance pas masquée, qu'elle n'a pas besoin de se cacher dans des cénacles et qu'en un mot, comme dirait Pascal, "jamais les saints ne se sont tus". Quod in aure auditis, praedicate super tecta ! Dans cette discussion, nous pourrions contribuer à une critique constructive du Concile, ainsi que certainement le préambule doctrinal vous en donne le droit et nous préparerions l'avenir de cette Église que nous aimons, l'avenir qui n'est certainement pas Vatican II.

Vous parlez - c'est un peu mélo - de "ces confrères que nous avons aimés", comme si ce sentiment d'estime devait se conjuguer au passé. Quant à moi Patrick, je vous le dis, avec le seul bénéfice de l'âge : je vous ai eu comme élève en philosophie à l’École saint-Michel. Vous aviez déjà ce brio et cette audace qui sont les vôtres aujourd'hui. Vous êtes un bon combattant ! Acceptez de rentrer vraiment dans le débat théologique et vous verrez que Vatican II, texte flou, long, ambigu, est derrière nous et que, selon l'appel de Benoît XVI au n°19 de Spe salvi, l'essentiel aujourd'hui est de revenir au ressort profond de la foi, qui doit sauver non pas une chapelle crispée sur des thématiques mal verrouillées, mais tous les hommes de bonne volonté. C'est à cette tâche et à rien moins que nous conduit notre sacerdoce. Je vous le dis avec toute mon amitié.

Comment vivre 2012 avec Jeanne

Le MetaBlog reprend ce texte paru dans Monde&Vie

Chaque année qui vient nous réserve son lot de commémoration. Cela finit par devenir lassant. Mais en 2012, il y a un anniversaire que l’on n’a pas le droit de manquer, c’est le sixième centenaire de la naissance de Jeanne d’Arc. Ils l’ont brûlée vive, mais elle parle encore !
Irène Saint-Georges : L’association Avec Jeanne, dont vous êtes le porte parole, s’est donné pour but de rassembler les Français pour prier, réfléchir et s’engager avec Jeanne d’Arc, pouvez-vous nous la présenter?
Abbé Guillaume de Tanoüarn: 2012 sera une année politique. L’élection présidentielle en avril prochain polarise déjà l’attention et cache – comme un train peut en cacher un autre – les élections législatives qui suivront. A l’heure où la mondialisation est en crise, où les technostructures mises en place par une super-classe mondiale craquent de toutes parts, il est important que les Français puissent se recentrer sur ce qui est leur essentiel en tant que Français : la France. On a beaucoup glosé sur le slogan «la France pour tous». Il faudrait envisager l’attitude opposée: comment peut on tous s’unir… pour la France.  Les querelles inexpiables entre la droite et la gauche s’estompent, mais les Français sont loin de s’être réconciliés avec eux-mêmes. C’est que l’unité d’une nation ne s’effectue pas par un partage plus ou moins avantageux du gâteau commun, mais par la prise en compte collective d’un héritage commun. Il y a, au long de l’histoire de France, non seulement des journées qui ont fait la France, mais des hommes et des femmes qui ont incarné cette construction historique. Et parmi ces hommes et ces femmes, Jeanne d’Arc a une importance toute particulière. Or nous célébrons justement le 6 janvier 2012 le sixième centenaire de la naissance de cette petite paysanne, envoyée par Dieu dans la grande Pitié du Royaume de France. Un tel anniversaire, en de telles circonstances, cela ne se rate pas. Nous avons donc créé, sous la présidence d’Eric Letty, par ailleurs directeur de la rédaction de Monde et Vie, une association Loi 1901, l’association Avec Jeanne pour célébrer à notre manière cet événement.
ISG: Il existe déjà des défilés annuels ainsi que des messes en l’honneur de Jeanne d’Arc, n’est-ce pas suffisant?
GT: Pour marquer cet anniversaire, il ne faut pas céder à la «commémorationite» et se contenter de faire de l’histoire, comme si les faits, par ailleurs amplement documentés, qui constituent la geste de Jeanne d’Arc, étaient prescrits et ne nous concernaient plus que de loin, comme ces «faits historiques», dont on se contente de regarder le déroulement brillant ou noir dans le grand manège du temps. Rien de tel dans cette aventure! L’intervention de Dieu – à travers Jeanne – dans l’histoire de la France est une donnée immédiate, une donnée permanente de la conscience française. Cela est vrai d’ailleurs que l’on soit chrétien ou pas!

Pour marquer cet anniversaire, il ne suffit pas non plus de défiler, de discourir ou de pétitionner. Jeanne n’appartient à aucun parti. En ce sens sa vérité est universelle, en grec on dit : catholique. Son histoire est notre histoire et notre bien commun. Cette très jeune femme, morte à 19 ans après deux ans de campagne militaire, représente par sa destinée fulgurante tous les Français qui s’en réclament.
ISG: Que proposez-vous?
GT: Ce que nous proposons? Tout de suite, un site Internet pour mieux connaître la figure de Jeanne et donner un carnet des principales manifestations en son honneur. L’information est fondamentale dans ce domaine – l’histoire de Jeanne – où le révisionnisme, à base d’antichristianisme, a particulièrement sévi. Par ailleurs, dès la fin de cette année, nous voulons lancer plusieurs colloques de réflexion et de rencontre autour de Jeanne, pour faire mieux connaître l’élan qui l’a animée, en en prolongeant le mouvement jusqu’à nos jours. Si «l’histoire, parce qu’elle ne traite que du passé, est cette petite science conjecturale» dont parlait Renan, l’histoire de Jeanne peut encore se conjuguer au présent, autour de thématiques qui jaillissent aujourd’hui comme hier de l’évidence chrétienne. C’est ce que Benoît XVI a appelé récemment «le témoignage lumineux de Jeanne d’Arc». Nous parlerons sans peur, avec Jeanne, avec sa simplicité et sa franchise sans détour, de l’identité française, de l’héroïsme chrétien, du féminisme chrétien ou encore de l’immense trésor de culture que l’aventure johannique a inspiré jusqu’à nos jours. Cette veine n’est pas tarie; un film est en préparation sur Jeanne en prison. Nous voulons aussi nous retrouver dans des voyages sur les hauts-lieux de son combat. Et nous travaillons sur un projet éditorial pour garder trace de ce millésime exceptionnel.
ISG: Nous sommes en période de crise. Morale, politique, financière. En quoi Sainte Jeanne d’Arc peut nous aider dans cette traversée du désert?
GT: J’appellerais volontiers Jeanne d’Arc la Sainte de toutes nos crises. Elle démontre ce que peut faire une personne investie de l’esprit divin lorsque toutes les structures craquent, lorsque l’anarchie s’étale, lorsque chacun ne semble préoccupé que de lui-même, et cela alors même que ni son sexe ni son âge ni sa formation, ni son niveau social ne semblait la prédestiner au rôle politique qui fut le sien dans la France du XVe siècle. En cela, dans le prodigieux et l’harmonieux développement de sa personnalité au service de tous, elle a donné à chacun jusqu’aujourd’hui une leçon qui n’a pas fini de faire rêver les plus entreprenants d’entre nous. Elle a su prendre par la main la petite fille espérance dont parlait Charles Péguy. Encore aujourd’hui, face à tous les grincheux et à tous les hargneux, méditer avec Jeanne, c’est sentir s’éveiller en soi l’espérance. Mais ne peignons pas ce tableau trop en rose! Le plus touchant, Bernanos l’a bien vu, c’est que jamais elle ne donne l’impression d’être juste une superwoman, qui gagne à tous les coups. D’ailleurs durant le terrible procès de Rouen, à force d’interrogatoires, elle craque, dit ce que l’on veut qu’elle dise, reconnaît tout ce que ses accusateurs ecclésiastiques veulent qu’elle reconnaisse… Elle est elle-même en crise. Puis elle se reprend, revient à ses voix, retrouve son Conseil et finalement défie ses juges. Mais ce défi ne va pas de soi. Jeanne n’est ni une fanatique, ni une sainte de carton pâte. C’est une Française de 19 ans, fière de son roi, sûre de sa foi et qui n’a, par ailleurs, aucun goût pour la souffrance. Ce n’est pas un hasard si le sensible Jean Anouilh, dans L’alouette, imagine une Jeanne qui ne meurt pas. En réalité son histoire, qui témoigne de l’amour de Dieu pour les Français, n’est jamais finie. Nous voudrions comprendre comment elle continue par nous.
ISG: Comment peut-on vous aider?
GT: C’est la question cruciale. Pour que nous puissions entreprendre pour Jeanne, il faut que nous soyons soutenus. Je l’ai expérimenté depuis quelques semaines: fréquenter Jeanne, c’est l’aimer. Si vous voulez vivre cette année 2012 avec Jeanne, sur le plan spirituel, sur le plan de l’amitié chrétienne, sur le plan culturel… vous pouvez adhérer à l’association « Avec Jeanne », selon les barèmes proposés dans l’encadré ci-dessous. En tout état de cause, votre carte de membre vous ouvrira droit à 50 % de réduction dans les colloques que nous organiserons. Et puis nous avons quelques idées encore que nous vous dévoilerons au fil de cette année.

Jeanne d’Arc par Benoît XVI

L’un des aspects les plus originaux de la sainteté de cette jeune fille est précisément ce lien entre l’expérience mystique et la mission politique. Après les années de vie cachée et de maturation intérieure s’ensuivent deux brèves, mais intenses années de sa vie publique: une année d’action et une année de passion.
(…)
A la différence des saints théologiens qui avaient illuminé l’université de Paris, comme saint Bonaventure, saint Thomas d’Aquin et le bienheureux Duns Scot, dont j’ai parlé dans plusieurs catéchèses, ses juges sont des théologiens auxquels manquent la charité et l’humilité pour voir chez cette jeune femme l’action de Dieu. Les paroles de Jésus viennent à l’esprit, selon lesquelles les mystères de Dieu sont révélés à qui possède le cœur des tout-petits, alors qu’ils restent cachés aux sages et aux savants qui n’ont pas d’humilité (cf. Lc 10, 21). Ainsi, les juges de Jeanne sont radicalement incapables de la comprendre, de voir la beauté de son âme : ils ne savaient pas qu’ils condamnaient une sainte.
(…)
Le Nom de Jésus invoqué par notre sainte jusqu’aux derniers instants de sa vie terrestre, était comme le souffle incessant de son âme, comme le battement de son cœur, le centre de toute sa vie. Le «Mystère de la charité de Jeanne d’Arc», qui avait tant fasciné le poète Charles Péguy, est cet amour total pour Jésus, et pour son prochain en Jésus et pour Jésus. Cette sainte avait compris que l’Amour embrasse toute la réalité de Dieu et de l’homme, du ciel et de la terre, de l’Eglise et du monde. Jésus est toujours à la première place dans sa vie, selon sa belle expression : «Notre Seigneur premier servi».
(…)
Avec son témoignage lumineux, sainte Jeanne d’Arc nous invite à un haut degré de la vie chrétienne : faire de la prière le fil conducteur de nos journées; avoir pleinement confiance en accomplissant la volonté de Dieu, quelle qu’elle soit ; vivre la charité sans favoritismes, sans limite et en puisant, comme elle, dans l’Amour de Jésus un profond amour pour l’Eglise.
(…)
Que le témoignage lumineux de sainte Jeanne d’Arc, patronne secondaire de la France avec sainte Thérèse de Lisieux, soit un appel à aimer le Christ et à vous engager, avec foi et détermination, au service des autres dans la charité.

