mardi 21 février 2012

Une réponse sur l'athéisme

L'un d'entre vous a répondu longuement à mon dernier post L'athéisme est mort. Voici ce qu'il écrit : "Je suis d'accord avec vous et Philippe Nemo pour admettre que la forme traditionnelle de l'athéisme est morte. Mais je ne vous suis pas pour déclarer la mort de l'athéisme en tant que concept ou pensée philosophique".

Ce dont parle Philippe Némo, ce n'est pas du concept de l'athéisme, qui est un concept possible dans le champ des possibles (même si cela ne signifie pas que c'est une représentation réelle ou réaliste). Ce dont nous instruit Nemo, c'est de l'athéisme moderne, celui qui se déclare responsable du bonheur de l'homme et qui estime que ce bonheur consiste justement dans la négation de Dieu, dans une sorte de négationnisme métaphysique. C'est ce négationnisme-là qui est mort, de sa belle mort, à court de ses propres arguments.

Il se trouve que je relisais rapidement L'avenir d'une illusion de Sigmund Freud, pour préparer notre belle session de samedi dernier. On trouve déjà chez Freud deux ingrédients étranges qui expliquent le dépérissement de l'athéisme philosophique. Premier ingrédient : pour Freud, l'athéisme n'est pas  objet de démonstration, c'est sa base de départ. Elle est non négociable en quelque sorte : "Ces idées [religieuses] qui professent être des dogmes sont des illusions, la réalisation des désirs les plus anciens de l'humanité". Deuxième point : il se demande tout de même quel bénéfice il y a pour la civilisation à supprimer de telles idées. Et il accepte de se dire qu'en fait il n'y en a aucun. L'athéisme ne sert à rien.

Son athéisme est un pur rationalisme [pas d'expérience sensible de Dieu donc pas de Dieu], qui reconnaît qu'il n'apporte rien au monde. Freud est le premier athée, à ma connaissance à douter de la mission de l'athéisme. Et en même temps, parce qu'il ne veut pas dépasser les représentations de la raison que Pascal appelle géométrique, il refuse à Dieu la possibilité d'entrer dans son univers mental. Pour lui, Dieu serait juste une invention de la civilisation.

Il est tellement clair que la question de Dieu s'infiltre en chacun de nous aujourd'hui malgré la civilisation qui nous entoure que la critique freudienne se trouve complètement périmée. Et à cause de son indigence originaire. Et parce que son point de vue même est faux : Dieu n'est pas un produit de la civilisation mais plutôt quelque chose comme une idée innée, ainsi que l'avait noté Descartes.


Pourquoi les hommes ont-ils tellement de mal à se poser la question religieuse, qui est, objectivement la question la plus importante de leur vie ? Pascal a son idée là-dessus.

"Ce même homme qui passe tant de jours et de nuits dans la rage et le désespoir pour la perte d'une charge ou pour quelque offense imaginaire à son honneur, c'est celui là même qui sait qu'il va tout perdre par la mort, sans inquiétude et sans émotion. C'est une chose monstrueuse de voir dans un même coeur et en même temps cette sensibilité pour la moindre chose et cette étrange insensibilité pour les plus grandes"

Et voici pour Pascal l'explication : "C'est un enchantement incompréhensible et un assoupissement surnaturel, qui marque une force toute puissance qui le cause". Bref : c'est le diable. L'avenir de l'athéisme comme construction raisonnée du destin humain ? C'est Satan... Vous êtes choqué ? Refaites le raisonnement avec Pascal : il cherche toujours ce qu'il appelle "la raison des effets". Relisez le paragraphe précédent : ce sont les effets, tels qu'il les voit dans nos vies...  Une disproportion entre l'anecdotique (qui prend tout le champ visuel dans notre vie) et l'essentiel (qui est volontairement "oublié", comme par suite d'actes manqués à répétition). Pourquoi cette disproportion, qui est tout sauf raisonnable ? Pourquoi ? Ou par qui ?

