lundi 22 octobre 2012

Vrai et faux génie du christianisme

La nouvelle évangélisation m'agace : on parle de tout et de son contraire en se drapant dans le manteau néo-évangélisateur et l'on oublie que l'évangélisation, il n'y en a qu'une, depuis l'origine. Nous répétons après le Christ : "Le Royaume de Dieu est au milieu de vous". Pouvons-nous mieux dire ? Difficile.

Ce que nous pouvons faire, ce n'est pas changer de mode évangélisateur ou de vecteur de l'évangélisation. Il n'y en a jamais eu qu'un : le Christ. Mais nous pouvons (et me semble-t-il : nous devons) penser l'évangélisation, montrer comment elle agit tel le levain dans la pâte humaine, non pas comme une idéologie, mais comme une nouvelle manière d'être au monde qui touche chaque personne si elle le veut.

Jean-Louis Harouel, dans son dernier livre, Le vrai génie du christianisme, montre comment le vrai christianisme transforme le monde et comment de faux christianismes, comment des christianismes purement idéologiques le détruisent. Sa tentative est ambitieuse, très accessible et, pourquoi ne pas le dire ? enthousiasmante. "Tout ce qui est catholique construit" écrivait naguère l'agnostique Maurras. Il y a le génie du vrai christianisme, qui est un génie de liberté et de développement humain. Et puis il a le mauvais génie des faux christianismes, porteur de totalitarismes et d'enfermements politico-idéologiques. Entre les deux, il est impératif de choisir.
Jean-Louis Harouel, professeur à Assas, vient demain mardi à 20 H 15, au Centre Saint Paul, nous montrer, avec la clarté d'exposition qui le caractérise, ce qu'est le vrai et ce qu'est le faux génie du christianisme.
 
Pour vous mettre en appétit, j'ai demandé à mon alter ego Joël Prieur qu'exceptionnellement il vous fasse profiter de la chronique qu'il publie dans Minute cette semaine sur l'ouvrage de Jean-Louis Harouel Le vrai génie du christianisme.

Totalitarismes pas morts
Jean-Louis Harouel s’était déjà signalé par un lucide état des lieux de la décadence occidentale dans Culture et contre-culture (coll. Quadrige PUF). Il revient cette fois avec un livre riche sur le génie politique du christianisme et ses multiples déformations historiques. Un livre à lire pour comprendre ce qui nous arrive.

De saint Paul à Karl Marx, de Ferdinand Buisson à Renaud Camus, le parcours est éblouissant. Non seulement Jean-Louis Harouel sait tout, mais surtout il a l’art de transmettre ce qu’il sait, en orchestrant des citations essentielles et des détails révélateurs dans une symphonie intellectuelle extrêmement convaincante.
 
Le titre de son livre Le vrai génie du christianisme peut induire en erreur sur l’ampleur de la perspective. Il ne s’agit pas seulement de montrer que le christianisme est à l’origine de l’idée de laïcité et qu’à travers la grande désacralisation du monde opérée par le dogme chrétien, c’est ce même christianisme qui est la matrice de notre liberté de pensée…
 
Sur 250 pages, Jean-Louis Harouel montre aussi la déformation de l’idée chrétienne, et le déclin de l’esprit qui produisent ces évolutions du logiciel initial. « Il y a deux conceptions religieuses de la manière de changer le monde : la manière chrétienne et la manière millénariste. La manière chrétienne de changer le monde consiste à se changer soi-même pour se consacrer aux autres (…) Toute autre est la manière dont les esprits millénaristes pensent pouvoir changer le monde. Ils prétendent le faire en changeant la société, ce qui veut dire concrètement, en changeant les autres ! En les changeant par la contrainte, voire par la violence. Le projet d’établissement du Royaume de Dieu sur terre vise à construire une sainteté collective par des méthodes totalitaires ».
 
Passionnante est la généalogie de ce néo-christianisme totalitaire, gnostique ou socialiste. Jean-Louis Harouel nous offre une synthèse éblouissante de cette idéologie chrétienne qui, depuis les temps lointains de la gnose et du manichéisme, épouse la destinée historique du vrai christianisme… A le lire, on se demande si l’islam n’est pas l’une des manifestations les plus importantes de cette hérésie chrétienne. Autre manifestation historique de cette idéologie chrétienne mutante, la philosophie des droits de l’homme, qui « érige le droit en religion d’Etat, bourrée de valeurs d’origine évangélique, aboutissant à un universalisme fantasmé ».
 