Extraits de l’audience générale du mercredi 26 janvier 2011.

« La vraie fin de l’histoire de Jeanne, la vraie fin qui finit bien, celle qu’on se redira toujours quand on aura oublié ou confondu tous nos noms, ce n’est pas dans sa misère de bête traquée à Rouen, c’est l’alouette en plein ciel, c’est Jeanne à Reims dans toute sa gloire… la vraie fin de l’histoire de Jeanne est joyeuse. Jeanne d’Arc c’est une histoire qui n’en finira plus ! ».
L’Alouette de Jean Anouilh

Plusieurs formules d’adhésion sont proposées : 15€ (moins de 15 ans), 30€ (simple), 50€ (foyer), 100€ (soutien), 150€ (bienfaiteur). On adhère en envoyant ses coordonnées (nom, prénom, adresse complète) à:
AVEC JEANNE
C/O Monde et Vie
23 avenue Rapp
75007 PARIS
06 75 84 88 63
Les chèques sont à libeller à l’ordre d’«Asso AVEC JEANNE».

mercredi 28 septembre 2011

Mieux que l’obéissance : Faire confiance à son évêque

Chacun remue ce qu’il peut! sur un forum catholique, le pseudo Grèzes entend montrer que la FSSPX serait «en contradiction avec la Tradition de l'Eglise». Il cite en appui une lettre du Cardinal Hoyos, reprochant notamment des «manques de charité» de la part de la FSSPX – Son Éminence cite comme exemple un texte de… l’abbé de Tanoüarn, qui écrivait que «le récent message du cardinal Sodano aux pèlerins de Paris à Chartres insiste deux fois en dix lignes sur l’obéissance aux évêques, sur la nécessaire docilité des catholiques traditionalistes à l’égard de leurs persécuteurs de 30 ans. Pour ceux qui s’imaginaient que Rome ouvrait grand ses bras, c’est un camouflet. Un de plus.»

Ce que ne cite pas Grèzes, c’est l’adresse de cette lettre («Cher Frère dans le Seigneur») ni sa formule finale («je vous reste uni et dévoué») ni sa date: 5 avril 2002 – les propos de l’abbé datant d’il y a plus de 10 ans. Mais peu importe: la question que je me suis posée en relisant ce texte, c’est : Comment des gens intelligents et de bonne volonté, ayant a priori les mêmes bases et le même but, peuvent-ils s’opposer autant alors même que leurs points de vue respectifs sont légitimes? – J’ai réfléchi, et je me suis dit que:

1. Il est perceptible en 2011 que Rome «ouvre grand ses bras», et ce depuis un certain temps. Pour autant, pouvait-on le savoir dès le départ? Permettez-moi une analogie: vous êtes à la campagne, un point apparaît à l’horizon. C’est votre vieil ami mais vous ne le reconnaitrez pas avant qu’il ne s’approche un peu… ou beaucoup. Cela varie d’une personne l’autre, selon la qualité des yeux (et l’état d’esprit) de chacun. Certains le reconnaitront à 600 mètres (bravo!), d’autres à 200, d’autres à 50 mètres. Quand il sera à 10 mètres, la plupart des gens auront reconnu le vieil ami – mais pas tous. Il est pourtant présent dans le paysage depuis le départ, mais vous ne pouviez le reconnaitre avant qu'il se soit approché – à 600, 200, 50 ou 10 mètres.

2. Reste la question des évêques. L’abbé de Tanoüarn ne peut pas (en 2001) constater autre chose qu’une certaine discrépance entre l’attitude de l’épiscopat d’une part, et de l’autre l’idée que Rome «ouvr[irait] grand ses bras» aux traditionalistes. Il en conclut (à tort, puisque dans les conditions de l’époque) qu’il n’y a pas d’ouverture.
Mais le cardinal Hoyos de son côté choisit de fermer l’œil sur le constat («évêques … persécuteurs de 30 ans») – et les propos de l’abbé sont effectivement «pas très respectueux»… une fois privés de leur objet. Sauf à se mettre tout le monde à dos, le cardinal Hoyos pouvait-il faire autrement que d’ignorer la partie sur l’épiscopat?
Qu’on me permette une anecdote personnelle – j’avais écrit à mon évêque, dans les dernières années du 20ème siècle. J’avais pensé malin de formuler ma demande dans les termes les plus neutres, demandant «quelle est la valeur des messes célébrées par les prêtres de la Fraternité Saint Pie X?». La réponse avait été rapide, crayonnée au dos de mon courrier froissé: «Quand on va à St Nicolas du Chardonnet on prend ses responsabilités. Vous êtes excommunié. Salutations». Un peu sceptique j’avais écrit à la Commission Ecclesia Dei pour lui demander de confirmer – ou d’informer? Mgr Perl m’avait répondu (outre la mise en garde contre les dangers de schisme et le rappel du motu proprio de 1988) «Faites confiance à votre évêque ; effectivement vous n’êtes pas excommunié, seuls le sont les évêques de cette communauté». Je cite de mémoire, mais c’était aussi clair et net – je m’étais alors dit qu’à Rome, on était vraiment très fort.

lundi 26 septembre 2011

Le christianisme selon Fra Angelico

Magnifique exposition sur Fra Angelico et les Maîtres de la lumière au Musée Jacquemart-André (158 bd Haussmann à Paris). Si vous aimez la peinture italienne vous avez déjà dû errer dans les salles italiennes du Musée, avec, en particulier le célèbre Saint Georges terrassant le Dragon de Uccello. On retrouve ce tableau dans l'exposition, car ce ne sont pas seulement des oeuvres de Fra Angelico que l'on nous montre, mais l'élan de toute une époque - le Quatrocento - vers la lumière.

De cet élan, Fra Angelico apparaît comme l'initiateur et le symbole. Né en 1400 à Florence, il meurt en 1455 à Rome. Il est dominicain, c'est-à-dire, surtout à l'époque, membre d'un ordre prestigieux, dont l'analogue pourrait être les jésuites... ou l'Opus Dei, si l'on cherche dans le contemporain. Un ordre symbole de la catholicité de son temps : "Qu'y a-t-il de plus furieux que ces Moines ?" demandait Erasme vers 1520, s'inquiétant du schisme luthérien et du fanatisme des Catharin, Prieras etc. qui multipliaient les condamnations. C'est frappant : il disait cela comme d'autres aurait dit : quoi de plus fou qu'une jésuitière ?

Seulement voilà : tous les dominicains ne se ressemblent pas ; il y a dominicains et dominicoquins... Savonarole (à la fin du Quatrocento) est un furieux, quand il prend le pouvoir et organise à Florence des "bûchers de vanités" où les femmes sont invitées à brûler ce qui fait leur gloire... Fra Angelico, lui, n'a rien à voir avec son terrible confrère. C'est un homme d'émotions. Vasari dans sa Vie des peintres, sculpteurs et architectes, dit qu'il ne pouvait pas peindre le Christ en croix sans pleurer.

Je pense que sa peinture n'était pas l'expression de cette émotion ni non plus son dérivatif, mais d'abord une manière pour lui d'y résister... en lui donnant forme et contour. Dans le christianisme, ce qui frappe l'Angélico, c'est avant tout les formes justement et les couleurs. Tout se passe comme si la vocation du christianisme était de donner sa couleur au monde.. Il y a les ors, les rouges, les bleus, autant de couleurs bien tranchées qui manifestent la beauté du monde et surtout la beauté des personnes, la beauté des saints qui sont dans le monde. Beauté qui n'est ni celle des visages ni celles des corps, mais celle des attitudes, empreintes de douceur, de réceptivité, de charité. C'est la vie - je veux dire la vie chrétienne - qui est belle pour Fa Angelico, et en particulier la vie monastique dans ces deux beaux tableaux de la Thébaïdes que l'on voit en début d'exposition. On a l'impression, souvent, à contempler ses tableaux, que les personnes s'estompent dans ce qui feraient leur singularité ou leur puissance individuelle... Ce qui reste, c'est leurs attitudes, c'est-à-dire leur coeur. Typique d'une telle reductio ad cor [qui nous change de la trop fameuse reductio ad Hitlerum], le beau saint Thomas d'Aquin que je ne connaissais pas : On dirait... un moine de Lagrasse...

Cette abstraction-là me semble typiquement chrétienne, elle est d'un saint, ou plus exactement d'un Bienheureux, car Fra Angelico a été déclaré bienheureux par le pape Jean Paul II. Toutes proportions gardées, je pense à l'art d'Albert Gérard, au Barroux. Il aime peindre la même abstraction, sans parvenir néanmoins à saisir le secret de la douceur des personnages de l'Angelico. N'était-ce pas l'ambition picturale d'Henri Charlier, si altière qu'elle peut inquiéter ?

J'avoue que tout en me laissant transporter par l'élan de l'Angélique vers la lumière, je préfère parfois tel de ses contemporains, disciples ou continuateurs immédiats. Vous me direz des nouvelles par exemple de la pièce n°32, la Vierge à l'Enfant de Giovanni di Francesco da Ravezzano : quelle personnalité cachée ! J'ai aimé aussi la force du Saint Françpis recevant les stigmates de Gentile da Fabriano (pièce n°15). Vous pourrez le comparer avec un tableau de l'Angélico sur le même thème (n°18). Il me semble que la palme va incontestablement à Gentile...

Suis-je iconoclaste ? Je ne le crois pas. J'aime trop les images. Mais je voulais souligner l'importance des continuateurs et suiveurs du Bienheureux, qui, ayant reçu du dominicain la lumière, y ajoutent une expressivité qui n'est pas monastique...

Dernier point : vous ferez attention, dans la dernière des huit salles au Christ bénissant, avec calice et patène. Cette oeuvre très abimée est de Fra Angelico. Elle montre combien la théologie catholique la plus profonde, la théologie sacramentelle en l'occurrence, n'est jamais loin des grandes réalisations du peintre. Représenter le Christ avec un calice et une patène, c'est affirmer que de manière invisible, la messe, chaque messe, est bien une continuité du Ministère du Christ. Et rien de moins.

Au programme des réjouissances...

Attention, il n'y aura pas de conférence demain mardi au Centre Saint Paul. La conférence de Jacques de Guillebon sur Ozanam ("Benoît XVI et notre démocratie") est reportée. Mais la rentrée a bien eu lieu. Dès le début du mois d'octobre nous proposerons des cours de langue: au Centre Saint Paul - 12 rue Saint Joseph 75002 Paris. Il est encore possible de s'inscrire, l'après-midi, au 01 40 26 41 78. Voici la liste :
  • Initiation au grec biblique:
    tous les mercredis à 19h30 - à partir du 5 octobre
  • Initiation au russe et cours d'art de l'icône
    tous les jeudis à 19h00 - à partir du 6 octobre
  • Initiation à l'arabe
    tous les vendredis 19h00 - à partir du 7 octobre
et aussi:
  • Introduction à la Somme théologique
    tous les lundis à 20h00 - premier cours le 3 octobre
En outre, Jean Marie Elie vous invite aux cours successifs sur le thème "Judaïsme - christianisme, deux millénaires plus tard" le 12 octobre, le 9 novembre et le 21 décembre à 20 h00.