4 commentaires:

  1. Bonjour,

    1. La plus grave erreur commise par les chrétiens qui critiquent l'athéisme réside dans le fait qu'ils s'en prennent avant tout à l'athéisme pensé, militant ou partisan, intellectuel ou théorique, en méconnaissant, le plus souvent, la puissance de l'athéisme vécu, existentiel, non militant ni partisan, mais ordinaire, quotidien, matériel, en un mot : l'athéisme pratique.

    2. Mais les propagateurs de l'athéisme savent bien, eux, qu'on ne diffuse pas l'athéisme au moyen de catégories pensées, de concepts, mais à travers la promotion, dans la civilisation des loisirs, dans la société du produire-pour-consommer, dans le système audio-visuel, dans le système éducatif, de comportements concrets, d'une praxis.

    3. Tant que nous n'interrogerons pas davantage en profondeur les racines de l'agir concret des êtres concrets, en ce qu'il est recomposé, ou plutôt décomposé, par la confusion contemporaine entre civilisation et divertissement, par de "l'idolâtrie" et du "polythéisme" hédonistes, sensualistes et technicistes, médiatiquement corrects, nous pourrons toujours prendre acte, de temps à autre, du dépérissement de telle ou telle version ou vision de l'athéisme théorique, mais cela ne changera rien à l'affaire.

    4. Le jour où nous comprendrons que telle ou telle chaîne de télévision généraliste fait plus, pour répandre la cause de l'athéisme (pratique), que Michel ONFRAY, en ce qu'il veut répandre la cause de l'athéisme (théorique), nous commencerons peut-être à réfléchir et à réagir différemment.

    A Z

    (à suivre)

    RépondreSupprimer
  2. 5. L'athéisme pratique, avec un a privatif, n'a nullement besoin d'antithéisme théorique, avec un anti combatif : il va de soi, pour la majorité de nos contemporains ; certains d'entre eux seraient même fort surpris qu'on les traite d'athées : ils sont non croyants, non pas comme d'autres sont non voyants, et privés ainsi de quelque chose qui profite et que l'on souhaite à tous, mais non croyants, en ce qu'ils n'ont pas "besoin" ni "envie" de "çà" pour vivre.

    6. Marx, Nietzsche, Freud, et ceux qui se sont inscrits dans leur sillage, ont délégitimé l'évidence apparente du fait de croire ; mais ceux qui ont marginalisé souvent, ridiculisé, parfois, ringardisé ou stigmatisé, l'exigence effective du fait de croire, n'ont eu qu'à jouer

    - sur la combinaison contemporaine entre la vraie paresse de l'esprit et la fausse sagesse devant la vie,

    - sur la coopération contemporaine entre la fausse humilité du : "tout çà, c'est trop compliqué pour moi, trop différent de moi", et le véritable orgueil, plus ou moins conscient de lui-même, de ceux qui s'imaginent

    - qu'ils construisent eux-mêmes tous seuls leur agir et leur être, leurs motifs et leurs valeurs, leurs conceptions et leur décisions, la direction de leurs actes,

    - qu'ils n'ont pas à dépendre, ni ne dépendent en fait, d'aucune instance morale et spirituelle, donatrice de vie et de sens, située en amont et en surplomb, par rapport à toute vie humaine.

    7. Les conséquences de cette assiduité paradoxale, de cette "dévotion profane" en faveur de l'athéisme pratique, tout le monde les connaît, à commencer par des psychanalystes :

    - la nostalgie narcissique de sa jeunesse, de son passé, en lieu et place de la fidélité ;

    - l'ennui insulariste et souverainiste, monadique et nomadiste, de vivre, compensé par des moments d'ivresse de vivre, d'intensification artificielle et superficielle du moment présent, en lieu et place de la véritable joie de vivre ;

    - l'angoisse narcissique face à sa vieillesse, face à son avenir, en lieu et place de la confiance ;

    - la multiplication des addictions, notamment celles relatives au haut-ventre (ce que l'on inhale ou respire), au ventre (ce que l'on boit ou mange), et au bas-ventre ;

    - la multiplication des troubles de la personnalité, notamment dans le cas des narcissiques pervers,

    - qui veulent se prendre eux-mêmes pour Dieu, id est pour un Dieu bienfaisant et coopératif seulement pour eux, mais malfaisant et dominateur pour tous les autres,

    - qui ne veulent pas se laisser prendre par le seul vrai Dieu, Père, Fils, Esprit, qui est bienfaisant pour tous et pour tout, dès lors qu'il est adéquatement connu, compris, aimé, servi, reçu, transmis.