Pour certains l’ennemi politique et culturel est le libéralisme, qui nivelle toutes les convictions et entraîne à considérer que toutes les positions, toutes les opinions, tous les projets sont équivalents. Pour Jean-Louis Harouel, disciple de Jean Fourastié auquel il a consacré un texte très important en introduction à Productivité et richesse des nations (collection Tel Gallimard), la question n’est pas forcément de « résister au libéralisme », induit par la socialisation toujours plus importante des valeurs chrétiennes… L’ennemi, c’est la pensée totalisante ou totalitaire qui naît de la confusion entre la politique et le sacré. Mettre du sacré en politique, c’est toujours travailler à asservir l’homme, en renouvelant les vieilles idoles et en donnant au dieu Moloch, amateur de chair humaine, une dimension politique terriblement concrète. Le christianisme orthodoxe nous a guéri de cette tentation persistante de sacraliser le politique. Face à l’orthodoxie chrétienne, la grande hérésie, multiforme et sans cesse renaissante, est celle qui s’acharne à concevoir le projet du Christ comme un projet politique, en oubliant l’Evangile et le fameux « Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu ».
 
L’islam coranique, le socialisme – chrétien ou non – le mondialisme humanitaire sont les grands avatars de cette moderne confusion du spirituel et du temporel. Il faut lire Jean-Louis Harouel, le lire jusqu’au bout : il nous aide à voir notre monde autrement.
 
Joël Prieur

Jean-Louis Harouel, Le vrai génie du christianisme, Laïcité, liberté, développement, éd. Jean-Cyrille Godefroy 270 pp. 20 euros

1 commentaire:

  1. Cher M.AG2T, ci-dessous un résumé de l’interview de Rémi brague qui a reçu aujourd’hui le prix Ratzinger.
    Ce n’est pas du tout hors sujet, bien au contraire.
    Mais en l’écoutant, j’ai aussi pensé à Julien. J’avais essayé dans plusieurs post, mais en vain, de lui montrer la distinction entre notre Foi et la Loi. N’ayant aucune autorité en matière théologique, mes propos ne font absolument aucun effet. Rémi Brague, lui, non seulement est une personnalité reconnue, mais encore, il aborde le sujet d’une manière limpide.
    D’autre part, si on suit son raisonnement jusqu’au bout, on peut comprendre ce que les Luthériens refusent : Ce fameux Pardon donné par le Christ, se perpétue encore et toujours par les Sacrements dans l’Eglise catholique. Les Apôtres et leurs successeurs ont reçu le pouvoir divin de perpétuer l’œuvre du Christ. Julien pourra aussi comprendre pourquoi nous disons que le christ est une Personne par le fait qu’il nous a approché jusqu’à « entrer en nous »
    Mais voici le résumé de cet interview :

    22 octobre 2012
    Radio VATICAN :Rémi Brague, lauréat du prix Ratzinger, Professeur émérite de philosophie médiévale et arabe à l'Université Panthéon-Sorbonne et professeur de philosophie des religions européennes à l'Université Ludwig-Maximilian de Munich.
    Quel est votre rêve pour le christianisme dans 50ans ?
    Réponse :
    -L’athéisme ne peut pas répondre à la question fondamentale « pourquoi il est bon qu’il ait des hommes sur cette terre ? » Pour des raisons simplement darwiniennes, l’athéisme est donc promis à l’extinction.
    Rémi Brague souhaite donc, pour le futur, un christianisme qui s’intéresse au Christ et non aux prétendues valeurs chrétiennes ni à la prétendue morale chrétienne. Les valeurs ne sont pas des personnes. Nous n’avons pas à sauver des valeurs, c’est elles qui doivent nous défendre. Ce qui sauve doit nous défendre, ce que ne peuvent pas faire les valeurs. Il n’y a pas non plus de morale chrétienne. Il existe une morale « tout court » qui n’a pas d’obédience spécifique. Il y a seulement un « interprétation chrétienne » de la morale qui fait intervenir ce qu' aucune considération de la Loi morale ne peut « penser » : l’idée de pardon. Avec le Christ, on entre dans autre logique, celle du pardon : Transgression mais pardon. On est pardonné par une Personne et une personne n’est ni une Loi, ni une valeur, ni un système. La Loi morale ne pardonne pas. Elle ne fait que constater la transgression. Il faut que le chrétien prenne au sérieux le fait que le christianisme est fondé sur le Christ.
    Miséricorde : La Loi juive ou islamique connaissent aussi la miséricorde : Effacer l’ardoise. Mais, en christianisme c’est plus qu’effacer l’ardoise : Par le Pardon, Dieu nous remet dans la Liberté. Il nous donne quelque chose qui vient entièrement de lui, car Lui seul peut le faire : Le péché nous blesse, nous paralyse et nous rend incapables de choisir, de « vraiment » vouloir notre bien. Il s’agit de recevoir à nouveau la liberté : Etymologiquement : Par-donner= nous la restituer. La recevoir à nouveau.
    Il faut aussi la soigner car cette liberté blessée. Dieu monte un dispositif qui est, d’entrer dans la liberté de l’homme et de faire sauter les verrous qui l’entravaient de l’intérieur (économie du salut) : Entrer à l’intérieur du sujet pour le libérer. (c’est toute la mission du Christ !)
    Benoîte







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