Le prix des cours hebdomadaires est fixé à 50 euros par trimestre. Mais des facilités seront consenties à ceux qui ne pourraient pas faire face. Le cours que je donne sur saint Thomas le lundi à partir du 3 octobre est gratuit.

vendredi 23 septembre 2011

Je ne sais pas encore si je resterai catholique

"Je ne sais pas encore si je quitterai l’Église catholique purement et simplement ou si je m'inscrirai dans une communauté libérale de tendance catholique ou protestante. Est-ce que cela a beaucoup d'importance".

Cher ami anonyme, votre deuxième post scriptum rédigé en ces termes m'a beaucoup touché, parce que j'y ai senti une souffrance pour l’Église que vous aimez et dont vous êtes sûr qu'elle ne prend pas le bon chemin.

Dans un article de La Vie que j'ai lu sur Tradinews (merci au webmestre), Jean-Pierre Denis ne s'exprime pas en ces termes, mais il fait montre de la même souffrance que vous. Pour vous deux l'Eglise de Benoît XVI se plante. Elle méconnaît l'irrésistible élan de la modernité. Revenant en arrière, elle s'en va dans une impasse signant son arrêt de mort historique. Au lieu de prendre les décisions salutaires : abolition du célibat des prêtres, ordination des femmes, elle s'entête dans des querelles rituelles qui n'ont aucun intérêt.

Il y a forcément un peu de vrai dans ce constat : ce que nous disions hier sur Radio Courtoisie avec l'abbé Chanut à propos du Concile, si j'additione les adjectifs, que c'est un texte long, un texte flou, un texte daté, un texte impuissant, qui ne devrait pas continuer à polariser les esprits. Vous, cher anonyme, vous dites : parler du Concile ou du rite du Concile, c'est disserter sur le sexe des anges. Votre critique est celle de ceux qui pensent que Vatican II n'a pas été assez loin puisque il ne traite ni de l'abolition du célibat des prêtres (dont au contraire il rappelle l'importance) ni de l'ordination de femmes prêtres. En off, l'abbé Chanut me disait aussi : "Il y a trente ans j'ai fait un article dans le Figaro Magazine intitulé "L'après-concile est terminé" et en réalité on est toujours dedans". Notre point d'accord est dans cette déploration : pourquoi n'arrivons nous pas à nous dépétrer de ce Concile, trop modéré pour vous, mal signifiant pour moi?

Mais il y a me semble-t-il cher anonyme dans votre volonté d'aller au-delà du catholicisme, dans "une communauté libérale" catholique ou protestante, une erreur fondamentale qu'ont payé tous ceux qui, bien avant le Concile, depuis La Mennais, ont tenté de vivre en chrétien en s'appuyant sur l'exigence de liberté qu'ils découvraient en eux. Dans une de ses lettres, Augustin définit ainsi cette erreur : "je ne croirai pas à l'Evangile de Dieu si l'autorité de l'Eglise catholique ne m'y avait poussé". Et le Père Garrigou-Lagrange dans son de Revelatione définissait la foi dans son motif formel comme l'adhésion à l'autorité de Dieu qui se révèle.

Notre liberté pourra-t-elle jamais prouver ni la Trinité ni l'Incarnation, ni la Rédemption ? Si notre raison n'en peut mais, si elle est incapable de fonder l'acte de foi, cela signifie que notre liberté de croire, pour croire en sécurité, doit s'appuyer sur l'autorité de Dieu qui se révèle. Et pourquoi non ? Qu'avons nous d'autre que le nihilisme humain trop humain à opposer à l'autorité de Dieu dans sa Parole ? "Jamais un homme n'a parlé comme cet homme" disent les Juifs en entendant Jésus. Ils ne le comprennent pas toujours. Il les scandalise parfois, comme dans son Discours sur le pain de vie, première théologie de l'eucharistie (Jean 6). Mais ils sont sensibles à l'autorité de sa Parole. C'est elle qui les convertira, s'ils doivent se convertir...

Catholiques ou protestants, il n'y a qu'une seule manière d'être libéral, c'est celle de Fausto Socin, à la fin du XVIème siècle : on abandonne tous les dogmes ; on dénonce le catholicisme comme étant la religion du sacrifice et l'on se contente d'un humanisme chrétien fondé essentiellement sur l'altruisme. Dans cette perspective, que reste-t-il de la Bonne nouvelle que l'on appelle en grec évangile ? Que reste-t-il de notre propre salut ? Que reste-t-il du Christ ? Cajétan, dans le De Institutione Romani Pontificis, avait identifié ce que j'appellerais la grande pourvoyeuse du nihilisme européen. Si l'on transforme le FAIT évangélique, qui a autorité sur nos esprits en une idée de l'Evangile qui se fond "harmonieusement" dans notre univers mental du moment, en ajoutant un peu de sel ou un peu de poivre à notre synthèse personnelle, alors disait-il : Omnia ruunt. Tout se casse la gueule.

La préoccupation heureusement progressiste qui est la vôtre, cher anonyme, risque de vider votre christianisme de sa substance. Vous croyez porter un vrai remède aux maux de l'heure présente et vous n'apportez, avec la liberté absolue du Sujet face à la définition de sa foi, que la possibilité de tout nier et de tout oublier du Christ et de l'autorité de sa Parole. Au lieu d'essayer de définir chacun sa petite idée du christianisme, au risque de perdre le Christ, il faut, comme le demande Benoît XVI au n°19 de Spe salvi, revenir aux mots de la foi, à leur autorité sur nos esprits, à leur fécondité dans nos vies. Et lorsque, ces mots de la foi, on les a fait siens, avec enthousiasme, avec... coeur, eh bien, au lieu de dire : "Je ne sais pas encore si je resterai catholique", on chante, comme la jeune Béninoise dont j'ai baptisé la fille dimanche dernier : "Je suis chrétien voilà ma gloire, mon espérance et mon soutien". Dans la bouche de cette jeune Africaine, ce n'était pas du triomphalisme, c'était un chant d'amour qui, après le baptême de sa petite, s'est imposé à elle comme une évidence : l'évidence chrétienne.

jeudi 22 septembre 2011

Tridentine not dead

Je lis l’information dans La Croix du 20 septembre:
«une commission mixte a été constituée, avec des experts de la commission Ecclesia Dei et de la congrégation du culte divin, pour l’aggiornamento des mémoires des saints et pour la ‘possible insertion de nouvelles préfaces’ dans le Missel romain préconciliaire de 1962, auquel Benoît XVI a donné pleinement droit de cité en 2007.»
Certains seront pour et d’autres contre, comme lorsque Benoit XVI avait modifié une prière du Vendredi Saint. Peu importe au fond – l’information qui compte est que le Missel tridentin est vivant. Sa réactualisation indique assez qu’il s’agit d’un livre actuellement en vigueur, et non d’une forme antérieure. Oui, ce missel est «préconciliaire de 1962», mais il est aussi « postconciliaire », et il sera bientôt «de 2012».

mercredi 21 septembre 2011

Jean-Marie Elie, ce mercredi soir au CSP

Belle conférence de Philippe Maxence tout à l'heure, avec une conclusion théologique sur la physionomie spirituelle du Père Kolbe qui m'a ravi : le Père Kolbe est un exemple d'abandon spirituelle à la grâce, d'abandon dans les mains de Marie et en même temps un exemple d'esprit d'entreprise ; il assume la modernité des moyens de communication ; il marque une volonté indestructible de faire quelque chose pour Dieu.

"Aide toi, Dieu t'aidera" disait déjà Jeanne d'Arc durant son Procès, en nous livrant l'ancienne forme du proverbe bien connu. Dans un être saint, l'action humaine et l'action divine ne sont pas deux causes concourrantes de deux actes différents, mais deux influx formant le même acte dans une harmonie parfaite - ni volontariste ni providentialiste. Un être saint ne peut pas trop vouloir car il veut ce que Dieu veut. Un être saint ne peut pas trop s'abandonner car son abandon le met dans le flux incessant de l'activité divine : "Mon Père agit toujours et moi aussi j'agis".

Comment une telle harmonie est-elle possible ? C'est le secret du Saint Esprit, qui seul peut réaliser dans l'ordre cette union des contraires. Jeanne d'Arc est un exemple bien connu des Français : poussée par ses voix, mais aussi tellement volontaire. Le Père Kolbe est un exemple bien connu des Polonais, qui célèbrent en 2011 une année Kolbe. Philippe Maxence nous précisa d'ailleurs que cette année Kolbe avait été votée par le Parlement polonais.

Mais je me laisse entraîner, restant sous le charme d'une parole tranquille, mesurée, documentée et déterminée. Merci à Philippe Maxence !

Ce soir, mercredi, à 20H15, c'est Jean-Marie Elie qui vient nous parler des rapports entre le judaïsme et le christianisme. Pendant 15 ans, rabbin ultra orthodoxe dans le quartier de Mea Sharim, il est aujourd'hui catholique, au terme d'un long cheminement. Il évoquera ce soir Abraham le premier chrétien, en montrant comment toute la Bible, Ancien et Nouveau Testament, est orientée vers le Christ. Un cours extrêmement important pour enraciner notre foi dans la Bible intégralement lue. Une perspective audacieuse pour comprendre les rapports entre judaïsme et christianisme comme l'Eglise les a toujours compris. La Tradition catholique ? C'est la dernière des audaces dans un monde qui a voulu tout tester. Tout ? Non... Il lui reste... cela. Ce que Chesterton appelait joliment l'orthodoxie. Cours à suivre!
Centre Culturel Chrétien Saint Paul
12 rue Saint-Joseph / 75002 PARIS
téléphone: 01.40.26.41.78
Métro Sentier (ligne 3) ou Grands Boulevards (lignes 8 et 9)

mardi 20 septembre 2011

En attendant le feu vert

Nous avons reçu cette réponse à l'abbé Pellaboeuf, de la part de Martin Droit, qui interviendra occasionnellement sur le Métablog, qui s'en honore.

Cher ami, avec attention j'ai lu votre post sur le métablog, faisant suite à mes réflexions que j'ai tout de suite précisées très personnelles. Je ne pensais pas qu'elles créeraient autant de commentaires divers et variés, et surtout si identitaires, puisque certains ont cru y voir une attaque en règle contre l'IBP. C'est vraiment lire mon "papier" du tout petit côté de la lorgnette, puisque ce n'est pas cela que j'entendais souligner. Mais les passions s'en mêlent, et l'on sait combien l'homme est un être passionné, et surtout quand ces passions sont religieuses.