    8. C'est cette praxis alinéante, prescrite, non par des philosophes, mais par la culture ambiante (au demeurant plutôt anti-intellectualiste), qu'il faut dénoncer, car

    - si l'athéisme théorique est une pathologie de l'esprit, qui se manifeste, chez certains, par du fanatisme contre les croyances et / ou contre les croyants, mais qui n'a pas de conséquences immédiates chez la plupart des gens (qui lit certains promoteurs de l'athéisme théorique, aujourd'hui ?),

    - l'athéisme pratique, en revanche, est une pathologie située au-dedans et au-devant de la vie, de la vie humaine, dans ce qu'elle a de plus réel, et qui se manifeste par un fatalisme, à la fois confus et diffus, qui relève de la servitude volontaire, oublieuse de ses causes et de ses effets, jusqu'à ce que certains d'entre eux frappent à la porte, ne serait-ce qu'à travers des maladies physiques ou psychiques, des problèmes familiaux ou personnels.

    A Z

    (à suivre)

    RépondreSupprimer
  3. Mais allez donc expliquer, à quelqu'un qui vit sans foi en l’Auteur de la vie ni raison(s) de vivre,

    - qu'il n'a évidemment pas à se mettre à croire, dans le but intéressé d'aller mieux, dans son esprit et dans sa vie,

    mais

    - qu'il n'a rien vraiment à perdre et vraiment tout à gagner,

    - à prendre conscience de certaines incohérences et inconséquences, qui lui sont propres, qui ne sont peut-être pas de sa faute, mais qui sont sûrement de son fait ;

    - à se remettre en cause, dans sa pensée et dans son action, à considérer différemment certains actions ou choses qui lui font, en définitive et en réalité, plus de mal que de bien ;

    - et à mettre en oeuvre une démarche de conversion, en direction de Dieu (donc aussi d'aversion, vis-à-vis de ce qui le détourne de Lui), en se rendant davantage disponible et responsable, par Lui et pour Lui.

    Allez expliquer cela, à quelqu'un qui n'entend parler, depuis plusieurs décennies, que de dignité et de liberté de la conscience et de la personne, de légitime autonomie de chacun et de tous, tempérée par le consensus dans la différence et par la fraternité universelle, alors que l'on ne parle plus à personne de l'indignité relative de l'agir humain et de la servitude relative des êtres humains, relatives au fait qu'ils sont soumis ou sujets au péché, notamment parce qu'ils pèchent, plus ou moins consciemment et volontairement, contre le seul vrai Dieu, en vivant, sans y penser, dans "l'oubli du mépris" ou dans "l'oubli de l'oubli" de Son Fils unique, Jésus-Christ...

    Bonne journée.

    A Z

    RépondreSupprimer
  4. Bonjour Monsieur l'abbé, bonjour cher Webmestre,
    Bonjour Benoîte, bonjour Julien, bonjour à toutes et à tous,

    Je viens de trouver un intéressant document, je crois, sur CNN, à propos de l'expérience d'un prêtre américain, frappé d'une très grave maladie, et qui parle de son expérience avec la Foi.

    Il s'agit du pasteur Ed Dobson, avant sa maladie en charge à la Calvary Church in Grand Rapids, Michigan.

    Il y a une vidéo (My Garden) également, avec l'article. Je vous mets le lien (juste à placer dans votre fenêtre de recherche, puis cliquer) pour ceux que cela intéresse, nous en reparlerons peut-être:

    http://religion.blogs.cnn.com/2012/02/18/tending-the-garden-one-person-at-a-time/

    RépondreSupprimer