Mais je voudrais, si vous me le permettez, vous contrer sur un point : Vous dites et je vous cite : "elle (la FSSPX) va perdre une partie de son originalité, celle de ne pas être reconnue par Rome ! Donc les vocations qu'elle drainait jusqu'ici peuvent fort bien s'éparpiller." Je crois que vous faites erreur. S'il est bien un chiffre qui depuis quelques années se stabilise, c'est la moyenne d'entrée des séminaristes en première année pour la FSSPX.

J'ai eu l'occasion d'en parler avec l'abbé de Cacqueray, la grande majorité de leurs entrées est issue d'anciens élèves des écoles de la FSSPX. C'est en somme, si on me permet l'expression, un juste retour sur investissement. Ainsi cette grande majorité de candidats ne feraient pas fait d'autres choix que la FSSPX, ce sont des convaincus. En d'autres termes, ce potentiel restera le même, y compris après une régularisation canonique de la FSSPX. Restent les autres ! Et là mon parcours me permet d'être en contact avec beaucoup de jeunes en préparation militaire qui me confient sentir l'appel de Dieu. Quand je les interroge sur leurs choix éventuels, beaucoup me répondent : "En soi, ça serait la Frat' (sic !), mais à cause de la situation canonique, je préfère regarder vers la FSSP ou le Christ-Roi". Ce type de témoignage, je l'ai encore eu la semaine dernière.

Certes, comparaison n'est pas raison, et mes contacts sont limités. Mais fort de ce «micro constat», j'en tire l'intuition, que la FSSPX après régularisation ne perdra pas son vivier principal, puisqu'il vient des fameuses "Ecoles de la Frat" ; et ceux jusque-là refroidis par la situation canonique de la FSSPX, se diront : "C'est bon, le feu est vert !"

Martin Droit

Aujourd'hui mardi, au CSP, Philippe Maxence

A 20 H 15, le rédacteur en chef de l'Homme nouveau vient évoquer le personnage de Maximilien Kolbe, prêtre, journaliste et martyr. je le recevais mercredi dernier à l'émission Voix aux chapitres sur RC et je n'ai as pu m'empêcher de remarquer la parenté entre Maximilien Kolbe et le Père Fillère, prêtre, journaliste et créateur de l'Homme nouveau en 1947, l'Homme nouveau qui sort en ce moment son 1500ème numéro.

Kolbe et Fillère étaient incontestablement anti-communistes, anti-maçons, bref des prêtres de droite... Certainement d'ailleurs des gens insupportables au quotidien (Philippe Maxence insiste sur ce point à propos de Kolbe, en pointant certaines lacunes parce qu'il n'écrit pas une hagiographie). Mais ils étaient aussi... des saints. Eh oui ! Tout cela n'est pas forcément incompatible.

Les saints seraient-ils... de droite ? Suite de cette réflexion demain soir.
Mardi 20 septembre 2011 - à 20H15 - au Centre Saint Paul, 12 rue Saint Joseph 75002, M° Sentier ou Grands Boulevards - PAF 5€, tarif réduit à 2€ (étudiants, chômeurs, membres du clergé) - Un verre de l'amitié prolonge la conférence.

[Abbé G. de Tanoüarn - Respublica Christiana] Le concile dans la vie de l'Eglise

Le nouveau Respublica Christiana est arrivé. Dans le dossier de ce numéro, nous posons une simple question que l'on trouvera peut-être iconoclaste en ce long automne post-conciliaire qui ne cesse de s'étendre depuis les années 60. En quoi l'institution conciliaire est-elle salutaire dans la destinée de l'Eglise ? Pour entrer dans un tel sujet, ecclésiologique s'il en est, voici l'éditorial de l'abbé de Tanoüarn sur le délicat problème de l'autorité.
Edito - Lettre à un ami qui croit à l’Autorité
L’autorité des papes et des Conciles est une grande chose, voulue par Dieu pour fonder son Eglise sur le roc. Depuis deux siècles, l’Eglise a répondu à la crise moderniste par l’autorité de ses ministres. Cette autorité a été théorisée dans la constitution Pastor aeternus du concile Vatican I, qui définit l’infaillibilité du pape de Rome comme un dogme de la foi universelle ou catholique.

Cette autorité a requis des catholiques l’obéissance. L’obéissance est une chose tout aussi grande que l’autorité. Elle a tenu les catholiques groupés autour de leurs évêques et de leurs papes pendant deux siècles.
Le concile Vatican II apparaît indiscutablement d’abord comme une crise de ce système fondé de plus en plus unilatéralement sur l’autorité, crise anarchique qui annonçait à sa manière Mai 68, en anticipant sur son refus de l’autorité. Durant le Concile, ce sont surtout les évêques, soutenus par leurs experts théologiens, qui s’en sont pris à la Curie romaine ouvertement et implicitement à l’autorité du pape. Paul VI, alarmé par une telle fronde, a fait ajouter in extremis à la grande Constitution sur l’Eglise une « Nota praevia », rappelant l’intangible autorité et l’infaillibilité du Pontife romain. Au début des années 70, s’exprimant sur les fruits du Concile aux Pays Bas, il avait osé parler d’un « ferment schismatique » qui dissolvait l’Eglise.

Peut-on dire que Vatican II – ce Vatican II-là, le Vatican II progressiste et anarchiste – soit le mal et la mort ? Faut-il croire qu’il suffit à l’Eglise d’après Vatican II de retrouver l’Autorité, de restaurer l’obéissance pour que tout aille de nouveau pour le mieux dans le meilleur des mondes ecclésiastiques possible ? Cela n’est pas suffisant. La grande dissolution ecclésiale, occasionnée ou déclenchée par le Concile, mais restée pendante et annoncée depuis bien plus longtemps, a forcément un sens providentiel. Quel est-il ?

Il ne faut pas être grand clerc pour comprendre que l’Eglise a besoin de se ressourcer aux fondamentaux de son enseignement. Ce sont ces fondamentaux qu’il faut retrouver et restaurer, avant l’autorité et avant l’obéissance. L’autorité et l’obéissance, explique saint Thomas d’Aquin, n’ont de sens que par rapport au Bien commun. Quel est notre Bien commun, à nous catholiques ? Autour de quoi construisons-nous l’Eglise ? Quelle foi nous anime ? 

Il me semble qu’il faut répondre comme Pascal : la misère de l’homme par le péché ; la grandeur de l’homme et son salut par la grâce pour la gloire éternelle. Ni plus ni moins.

Ce dossier exceptionnel sur les conciles dans l’histoire de l’Eglise et sur les crises qui en ont résulté souvent nous montre que la foi est antérieure à l’obéissance et qu’elle la juge. Sublime l’obéissance à la foi, l’obsequium mentis, l’hommage de notre esprit à l’Esprit divin. Catastrophique l’obéissance pour elle-même – celle que le langage le plus courant a déclaré aveugle. « Si un aveugle guide un aveugle tous les deux tomberont dans un trou » (Mc 4, 10). Les chrétiens ne peuvent pas faire l’économie de la lumière, pas même au nom de l’obéissance. 

Abbé G. de Tanoüarn

lundi 19 septembre 2011

L'abbé Breuil et l'évolutionnisme

Saviez-vous que nous célébrons cette année le cinquantenaire d ela mort de l'abbé Breuil, mort en 1961 et surnommé "le pape de la Préhistoire". C'est un nom qui a bercé mon enfance, du temps où j'achetais chaque mois Archéologia et où je me passionnais pour l'archéologie. Je viens de m'enfiler sa biographie par Arnaud Hurel aux éditions du CNRS. Surprise ! On y apprend toutes sortes de choses passionantes sur le modernisme. L'abbé Breuil se sentait visé à chaque sanction. Il respira après la condamnation de l'Action Française : "Il semble que l'orage romain se soit écarté des affaires préhistoriques, et parti sur l'Action Française, ce qui sort de mon rayon. Il y a à penser que de ce côté-là il y a de l'occupation pour un moment !" C'est vrai que depuis 2000 ans, Rome est au centre, mais ce n'était pas une raison pour condamner et la droite et la gauche. il fallait faire un choix. Pie XI était au centre comme Paul VI était au centre. Ils ont l'un et l'autre choisi de taper à droite. Oscar Cullmann, théologien luthérien, en avait d'ailleurs fait la remarque respectueuse à Paul VI : "Sainteté, vous condamnez trop unilatéralement votre droite...".

Mais on apprend beaucoup de choses intéressantes dans ce livre. Arnaud Hurel renvoie par exemple à l'article Homme du Dictionnaire Apologétique de la Foi Catholique, rédigé par l'abbé Breuil et deux de ses amis prêtres et préhistoriens comme lui. Dans cet article, on considère les néanderthaliens comme une "race" d'homme. Employer le mot "race" pour distinguer des préhominiens, néanderthaliens juste capables de fracasser des cailloux pour s'en faire des outils, et des représentant de l'espèce homo sapiens, tels qu'on les a trouvés à Cro-Magnon, près de Dax... C'est un peu inquiétant sur l'usage que ces "scientifiques" font du mot race... Mais passons !

Je ne sais la part exacte que prit Breuil à la rédaction de cet article du DAFC que je suis immédiatement allé voir... Mais autant l'article est décevant, avec cet emploi dangereux du mot Race, autant il me semble que, pour ce qui est de l'abbé Breuil, sa vie de savant est consacrée toute entière à une défense et illustration de l'humanité de l'homme. Spécialiste du paléolithique supérieur, il découvre en Dordogne, près des Eyzies deux grottes : Les Combarelles et Font de Gaume, toutes deux ornées de magnifiques peintures. La communauté scientifique de l'époque réputait les peintures d'Altamira comme étant des faux. L'homme paléolithique se rattachait à l'âge Moustérien, ses productions, jusque là, étaient équiparées aux productions des Néanderthaliens. C'est l'abbé Breuil qui, au vu des chefs d'oeuvre de Font de Gaume et des Combarelles, fait triompher sa propre catégorisation, en l'imposant aux savants de son temps, souvent scandalisés de voir qu'un prêtre pouvait aussi parler au nom de la science. Breuil distingue donc du Moustérien ce qu'il appelle l'Aurignacien, un âge humain qui regroupe des productions qui sont celles d'Homo sapiens. Gabriel de Mortillet, son fils Adrien et son disciple Paul Girod reprochent à l'abbé avec un bel ensemble son "jésuitisme", autant dire : sa soutane (dont il ne se départit jamais). Mais ils vont perdre cette bataille.

La bataille de l'Aurignacien, comme on disait reste le symbole du passage non sans douleur d'un évolutionnisme matérialiste, qui n'apprécie pas l'espèce humaine dans sa spécificité, à un évolutionnisme spiritualiste, qui donne toute sa portée à ce que Teilhard, ami de Breuil appellera "le phénomène humain".

Breuil (comme saint Augustin dans le De Genesi ad litteram) est un évolutioniste sans complexe. Mais il défend la spécificité de l'homo sapiens dans la longue histoire du vivant. A Altamira, plusieurs préhistoriens chrétiens, dont Obermeier, prêtre comme lui, se sont réunis pour définir l'évolutionisme. Je cite ce texte que ressort opportunément Arnaud Hurel : "l'évolutionisme n'est ni une théorie [explicative] ni une hypothèse". C'est "une condition de la connaissance", car c'est "le principe même de la méthode scientifique elle-même, car il sonsiste à considérer les êtres et les choses dans leur ordre normal de succession, de manière à reconnaître qu'elles [sic] sont du moins partiellement, le résultat des événements et des êtres qui les ont précédés et préparés et sont (du moins partiellement) le principe de ce qui les suit".

Les raisons de Breuil sont épistémologiques, le postérieur dépendant de l'antérieur. les raisons d'Augustin sont métaphysiques, l'éternité, qui est toute en même temps, se développant dans la succession du temps. Mais ce sont d'une certaine façon des raisons semblables qui cernent de différents côtés un phénomène identique, celui du temps qui littéralement constitue notre être non rachetée par le Christ.

Il ne s'agit pas de prétendre que la matière aurait en elle-même la capacité de s'autoproduire en s'organisant d'elle-même. C'est bien l'esprit qui organise la matière. Mais il reste vrai que seul l'éternité échappe à l'histoire et seul l'infini est hors du temps.

Il faut être Baudelaire - un immense artiste - pour écrire : "Je hais le mouvement qui dépace les lignes". En tant qu'artiste, parfois, ses ailes de géant, même si elles l'empêchait de marcher, le portait à l'Infini. Et il pouvait, à partir de là, haïr le mouvement Mais nous... Nous ne pouvons pas haïr le mouvement puisque ce mouvement nous constitue. Le nier, c'est s'autodétruire.

Dans cette perspective ontologique et épistémologique, l'évolution ou l'évolutionnisme (il faudrait donner un sens à ces deux termes de manière plus précise que ne le fait Breuil), c'est l'histoire de la création, l'histoire du déploiement de l'Infini dans le fini. Pourquoi s'étonner si cela prend du temps, l'infini dans le fini ? C'est presque une tautologie que d'écrire cela. L'infini ne peut se déverser dans le fini que moyennant du temps. Beaucoup de temps. Il faudrait même dire : un temps infini si l'infini se déversait "tout entier" dans le fini. Mais c'est impossible. Le fini et l'Infini ne sont pas deux réalités du même ordre. En attendant le mouvement est la seule ressource que nous ayons pour nous mettre en marche vers l'Infini. Qu'est-ce qu'une conversion sinon une transformation radicale de nous-mêmes ? Le changement ultime, celui qui nous branche sur Dieu. En cela au moins, Teilhard n'avait sans doute pas tout à fait tort.

dimanche 18 septembre 2011

La méthode des patchs

Une vieille connaissance me demande «Pourquoi Assise IV (2011) ?» je lui réponds: parce qu’Assise I (1986), et II (1993), et III (2002). Assise IV, j’en suis convaincu, sera le patch des ‘Assise’ précédents. Mais qu’est-ce qu’un patch? C’est en informatique un petit programme nouveau qui vient corriger les anomalies d’une version précédente. Patch veut dire rustine en anglais – on peut aussi bien considérer l’image du cycliste qui a crevé: il ne jette pas sa chambre à air défectueuse, mais avec un patch il la répare.

C’est bien ainsi que procède Joseph Ratzinger. Il ne jette rien, il répare: Il y a, dans tel texte, telle formulation étonnante? C’est que nous l’avions mal comprise! Par exemple cette phrase : «L'unique Église du Christ subsiste en l'Église catholique» (1965), qui a fait grincer quelques dents. En 1985 le Cardinal Ratzinger nous en explicite le sens: elle signifie que «l'Église du Christ continue à exister en plénitude dans la seule Église catholique».

Ou alors la messe: on pouvait croire (et des milliers d’évêques l’ont cru) que le Novus Ordo Missae de 1970 était le nouvel Ordo Missae, qu’il remplaçait celui de 1962, de même que celui de 1962 remplaçait le précédent. Eh bien pas du tout. Le missel de 1962? «jamais abrogé»! Il est donc le rite romain en vigueur, dans sa forme extraordinaire. (Dans cette optique, qu’est le missel d’encore avant? la forme sur-extraordinaire?)
[Cela demande parfois une certaine souplesse. Quand on trouve dans un journal la formule «il fallait lire»… (par exemple : «il fallait lire onglet, et non anglais») nous comprenons bien qu’il s’agit d’une tournure de style, et que dès le départ il aurait fallu écrire onglet au lieu d’anglais. Eh bien dans notre cas, c’est différent : tout ce passe comme si l’on nous disait «vous avez bien lu, notez cependant que dans ce texte, ‘anglais’ a le sens d’onglet».]
Cette méthode rectificative marche aussi avec les actes. Que faire des JMJ ? leur côté ‘Woodstock catholique’ collait mal au pontificat. Le pape Ratzinger aurait pu les supprimer (ou les réduire à peu de chose, en les organisant dans une ville peu accessible). Pas du tout, il les continue, la fiesta en moins, l’adoration en plus.

J’en arrive à Assise. Beaucoup avaient vécu ces rencontres comme une grande fraternisation interreligieuse – les uns pour s’en réjouir (et pourquoi pas au fond s’il est vrai que «nous croyons au même Dieu, le Dieu Unique, le Dieu Vivant, le Dieu qui crée les mondes»!), les autres pour s’en plaindre (la FSSPX évoque encore une «foire»). Le cardinal Ratzinger lui-même avait fait savoir ses réticences. Puis applique sa méthode: il évoque (2002) la «juste compréhension de l'événement d'Assise» - il nous annonce qu’à Assise «il ne s'agissait [pas] d'affirmer une égalité des religions, qui n'existe pas».

Ami lecteur, ne pense pas que j’ironise! Car enfin, quelle autre méthode utiliser? Rembobiner le temps? ce n’est pas faisable techniquement. Dire son opposition frontale? C’est envisageable de la part de fidèles ou de prêtres traditionalistes – pas de la part d’un pape. Alors quoi? Peindre d’une nouvelle couleur ce qui existe déjà est au fond la seule chose à faire. Et puisque Assise est advenu (1986 et après), il n’y a sans doute pas d’autre choix que de poser l’acte d’un nouvel Assise, qui par une forme et par un contenu plus traditionnels donneront «leur vrai sens» aux réunions passées.

Je suis bien certain qu’à Assise IV, c’est ce que fera le pape Ratzinger, lui qui aime citer les paroles du Christ à saint François: «Va, et répare mon Eglise»

Retour de Bourgogne

Revenant de Bourgogne, où j'étais depuis vendredi soir pour célébrer un mariage (Ah ! les reliefs si doux chers à Vincenot : quelle paix! quelle force divine!), je trouve le Blog en ébullition, et ça déborde même sur les forums alentours.

Premier point: Martin Droit n'est pas moi, malgré quelques insinuations de tel ou tel Forum. C'est un contributeur occasionnel de Monde et Vie. L'article de lui publié sur ce Blog n'est pas paru dans Monde et vie comme je l'ai lu ici ou là. Il n'était pas commandé et n'aurait donc pas été publié dans ce journal. C'est Jean-Marie Molitor qui m'a envoyé ce texte reçu après le bouclage, pensant qu'il m'intéresserait.

Et de fait, il m'a tapé dans l'oeil. Attention! Il s'agit de "pronostications" comme disait Rabelais, repris par Léon Daudet. La vérité sur les futurs contingents n'existe pas. Aristote nous expliquait cela il y a très longtemps. C'est donc une réflexion, une simple réflexion, dont j'extrairais... trois points (mais oui !)

Premier pronostic de Martin Droit : les jeux sont faits entre Rome et la FSSPX. J'ai suggéré à ma consoeur Claire Thomas, dont chacun sait ici que j'ai sur elle une influence certaine, d'écrire exactement le contraire dans Monde et Vie. Ce pronostic n'est donc pas le mien. Mais le raisonnement se tient. Un moment il m'a saisi. Je persiste pourtant à soutenir l'opinion de Claire Thomas (qui se rapproche de la pratique de Mgr Fellay) : il faudra du temps. On ne fait pas un accord impliquant quatre évêques aussi bouillants que des Mousquetaires, sans les avoir entendu au moins une fois chacun.

Deuxième pronostic de Martin Droit : la solution juridique sera sur mesure. Là je dois dire qu'il m'a pleinement convaincu.

Troisième pronostic de Martin Droit : en cas d'accord rapide avec la FSSPX, les petites sociétés ED risquent de payer leur manque d'envergure au prix fort, la FSSPX "raflant la mise" et Rome ne faisant pas de sentiment avec les petits Instituts ad probatum. Je crois que lesdits petits Instituts ont intérêt à méditer ce conseil amical...

Pour ce qui est de l'IBP, c'est dans cette perspective et comme écoutant ce conseil à l'avance que l'abbé Laguérie a donné à Disputationes theologicae ce magnifique entretien, auquel je vous renvoie et qui doit servir de charte exprimant notre spécificité. Cet entretien a disparu trop rapidement de ce site. Il est à votre disposition sur le MetaBlog.

Un ajout pour ceux qui ont pu être blessés que leur commentaire au sujet de ce texte de Martin Droit disparaisse du Metablog : Il est vrai que j'ai donné une consigne générale à mon cher Webmestre qui fournit un travail que la tradisphère nous envie, celle de ne jamais laisser épingler un invité ou un intervenant sur le Métablog de façon publique. Ayant le sens de l'hospitalité, je considère que la moindre des choses est de faire respecter ses hôtes. Je tiens tellement à ce que règne ici une atmosphère cordiale, propice à la réflexion libre, que je compte bien que soit renforcée la modération. Quant à moi, j'ai la peau dure. Les critiques me concernant ne sont donc pas filtrées, pour peu qu'elles portent sur le fond. Vous pouvez y aller !

samedi 17 septembre 2011

Des portes de plus en plus larges - jusqu'à ce que personne ne puisse plus les boucher.

Mgr Fellay a été reçu à Rome, un «préambule doctrinal» lui a été soumis, il va l’examiner avec ses conseils. Vous trouverez sur le web les nombreux commentaires à l’événement et si vous deviez n’en lire que trois je vous recommanderais celui de Bernard Fellay lui-même (à tout Monseigneur tout honneur), celui de l’abbé Barthe, et celui de Martin Droit. Côté ‘non-tradi’, il y a Nicolas Senèze, à écouter ici (les intégristes seraient, en gros, de sales gosses que notre Saint Père aimerait bien quand même).

Rassurez-vous, je ne commenterai pas les commentaires! simplement je me suis fait une réflexion: c’est que le pape sans doute veut réintégrer les traditionalistes, mais aussi ‘la Tradition’. Ce n’est certes pas la première porte que Rome ouvre: il y a eu l’indult de 1984, celui de 1988, avec la Fraternité Saint Pierre, l’IBP en 2006, le Motu Proprio de juillet 2007, et même la levée des excommunications.

Mais quand une porte s’ouvrait, un écran s’érigeait aussitôt derrière : l’indult de 1988 n’était appliqué ni largement ni généreusement, la Fraternité Saint Pierre n’était pas partout la bienvenue, l’Institut du Bon Pasteur encore moins. Quant au Motu Proprio de juillet 2007, il a été compris a minima dans plus d’un évêché.

Qu’on me comprenne : ces ouvertures n’ont pas été vaines ; simplement tout se passe comme si chaque porte étant insuffisante à rapatrier tradis et Tradition, il fallait régulièrement en ouvrir une plus grande – avec à venir une réintégration de la FSSPX au premier trimestre 2012? Dans cette optique, ce sera paradoxalement le clergé (bas ou haut) le plus récalcitrant, qui en freinant à chaque ouverture aura rendu nécessaire d'en pratiquer une plus grande encore - bien plus que les intéressés qui auraient fait monter les enchères.

Un affaire odieuse l’illustre cette semaine: une vieille dame voulait des funérailles dans le rite classique, ce qui lui a été refusé par le curé de la paroisse. Interrogé par la feuille locale, le curé se justifie: lui-même ne sait pas dire cette messe, un confrère sait mais il est vieux, quant au prêtre FSSPX que la famille a trouvé... pas question! Tout de même, s’étonne le journaliste, «une célébration en latin, par un prêtre catholique, ce n'était pas possible?» Non! avec l’argument final, qui aurait pu économiser tous les autres : «le latin, entre nous… je ne me souviens pas que Jésus parlait en latin». Voilà où l’on en est, dans un coin de France, après un quart de siècle d’indults, de motu proprio, et d’instituts spécialisés.

Ne serait-ce que pour ce cas-là, je me réjouis de l’existence de la FSSPX, et encore plus de sa prochaine réintégration.

vendredi 16 septembre 2011

Nouvelles coordonnées de l'abbé Berche: à Paris

Ainsi que l'indique Semetipsum sur le Forum Catholique:
L'abbé Alexandre BERCHE est depuis mercredi à l'adresse suivante :
MAS St Jean de Malte (Maison d'accueil spécialisée)
6-60 rue d’Hautpoul
75019 Paris
Tél : 01 53 19 21 21
Site Web
ce sera pour beaucoup plus facile de lui rendre visite pour le soutenir car il a encore beaucoup de chemin à faire pour retrouver l'autonomie et sans aide extérieure... et sans la grâce de Dieu...!
Semetipsum appelle à prier également pour l'abbé Schaeffer, gravement malade.

jeudi 15 septembre 2011

Un scénario plausible entre Rome et la FSSPX

Signera, signera pas, la question court le Tradiland. Je reste moi-même très circonspect, attentif et attentiste. Mais il me plaît de porter à votre connaissance un texte très personnel de Martin Droit. Contributeur du dernier numéro de Monde et Vie, il y expose de manière absolument claire les différents types de solution juridique pour la FSSPX réintégrée. Vous confondez administration apostolique, ordinariat, prélature personnelle ou prélature territoriale ? Ce papier est pour vous.

Le bouclage du prochain numéro vient d'avoir lieu, mais Martin était lancé. Il vient d'envoyer au Journal ce joli essai de politique ecclésiastique fiction. Je ne sais pas ce que vous en pensez. Moi j'ai trouvé ça tellement convainquant que j'ai obtenu de Jean-Marie Molitor, directeur de Monde et Vie, la permission de publier ce texte ici, sur Métablog. Vous m'en direz des nouvelles ! En tout cas, la sauce est bien faite !
Voici ce texte :

Sans jouer à Madame Irma !

Depuis quelques jours, le « Tradiland » et même les observateurs de l’Eglise catholique s’interrogent sur la rencontre du 14 septembre, entre le Cardinal Levada et la direction de la Fraternité Saint Pie X. A travers ces quelques lignes, je n’entends ni lire dans le marc de café, ni faire une démonstration scientifique par A + B, mais livrer mon impression du moment, au regard du droit canonique et de la praxis romaine que je crois connaître un peu.

Des faits, il ressort que Mgr Fellay, le Supérieur général de la FSSPX, s’est vu remettre le 14.09 un « préambule doctrinal » et une proposition de statut canonique conditionnée à l’acception dudit Préambule[1]. A coup sûr, ce dernier relève habilement ce qu'on appelle en classe de mathématiques du PPDC (le « plus petit dénominateur commun), c'est-à-dire que les deux parties peuvent s’entendre dessus. Reste adjoint à ce Préambule, la proposition de statut canonique. Et je crois que c’est au fond là-dessus que tout va se jouer. Pourquoi ?
Parce que tout d’abord, les longs de discussions théologiques entre les deux parties sont maintenant derrière nous. S’ils avaient abouti à une impasse, il n’y aurait pas eu la réunion du 14 ; et Rome n’a aucun intérêt à proposer un Préambule à priori inacceptable pour la FSSPX : Cela n’aurait aucun sens eu égard à tout ce qui s’est passé depuis le début de l’année 2008. C’est pourquoi tout se joue sur ce que l’on pourrait appeler les Articles organiques, la solution canonique.

Celle-ci se doit d’être acceptable pour tout le monde : Pour le Saint-Siège tout d’abord, qui ne doit pas donner l’impression d’offrir un « pont d’or » qui scandaliseraient les opposants à la « réintégration » de la FSSPX, d’où je crois qu'il faut exclure la solution de l’Ordinariat. Pour la Fraternité elle-même ensuite, qui n’acceptera pas une structure qui permette aux évêques diocésains de leur couper l’herbe sous le pied en suspendant ad casum tel prêtre ou empêchant la progression ou l’installation de cette communauté, d’où me semble-t-il qu'il faille écarter des propositions telles que la Prélature personnelle ou l’administration apostolique.
« Que reste-t-il ? » me rétorquera-t-on… Je puis vous assurer que le Code de droit canonique ne manque pas de ressources, et on ne prête pas assez attention à tout le panel existant : les prélatures territoriales ; les vicariats ou préfectures apostoliques ; les missions « sui iuris » ; etc. On me répondra que toutes ces structures ne concernent que les « terres de missions ». C’est oublier trop vite que les canons régissant toutes ses circonscriptions sont très superficiels, et qu'on peut y mettre toutes sortes d’aménagements spécifiques. Je pense notamment à la Prélature territoriale, que l’on a considérablement adaptée pour correspondre aux besoins de la Mission de France… et surtout à l’énigmatique « diocèse personnel » qui n’existe que sur le papier, et qui ne demande qu’à être pratiqué en cas de ‘coup dur’.
Bref, je fais confiance au Saint-Siège pour trouver une solution « sur-mesure », qui permettra de satisfaire les autorités romaines qui pourront répondre qu'il n’y a pas à paniquer et que la structure n’est pas un ‘boulevard’ du type Ordinariat, et la Fraternité qui aura l’opportunité de répondre qu'elle n’est pas tombée dans l’accord pratico-pratique, puisque sa structure lui permet de se maintenir et même de progresser sans avoir à quémander l’accord des autorités locales, ce dont personne ne peut se prévaloir aujourd'hui dans le « monde tradi ».

Et le « Tradiland » justement… Que va-t-il devenir dans ce cas de figure ? Car si la FSSPX n’a pas le monopole de la posture « tradi », il est n’en est pas moins vrai qu’elle en constitue la principale ‘Armada’. Et dès lors où elle serait canoniquement reconnue, quelle place peut-elle laisser aux autres sociétés ou instituts perçus, à tord ou à raison, comme concurrents ? La question mérite d’être posée, et je suis convaincu qu’elle l’est par les Supérieurs de ces dites communautés…
Je crois qu'il faut distinguer du point de vue canonique les sociétés reconnues de façon définitive, de celle ad probatum qui doivent encore faire leurs preuves (et elles sont nombreuses : Aux Etats-Unis - en Californie notamment -, en Autriche, en Allemagne - avec l’Oratoire Saint-Philippe-Néri, en Amérique du Sud - avec la Fraternity of Saint-John -, en France même avec l’IBP, etc.).
Pour les premières, il n’y a guère de souci à se poser : Ce que le Saint-Siège a reconnu de façon définitive, est quasi indestructible, sauf raison gravissime. Restera le problème de leur recrutement et de leur extension face au « paquebot FSSPX » une fois reconnu. Ils pourront soit opposer une spécificité propre, je pense à l’Institut du Christ-Roi qui a misé sur une liturgie qui l’a fait remarquer par rapport aux deux Fraternités, soit/et recruter de nouveaux séminaristes et membres grâce aux contacts personnels : Telle jeune vocation ayant connu telle communauté ; tel évêque ayant un contact privilégié avec telle société. Mais institutionnellement, il n’y a pas de doute que la FSSPX raflera la mise comme étant le phare de l’institut ‘tradi’ par excellence.
Pour les autres, ceux reconnus encore ad experimentum… c’est beaucoup plus compliqué ! Surtout s’ils n’arrivent pas à se développer ou marquer une spécificité claire et singulière. Rome leur répondra aisément que face à un manque de raison d’exister, ils devront rejoindre l’une des structures reconnues définitivement ou les diocèses. Ce serait même une garantie offerte par Rome face aux évêques peu enclins à la Tradition : « On va vous clarifier le terrain ! » Ces communautés, faute d’identité réelle auront du mal à survivre. Si elles invoquent l’argument de réflexion théologique ou doctrinale, on les renverra vers la toute-puissante et (nouvellement) légitime FSSPX ; si elles allèguent la liturgie, on les aiguillera vers l’Institut du Christ-Roi ; si elles avancent le canal historique de la fidélité romaine, il leur restera la Fraternité Saint-Pierre. Et surtout qu'elles ne mettent pas en avant l’argument humain du « il y a trop de blessures personnelles », car on n’a jamais vu Rome ériger ou maintenir quelque communauté pour raison de « mauvaise entente humaine ». Voilà donc un défi pour ces sociétés : Soit croître très très vite, soit se trouver une véritable identité. Sans quoi, il n’y a ni objectivement ni politiquement aucune raison de les laisser ‘vivoter’.

Certes, tout ça est pour l’heure pure conjecture, me dira-t-on ! Il n’empêche… Si la rencontre du 14 n’était qu’un jeu de dupes après de si longs mois de discussions théologiques… Pourquoi les deux parties se livrent avec autant de complaisance à la publicité (avant et après la rencontre, cf. la déclaration commune) de l’évènement ? Pourquoi présenter d’ores et déjà, avant même la ratification du Préambule, LA solution canonique ? Pourquoi le Cardinal Ricard dit-il sur les ondes radiophoniques que tout sera clair d’ici 6 mois, date à laquelle le Cardinal Levada prendra sa retraite, laissant ainsi son successeur vierge d’un tel dénouement pour les éventuels mécontents ?

Pourquoi ? Parce qu’à mon sens, tout est déjà fait… Et parce que l’Eglise unie me plait beaucoup plus que quand elle est déchirée, je m’en réjouis !

[1] Cf. La Communication sur la rencontre entre la Congr. Pour la Doctrine de la Foi et la Fraternité Saint-Pie X, 14.09.2011 (référencée 01275-03.01) et l’entretien accordé par Mgr Fellay à DICI (n°240 du 14/09/11).

mardi 13 septembre 2011

Les catholiques votent à droite - l'IFOP ne nous dit pas pourquoi.

(Une fonction importante:
celle de Christine Boutin)
L’IFOP a réalisé une enquête («Qu'attendent les catholiques de l'élection présidentielle?») qui montre en gros que les catholiques sont plus «à droite» que le reste de la population. Notez que j’écris «à droite» entre guillemets – c’est que je cite.

L’institut de sondage a interrogé 3840 personnes représentatives de la population française. Sur ces 3.840 personnes, 563 (=15%) déclarent pratiquer le catholicisme. Ces personnes se sentent proches de l’UMP/MPF (49%) contre 22% seulement des Français. Maintenant, si l’on veut bien ôter de l’échantillon ceux qui se déclarent catholiques pratiquants, le support à l’UMP tombe à 18%.

«La gauche» maintenant (Gauche radicale, PCF, PS, Verts): 20% des catholiques pratiquants s’en sentent proches, contre 37% des Français – 40% si l’on ôte les catholiques pratiquants. 
Je reprends: d’un côté 15% de catholiques pratiquants – ils sont proches de l’UMP/MPF (49%) bien plus que de la gauche (29%). En face, les 85% qui ne pratiquent pas le catholicisme – ils soutiennent la gauche (53%) mais rarement l’UMP/MPF (18%).
C’est encore plus marqué quand IFOP demande le vote au 1er tour de l’élection présidentiel 2007. Les 85% de Français non pratiquants se sont partagés à égalité (29%) entre Sarkozy et Royal. Ce sont les 15% de catholiques pratiquants qui ont fait la différence : 41% ont choisi Sarkozy, 9% seulement Royal.

Viennent ensuite (en tentative d’explication?) des questions sur les raisons du positionnement. L’IFOP a cru judicieux de distinguer, parmi les catholiques pratiquants, les 9% qui se disent «très sensibles» à trois sujets spécifiques (euthanasie, laïcité et bioéthique) renommés «enjeux sociétaux». A ce moment, le sondage est-il encore sérieux ? Car enfin: on part 3840 personnes pour zoomer sur les 15% de catholiques pratiquants, puis sur 9% de ces 15%… bref: on interroge 50 personnes, pour nous dire que telle fraction de ces 50... Il n’y a plus de valeur scientifique!

Mais au fond, n’est-ce pas toute l’étude qui est biaisée? Je m’explique : l’IFOP a choisi son échantillon de base selon la méthode des quotas – C’est-à-dire que parmi les 3840 personnes du départ, il y a la même proportion d’hommes, de femmes, de citadins, de ruraux, d’ouvriers, d’employés ou de profession libérales que dans l’ensemble de la population française. Et c’est ensuite qu’a été appliqué le filtre «catholique pratiquant» - ou autre.

Or la pratique religieuse, pour effondrée qu’elle soit dans notre pays, a moins diminué dans la bourgeoisie que dans les classes populaires. Les 563 «catholiques pratiquants» qu’interroge l’IFOP sont bien plus susceptibles d’être des retraités aisés que les 3.277 autres personnes. Pour savoir ce que pensent les électeurs catholiques en tant que catholiques, il eut fallu isoler le caractère ‘catholique’ (que toutes les autres critères soient par ailleurs égaux)... ce qui n’a pas été fait.

Autrement dit, le seul enseignement qu’apporte cette étude, c’est que le catholicisme vote à droite – on le savait déjà. Mais puisqu’il s’agit (je force le trait) d’un catholicisme bourgeois, je crois légitime de se demander si c’est par conviction religieuse, ou pour défendre ses intérêts financiers. Personnellement, contre le mariage homo, je suis avec la fraction droite de l’UMP – mais pour préserver le dimanche je préfère Mélenchon.

lundi 12 septembre 2011

Assise III : ceux qui crient avant d'avoir mal

C'est une importante étude théologique que l'abbé de Cacqueray, supérieur du district de France de la Fraternité Saint Pie X a souhaité rendre publique, en indiquant qu'elle avait reçu approbation de Mgr Fellay, supérieur général de la même Fraternité. Sa publication, aujourd'hui, 12 septembre, en la fête du Saint Nom de Marie, instituée pour commémorer la victoire d ela Montagne Blanche qui sauva le catholicisme dans l'Empire, me paraît hautement significative. Certains, anticipant sur l'anticipation, semblent ici se prendre pour des sauveurs de l'Eglise. De quoi s'agit-il ?

Tout le monde attend avec impatience la réunion annoncée pour le 14 septembre à la Commission Ecclesia Dei. On connaît la résolution de Benoît XVI : recréer l'union avec la Fraternité Saint Pie X, en offrant à ses supérieurs un Pont d'or, non pas en devises ni en métal précieux, mais un pont d'or institutionnel, quelque chose comme un Ordinariat des traditionalistes dans le monde.

Certes les communautés Ecclesia dei sont, dit-on avec quelque complaisance, très opposées à cet accord qui donnerait au fils prodigue davantage qu'au fils aîné, comme dans l'Evangile. Il me semble qu'en l'état actuel des choses le calcul du fils aîné - avec son éventuelle colère rentrée ou revendiquée - est un mauvais calcul, car nous avons tous à retirer quelque chose, pour le bien de la cause, du séisme qu'engendrerait un tel accord.

Mais l'hostilité la plus grande à cette signature historique, on la trouve certainement au sein même de la FSSPX, comme le montre la publication de ce texte sur Assise III, juste deux jours avant la réunion du 14 et alors que, la réunion d'Assise étant fixée au 27 octobre, en soi rien ne pressait pour une telle mise au point.

La publication de cette étude théologique est indéniablement un geste politique, qui montre l'inquiétude des supérieurs locaux (en particulier français) devant un possible bouleversement de la situation canonique de la FSSPX. Que peut-on en tirer sur les résolutions de Mgr Fellay lui-même ? Pas grand chose. Le Supérieur n'a pas pu ne pas donner son accord à un article qui reprend des textes de sa propre plume. Mais que pense-t-il de cette publication ? Compte-t-il l'utiliser à Rome pour gagner du temps et essayer encore de ne pas signer, sans pour autant rompre les contacts et en s'inscrivant, comme il le répète désormais, dans la feuille de route qui, à moyen terme, doit voir le rapprochement tant attendu ? Simple supputation. Mais il me semble que cette perspective est plausible.

D'autant que la seule structure canonique acceptable pour la FSSPX, étant donné l'attitude de l'épiscopat un peu partout dans le monde, est ce que l'on appelle un Ordinariat traditionaliste (comme il y a un ordinariat aux armées ou désormais un ordinariat pour les anglicans convertis au catholicisme). Créer un ordinariat (et non une simple administration apostolique) c'est conférer au supérieur de la FSSPX une juridiction immédiate sur tous les fidèles qui se réclament de lui. On est au-delà d'un bricolage juridique. Cela signifierait que le supérieur de cette structure aurait par lui-même une légitimité pastorale sur ses ouailles, sans relever des Conférences épiscopales puisqu'elles sont nationales et que la Fraternité est Internationale. On conçoit que Mgr Fellay ne puisse pas refuser si beau cadeau ! Un cadeau qui peut changer énormément de choses dans l'Eglise en créant une autorité traditionaliste, ne relevant d'aucune conférence épiscopale mais du pape seul (et sans doute de la Commission Eclesia Dei ?)

Arrivera-t-on à un tel résultat dès le 14 septembre ? Sans doute pas. Mais c'est bien là que mène la feuille de route, revendiquée des deux côtés. N'ayons pas la prétention de gêner ou d'empêcher cette feuille de route, à laquelle je le répète, Mgr Fellay tient autant que le pape.

Dans ce contexte, l'étude publiée par l'abbé de Cacqueray, si précise et apparemment rigoureuse soit-elle, laisse l'observateur un peu perplexe. Pourquoi crier avant d'avoir mal ?

Et ce d'autant que les textes cités scrupuleusement en notes montrent bien que la démonstration (qui consiste à dire que Assise III = Assise I et que Mgr Fellay doit répondre au nouvel Assise comme y répondit naguère Mgr Lefebvre : par la désobéissance et la dénonciation du scandale) est une démonstration qui "patine".

Elle m'évoque ce que l'on trouvait cet été sur la Porte Latine, site de la FSSPX en France, à propos des JMJ de Denver (1993). Ces textes étaient publiés pour contrer les JMJ de Madrid (2011). Ici Assise I (1986) est utilisé contre Assise III (2011).

Qu'y avait-il de contestable dans le sommet interreligieux organisé par Jean-Paul II à Assise en 1986 ? Il me semble que toute la critique que l'on peut en faire tient dans cette phrase de Jean Paul II, qui explique tous les écarts et les débordements, Bouddhas sur des autels chrétiens etc. : "Les diverses religions sont des limitations de l'unique dessein divin de salut". Pour le dire d'un mot : on s'exposait dans la pratique, avec une telle formule, à confondre dans un même élan la religion qui est bonne parce qu'elle est naturelle au coeur de l'homme (cf. Somme théologique IaIIae Q81 sur la vertu de religion) et la religion surnaturelle qui seule sauve, en donnant la vie éternelle, c'est à dire en faisant participer les hommes sauvés à la vie que Dieu veut leur donner. Mgr Lefebvre a eu raison de tirer la sonnette d'alarme et de dénoncer une telle ambiguïté entre nature et surnaturel, une telle manière de surnaturaliser le naturel ou l'humain. le cardinal Ratzinger l'avait fait d'ailleurs lui-même à sa façon à l'époque. Il avait écrit sur ce sujet des textes de critique théologique qui sont recueillis dans Foi, vérité, tolérance (2002), dans lesquelles il réclame la plus grande prudence dans l'organisation de tels sommets.

Le pape va-t-il manquer à cette prudence ? Il est trop tôt pour en être sûr. Mais les phrases de Benoît XVI citées par l'auteur de l'étude montrent bien que des précautions sont prises pour éviter l'indifférentisme religieux qu'engendre fatalement de telles confusions entre nature et surnaturel.

Que constate-t-on dans l'organisation d'Assise III ?

Voici une liste non limitative des précautions prises par Benoît XVI :
1- Les responsables religieux sont réunis pour "prier ou réfléchir" en silence. Prier ou réfléchir : les deux mots sont utilisés. Ce n'est pas pour rien. il ne s'agit pas de donner une valeur surnaturelle ni même une valeur de prière à toutes les méditations de toutes les religions (Communiqué du 2 avril).

2- Les responsable religieux doivent comprendre que "leur foi religieuse" est "un service de la paix dans le monde" (Message pour la paix 1er janvier 2011). Il n'est pas écrit que toutes les fois religieuses participent à l'unique dessein divin de salut : là on surnaturaliserait des religions qui n'ont aucune valeur de salut et qui, par elles-mêmes, expriment seulement la nature (bonne et mauvaise : ambigüe) du coeur de l'homme.
Ces religions expriment la nature bonne de l'homme comme le souligne saint Thomas, en rendant l'hommage de la créature au créateur dans l'action de grâce, ce que tout homme peut faire.
Mais elles peuvent aussi, ces religions, exprimer la nature mauvaise de l'homme. Il existe, à travers la canonisation de la violence et de la guerre sainte par exemple, à travers des rites barbares de transe de meurtres et de cannibalisme, des vices de religions.
Lorsque le pape demande aux religions de se concevoir elles mêmes comme un service de la paix (et non une caution de la violence, dix ans après le 11 septembre la précision est importante), il accomplit un geste important et légitime. Il demande aux religions de se conformer à la vertu naturelle de religion, sans tomber dans les excès qu'engendre trop souvent l'instinct religieux dans l'homme.

3- Ce faisant, loin de mettre le catholicisme à égalité avec les autres religions, il manifeste son leadership naturel d'homme en blanc sur toutes les autorités religieuses du monde. Cette autorité morale qu'il donne, à travers sa personne, au catholicisme est une expression de la royauté sociale du Christ, mais non de sa royauté divine, de sa royauté surnaturelle et salutaire. Pour reprendre une formule de Maurras, à Assise III le pape agira au nom de l'Eglise de l'ordre, dans son rôle social universel, et pas au nom de l'Eglise du Christ dans son rôle salutaire et surnaturel. Peut-on distinguer ainsi l'ordre naturel et l'ordre surnaturel ? Toute la tradition thomiste l'accepte.

4- Dans le communiqué du mois d'avril, le pape parle aussi d'un pèlerinage silencieux, symbolisant la recherche de la vérité. Le concept de recherche d ela vérité est difficile à manier, certes. mais il est absolment orthodoxe. Imaginez que vous partiez faire un goum avec un de vos amis bouddhiste ou musulman : où serait le pb ? Dans le caractère éventuellement publique de cette initiative ? Même pas. Quel mal y a-t-il à figurer la quête de la vérité dans une marche silencieuse ? Certes la quête chrétienne est lourde de ce qu'elle a trouvé ou de ce qu'elle sait devoir trouver. Eh bien ! Il faudra le préciser. Le pape le précise d'ailleurs un peu déjà lorsqu'il demande aux responsables religieux de "s'unir à son chemin" à lui...

5- Fait doctrinal important, il n'est pas question de la tristement célèbre "unité spirituelle du genre humain" à laquelle se référait, en une sorte d'incantation, le premier paragraphe de Lumen gentium. Cette unité spirituelle du genre humain, c'est un concept maçonnique, imaginant l'impossible fusion de toutes les traditions humaine, pas un concept catholique. Nous savons que spirituellement l'humanité ne s'unira que dans le jugement du Christ qui constitue d'ailleurs l'ultime phase da sa glorification, comme on peut le lire au chapitre 17 de saint Jean. Et par son jugement le Christ unit, mais aussi il sépare les brebis des boucs... Eh bien ! De manière opportune, cette unité du genre humain, lorsque Benoît XVI en parle, elle se réduit à la paix qui doit régner entre les nations, à un idéal humain de prospérité et non à une sorte d'apocatastase de toutes les religions en une. C'est "le chemin du dialogue et de la fraternité dans un monde en mutation". Ce n'est pas la babélisation appelée et attendue comme une sorte de salut monstrueux.

Ces cinq points peuvent apparaître comme... des points de détails. Je crois au contraire qu'il suffise à lever les ambiguïtés théologiques qui pesaient sur Assise I.

On peut penser que le geste sera plus fort que le message dans un tel événement auquel on souhaite d'emblée une répercussion de masse. Mais pour être sûr de cela, il aurait fallu attendre l'événement lui-même. Pas crier avant d'avoir mal. Et pas instrumentaliser la perspective d'Assise III de cette façon catégorique et insuffisamment respectueuse de la lettre des textes pontificaux, comme si l'objectif était de justifier d'avance une non-signature, ce qui ne paraît pas conforme à la fameuse "feuille de route".

Que peut-on dire en défense de Benît XVI ? Le pape avait le choix entre deux attitudes : soit il se détournait d'Assise (et il laissait un de ses successeurs reprendre en pire la théologie potentiellement indifférentiste de Assise I) ; soit il corrigeait Assise, pour éviter que l'on puisse faire de Assise I une tradition... bien assise.

C'est de cette dernière manière, et donc pour le bien, qu'il faut pour lors interpréter l'attitude de Benoît XVI, étant donné les réticences qu'il a produites dans le passé et les corrections "benoîtes" qu'il introduit dans le présent (texte du 1er janvier et Communiqué du mois d'avril) sur ce sujet. Je peux me tromper. J'ai fait partie de ceux qui ont signé l'année dernière une demande respectueuse de précisions théologiques au pape. Il me semble que ces précisions sont données petit à petit, j'allais dire justement : "benoîtement".

Elles ne sont pas assez claires ? Peut-être mais elles vont toutes dans le même sens et laissent bien augurer d'une manifestation qui sera très observée par les experts, à défaut d'être suivie par les masses.

jeudi 8 septembre 2011

Mardi prochain, 13 septembre, c'est notre rentrée

- L'Espagne est un état laïc
- Oui, mais par la grâce de Dieu
Nous aurons mardi 13 septembre la premier conférence. Son thème ? Les JMJ. Sur ce sujet, parce que nous n'aimons pas la pensée unique et pas davantage les consensus mous, nous auront un débat contradictoire. Les invités? D'un côté, l'abbé René Sébastien Fournié, actuellement prêtre dans le diocèse de Bayonne, qui incarne, même s'il n'aime pas ce mot, la tendance restaurationiste dans l'Eglise de France ; de l'autre Philippe Clanché, journaliste à Témoignage chrétien et dont j'ai beaucoup apprécié le Blog résolument "catho de gauche".

A l'ordre du jour des questions, sur lesquelles la réponse de nos deux débatteurs pourra surprendre :
  • Le succès des JMJ marque-t-il un premier triomphe du restaurationisme catholique?
  • Que reste-t-il de l'engagement politique des jeunes catholiques alors qu'une vague mystique semble avoir déferlé sur Madrid?
  • Madrid tombeau des cathos de gauche, comme Philippe Clanché fait semblant de se le demander?
  • Madrid avec ou contre Vatican II?
  • etc.
Je compte sur nos deux débatteurs pour oublier la langue de buis, pour n'accepter aucun tabou et ne se retrancher derrière aucun totem. Je sais qu'au-delà de leur désaccord très réel et qui apparaîtra à la lumière ce soir là, nos deux débatteurs mettront en pratique l'exhortation de saint Pierre : "Aimez la fraternité !" Il serait temps de nous rendre compte, après 40 ans de combat naval dans l'obscurité, que nous sommes les fils d'un même père. Merci à eux d'avoir accepté de porter ce témoignage chrétien.
Mardi 13 septembre 2011 - à 20H15 - au Centre Saint Paul, 12 rue Saint Joseph 75002, M° Sentier ou Grands Boulevards - PAF 5€, tarif réduit à 2€ (étudiants, chômeurs, membres du clergé) - Un verre de l'amitié prolonge la conférence.

Réponses sur le sédévacantisme et quelques autres sujets

Il en est que la polémique gonflent. Tel est votre serviteur et tel aussi l'anonyme de 19 H 45, qui se vante d'avoir des fiches à jour et croient que cela suffira pour me faire taire. Oh ! A ce propos, tant que vous n'en avez pas tout à fait la nausée, je ne saurais résister à vous citer encore Pascal dans sa cinquième lettre à Mademoiselle de Roannez : "Le Christ a donné dans l'Evangile cette marque, pour reconnaître ceux qui ont la foi, qui est qu'ils parleront un langage nouveau, et en effet le renouvellement des pensées et des désirs cause celui des discours". Méfions nous des christianismes stéréotypés ! La foi ne relève jamais de cette maladie du perroquet que l'on nomme psittacisme.

Pour en venir à mon zoïle, il me reproche pêle-mêle toutes sortes de choses, parfois incompossibles. Voyons un peu...

La liturgie au Centre Saint Paul se dégraderait parce que je dis tout haut (sur un mode intimatif et non récitatif) les paroles de la consécration. Désolé cher Monsieur, mais cette coutume remonte, pour moi, sans que je l'ai cherché, à mes toutes premières messes. Cela fait 22 ans que je célèbre ainsi et n'ai jamais forcé personne à le faire. Je crois simplement qu'à notre monde désacralisé le silence liturgique ne parle pas assez fort au moment absolu où Dieu se donne en un sublime baiser à la terre et à ceux qui sur la terre adorent sa présence. Parfois j'aimerais que la voix du prêtre en cet instant résonne dans le monde entier !

Les lectures en français ? Mais elles sont faites immédiatement pour instruire et non pour rendre un culte à Dieu, qui les connait par coeur puisque ce sont les siennes. Si elles sont faites pour instruire, autant qu'on les comprenne. Cela dit, l'Evangile chanté en latin est aussi un moment magnifique, durant lequel l'Eglise assume la Parole de Dieu et, la prononçant en latin, la fait sienne.

La messe dite pour des obsèques par un prêtre sédévacantiste. Là je vais être un peu technique. Autant je crois à la légitimité de la messe selon la forme rénovée, autant je ne crois pas à la légitimité d'une messe de saint Pie V célébrée par des prêtres qui refusent l'autorité du pape (qu'ils aient ou non éprouvé le besoin de se dire sédévacantistes, ceux qui ne le disent pas étant les pires). Mais il me semble que la thèse du pape materialiter, défendue naguère avec science par le Père Guérard des Lauriers (qui, hélas, lui dominicain, s'était laissé séduire par les casuistes au point de leur emprunter le curieux concept de certitude probable), lorsqu'elle est professée par un coeur droit et catholique, empêche ceux qui la professent de désobéir au pape, sans rompre la succession apostolique, puisque, pour les tenants de cette thèse, "matériellement" elle est assurée.

Bref, ceux qui se contentent de jouer avec les étiquettes, comme le souligne l'un d'entre vous, font le jeu du Diviseur, en grec diabollos. Ce ne sont pas nos étiquettes qui nous sauveront mais nos coeurs de chrétiens.

Mais j'oubliai : mon zoïle anonyme me reproche de céder au toulemondeilestgentisme... Et avec de tels arguments, ne suis-je pas en train de lui donner raison.

Je ne le crois pas. je suis frappé du besoin qu'éprouvent souvent les personnes qui sont engagées dans un combat à salir ou à diaboliser leurs adversaires. Comme si ils n'étaient pas assez sûrs d'eux-mêmes et de leurs raisons, et comme si il fallait que leurs adversaires soient méchants pour que leur combat soit juste. Je crois, moi, que cette agressivité a priori dénote un manque de confiance non pas en soi mais dans la valeur des convictions personnelles qui vous animent. Scio cui credidi s'écriait saint Paul. Je sais en qui j'ai cru. Pascal a fait de cette phrase sa devise après le miracle de la Sainte Épine, qui guérit sa nièce et filleule Marguerite Périer. Quant on sait, on n'a pas besoin de la haine, on ne cherche pas à exclure, on ne poursuit aucune entreprise de diabolisation de l'autre. Et quand on se laisse aller à cette tentation de la violence verbale et parfois physique, c'est justement... que l'on ne sait plus où on en est...